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Culture - Festival de Baalbeck

« Du temps de Saladin », ou l’histoire à jamais recommencée...

« Du temps de Saladin », le spectacle musical présenté par Farid et Maher Sabbagh, qui a donné le coup d’envoi de l’édition 2011 de ce festival, a enchanté les esprits malgré certaines faiblesses. L’incendie qui, à un moment donné, a gagné les décors ce soir-là n’a pas tardé à faire flamber les cœurs de milliers de spectateurs.

«Du temps de Saladin», une fresque épique sur fond de guerre et de paix. (Press Photo)

Piégé entre deux temples prestigieux aux colonnades ancestrales géantes, le public enthousiaste se fond dans le paysage historique de la citadelle romaine. À partir du moment où le spectacle commence, il est déjà loin, emporté par l’atmosphère des ruines, à l’époque de Saladin et de nos aïeux, qui ont racheté la dignité des Arabes en affrontant avec bravoure la tyrannie de l’Occident.
La pièce se déroule en 1187 après J.-C. dans la région du Proche-Orient, qui a connu les combats les plus sanglants entre les armées arabes et les Croisés. Elle dépeint les événements ayant bouleversé le berceau des civilisations et des religions, lorsque Richard Cœur de Lion, roi d’Angleterre, a tenté d’entraver la reconquête de Jérusalem par Saladin (Assi el-Hellani). Le spectacle se fonde sur l’imbrication d’une seconde intrigue dans la première, permettant l’insertion des événements historiques dans le contexte politique et social actuel du Moyen-Orient.
En effet, à travers le personnage clé du vieil écrivain et dramaturge, Bilal al-Moukhtar (Antoine Kerbage), l’histoire est réécrite pour mieux s’adapter aux exigences des temps modernes. Une histoire d’amour naît entre Saladin et Salma (Carine Ramia, à la voix mélodieuse), une jeune fille maronite, originaire du Mont-Liban, chargée d’une mission secrète par l’Occident, auprès des troupes de Saladin. Cette dernière, ayant perdu ses parents lors des conflits entre l’Orient et l’Occident, désire les venger. Mais quand elle découvre la noblesse de cœur et l’humanité de Saladin, elle ne tarde pas à rejoindre le camp de ses nouveaux alliés.
C’est dans le cadre d’une quinzaine de tableaux pittoresques et envoûtants que se profilent les unes après les autres les scènes de ce spectacle. La simplicité du décor (les portes de la ville, le gigantesque livre d’histoire, les grands escaliers menant au temple, le canon et les arbres...) est compensée par la somptuosité des colonnades.
Les quelques imperfections au niveau du jeu des acteurs et de la synchronisation des actions sont évacuées au profit de l’habileté des jeunes danseurs, de la richesse des tableaux alliant danses folkloriques (dabké) et ballets, ainsi que d’une scénographie sobre et travaillée qui a essayé de tirer le meilleur profit du paysage des ruines et de ses aléas. De même, certains défauts techniques, qui ont gâché à certains moments la sonorisation, n’ont pas empêché les spectateurs d’apprécier l’écoute d’une musique variée, vivante, très expressive et adaptée au contexte.
Finesse de l’éclairage et jeu d’ombres, légèreté, vivacité et adéquation des costumes viennent ajouter, avec la présence incontournable des chevaux sur le plateau, un charme supplémentaire au paysage. Les chanteurs du chœur de l’Université antonine, mêlés aux acteurs, dans leurs costumes de soldats, d’habitants de la ville ou de marins, ont fait vibrer les lieux de leurs échos angéliques. Accompagnés de 45 musiciens, sous la houlette de Harout Fazlian, dissimulés au regard du public, ils ajoutaient à l’éloquence du spectacle en participant à l’illusion de réalité maintenue par le jeu et le chant en direct surtout, une initiative hasardeuse mais ô combien concluante.
Le texte et les paroles échangées par les divers acteurs ne sont pas en reste. Tantôt teinté d’humour, tantôt critique, tantôt sollicitant le rire, tantôt invoquant la lucidité des spectateurs, le texte, rédigé en arabe dialectal, est clair et concis, accessible, franc et dénonciateur. Il traite de manière spontanée et ludique les clichés sociaux véhiculés par le communautarisme. Cependant, il dénonce de manière acerbe la décadence de la civilisation arabe et l’état morcelé d’une société déracinée et manipulée par les grands.
La chute s’annonce par un avortement de la fin et avec elle du rêve d’un projet de réconciliation définitif entre l’Orient et l’Occident, les chrétiens et les musulmans, tel que l’aurait envisagé l’écrivain Bilal al-Moukhtar pour la fin de sa pièce de théâtre. La mort soudaine de ce dernier empêche les générations du futur Proche-Orient d’avoir accès à un dénouement heureux. La guerre persiste et réside dans nos terres, incarnée par le caractère féminin fatidique de Rahile (Carmen Lebbos). En attendant, les acteurs, contraints à admettre leur condition et à se contenter de l’état précaire de la trêve, se consacrent à la célébration de la Cité du soleil, ultime témoin d’un passé arabe glorieux.

 Géraldine ZEIDAN
Piégé entre deux temples prestigieux aux colonnades ancestrales géantes, le public enthousiaste se fond dans le paysage historique de la citadelle romaine. À partir du moment où le spectacle commence, il est déjà loin, emporté par l’atmosphère des ruines, à l’époque de Saladin et de nos aïeux, qui ont racheté la dignité des Arabes en affrontant avec bravoure la...

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