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Culture - Exposition

Prendre la clé des camps

Nom : Katanani. Prénom : Abdulrahman. Pseudo : Cari-Katanani. Signature : en forme de clé. Âge : 28 ans. Lieu de naissance, de vie et de travail : camp de refugiés de Sabra. Signe particulier : expose à la galerie Agial* des œuvres qui scandent le droit à la liberté.

Des toiles formées, découpées, assemblées à partir de « zinco », de barbelés et autres objets en métal ou tissu récupérés du quotidien de l’artiste.

Abdulrahman Katanani est né trente-cinq ans après la Nakba. Seize ans après la guerre des Six-Jours. Deux ans après les massacres de Sabra et Chatila... Mais si le jeune artiste n’a pas été un témoin direct des grandes tragédies de son peuple, il n’en reste pas moins que l’exil, l’occupation, les carnages, l’injustice, il les a vécus dans sa tête, dans son cœur, dans ses tripes. Du fin fond de ses tripes, il s’exprime aujourd’hui. À travers son art, des œuvres qui parlent, non pas de tout cela, mais plutôt de son enfance. Une enfance, on l’imagine, on le sait, pas comme les autres. Une enfance vécue dans des conditions précaires, parfois insalubres, dans l’enfermement, les horizons bouchés, le dénuement. Mais loin de tout sensationnalisme ou sentimentalisme, Katanani se comporte surtout en témoin. Il raconte un vécu, une réalité, un présent. Son récit, fragmenté mais sensible, est conté par des œuvres taillées dans l’acier.
Sur les murs de la galerie Agial se profilent de grandes silhouettes d’enfants en train de jouer. Formées, découpées, assemblées à partir de « zinco » (cette tôle en acier qui recouvre les maisons dans les camps palestiniens), de barbelés et autres objets en métal ou tissu (bouts de keffiyeh) récupérés de son quotidien (les poêles aplaties deviennent des ballons, des fils de fer sont utilisés comme cordes à sauter, des capsules de bouteilles de sodas sont transformées en nœuds papillons...). Le jeune artiste, qui prépare sa maîtrise à l’académie des beaux-arts de l’UL, imagine une deuxième vie aux détritus des camps, un peu comme le font les enfants des camps eux-mêmes, contraints à fabriquer à partir d’un rien leurs jeux quotidiens : les sacs en plastique, remplis de sable, deviennent des ballons de foot, par
exemple.
On l’aura compris, Abdulrahman Katanani mène ici une réflexion sur les formes de résistance spatiale menée par les enfants des camps palestiniens. Si l’œuvre est engagée (un artiste palestinien peut-il ne pas l’être ? ), elle n’est pas du tout caricaturale. La douleur sourde qui s’en diffuse se reflète dans les yeux brillants d’intelligence de l’artiste. La densité politique, sociale, du message n’en est pas minimisée. Son épaisseur humaine, autrement nuancée, seulement plus diffuse.
Presque haïkus, ces sculptures installations sont des aphorismes éminemment humains. Simples. Elliptiques. Mais chargés de symboles.
Sur ses œuvres, en lieu et place de la signature dont s’enorgueillissent tellement d’artistes, le Palestinien dessine une clé. Cet objet, usuel ou insignifiant pour certains, acquiert une forte symbolique pour les Palestiniens, car il représente le droit au retour. C’est la clé de la maison de là-bas, des territoires occupés. La clé avec laquelle les parents ou grands-parents ont fermé la porte de leurs maisons à Haïfa, à Acre, à Bir Cheba, à Hebron... ou dans n’importe lequel de ces 418 villages dépeuplés, détruits ou occupés par l’armée israélienne. « Les habitants pensaient qu’ils allaient revenir dans six jours tout au plus. Cela fait plus de soixante ans que cela dure. »
Au-delà de son intérêt proprement artistique, cette exposition apparaît comme une manière d’affirmer que la culture palestinienne est vivante, qu’elle crée. Katanani voudrait souligner à travers ses œuvres que la culture est sans doute le moyen de communication le mieux perçu et entendu par l’autre. Mais qu’elle pourrait constituer la clef de sortie. L’échappatoire à l’enfermement du camp. « Le camp ? C’est la tombe de nos rêves et de nos espoirs », affirme sans ambages Katanani qui sculpte des œuvres muettes mais tellement éloquentes. Clés en main.

* « Zinco, Barbwire & Freedom », à la galerie Agial, rue Abdel Aziz, Hamra. Tél : 01/345 213, 03/634 244. Jusqu’au 25 juin.
Abdulrahman Katanani est né trente-cinq ans après la Nakba. Seize ans après la guerre des Six-Jours. Deux ans après les massacres de Sabra et Chatila... Mais si le jeune artiste n’a pas été un témoin direct des grandes tragédies de son peuple, il n’en reste pas moins que l’exil, l’occupation, les carnages, l’injustice, il les a vécus dans sa tête, dans son cœur,...

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