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Liban - Débat

Malgré leurs réserves, les Arméniens voient en Ankara un salutaire contrepoids à Téhéran

Comment les Libanais d’origine arménienne ont-ils perçu la déclaration du Premier ministre turc Erdogan qui a fait de sa victoire aux élections législatives celle, entre autres, de Beyrouth ? Tour d’horizon auprès de personnalités arméniennes et dans les rues de Bourj Hammoud.

« Ma victoire est celle de Damas, de Beyrouth, de Gaza et de Jérusalem. » C’est en ces termes que Recep Tayyip Erdogan, Premier ministre turc, s’est adressé au monde après la victoire aux élections législatives turques du parti de la Justice et du Développement (AKP). Comment les Libanais d’origine arménienne ont-ils réagi à cette déclaration ?
Ces réactions sont inattendues : certains dénoncent le rôle prépondérant que joue désormais Ankara au Moyen-Orient et y voient un rappel des atrocités commises du temps de l’Empire ottoman. D’autres mettent de l’eau dans leur vin et tempèrent leurs propos, soulignant qu’il ne s’agit certes pas d’oublier les génocides perpétrés à l’encontre du peuple arménien, mais il ne faut pas pour autant oublier que désormais les Arméniens sont avant tout libanais, et que de ce fait les intérêts du Liban doivent prévaloir sur toute autre considération.
De nombreux passants que nous avons croisés dans la rue et que nous avons interrogés ont souligné, le sourire aux lèvres, que vu le ton sévère adopté par le Premier ministre turc à l’encontre de la Syrie, ils veulent bien garder en sourdine dans leur mémoire le massacre de leurs aïeux, en essayant de tourner la page. Certains sont allés jusqu’à ajouter que si M. Erdogan fait un mea culpa au nom de son pays, ils pardonneront. Que la Turquie fasse le contrepoids de l’Iran ne déplaît pas à de nombreuses personnes que nous avons interrogées. Celles-ci voient dans le rôle d’Ankara un juste développement des choses à l’heure où « les pays arabes sont démissionnaires ».
Il reste que, dénotant sensiblement avec le climat général, le député de Beyrouyth, Sebouh Kalpakian, membre du parti Henchag, n’hésite pas à souligner à L’Orient-Le Jour qu’il s’agit surtout « et avant tout de ne pas faire confiance à la Turquie ». « Nous ne devons pas faire confiance à ce pays, assène-t-il. Le parti qui a remporté les élections et qui dirige actuellement le pays souhaite détenir toutes les cartes de la région entre les mains. Il profite des circonstances régionales exceptionnelles qui sévissent et qui sont à son avantage pour essayer de reprendre son rôle prépondérant. Son but ultime est d’avoir les coudées franches et le pouvoir de décision dans un monde arabe en mutation et dans lequel deux grandes communautés, en l’occurrence sunnite et chiite, s’affrontent. »
« Ankara souhaite devenir le porte-parole des sunnites au Moyen-Orient, poursuit le député de Beyrouth. Mais peut-on oublier que, de tout temps, la politique adoptée par la Turquie s’articule autour de ses relations avec les États-Unis et Israël ? Certains avancent que cela a changé après l’incident du « bateau de la liberté » qui a tenté de briser l’étau imposé par les Israéliens (à Gaza) en y envoyant des aides humanitaires, mais toute cette opération était montée de toutes pièces pour gagner la confiance du monde arabe. »

L’avis nuancé des Arméniens libres
Vatcheh Nourbatlian, ancien ambassadeur et chef des Arméniens libres (et membre du secrétariat général du 14 Mars), est nettement plus nuancé dans ses propos. « Nous sommes, dit-il, des citoyens libanais d’origine arménienne. En tant que tels, nous n’avons pas le droit d’émettre des jugements de valeur quant aux rapports qu’entretiennent les deux pays. Les relations bilatérales entre Ankara et Beyrouth ne nous concernent pas. Nous n’avons pas le droit de juger les développements des relations à partir de notre appartenance arménienne. Pendant longtemps, la Turquie a été isolée à cause de ses relations privilégiées avec Israël. Actuellement, elle essaie de reprendre son rôle régional, le rôle prépondérant de puissance sunnite face à la percée de l’Iran chiite. Désormais, ce pays a un poids considérable qu’on ne peut négliger. C’est un retour fracassant sur la scène du Moyen-Orient. »
« Mais cela ne signifie pas, poursuit-il, que nous ne souhaitons pas que la Turquie règle ses différends avec la communauté arménienne, qu’elle règle cette injustice historique à travers la reconnaissance du génocide. »
Hagob Kassardjian, ancien député de Beyrouth, affilié au Ramgavar, déclare de son côté qu’ « en tant qu’Arméniens, nous portons toujours le même regard sur la Turquie ». « M. Erdogan, qui parle de démocratie, n’a jamais accepté de reconnaître la question arménienne. S’il ne souhaite pas parler de génocide, il peut quand même admettre qu’il y a eu des massacres perpétrés à l’encontre de notre peuple. Pour commencer, une simple reconnaissance verbale pourrait nous satisfaire », a-t-il ajouté.
« Mais, reprend-il pour replacer son point de vue dans le contexte présent, en tant que Libanais, nous observons avec intérêt le rôle important que joue désormais Ankara comme puissance sunnite faisant contrepoids à la puissance iranienne chiite. Elle peut se permettre de le faire. C’est une nouvelle force émergeante, qui a fait d’énormes avancées sur le double plan social et économique, et qui constitue donc un exemple à suivre. Cela est d’autant plus vrai que les pays arabes ne représentent plus une force majeure, pris qu’ils sont dans leurs problèmes. Nous pourrions presque dire qu’ils ont démissionné du rôle qui leur revenait. »
« Ma victoire est celle de Damas, de Beyrouth, de Gaza et de Jérusalem. » C’est en ces termes que Recep Tayyip Erdogan, Premier ministre turc, s’est adressé au monde après la victoire aux élections législatives turques du parti de la Justice et du Développement (AKP). Comment les Libanais d’origine arménienne ont-ils réagi à cette déclaration ?Ces réactions sont...

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