L'artiste a les propos virulents et vifs. Virulents et vifs par rapport à tout ce qui est inadmissible, à tout ce qui ne va pas dans ce monde. Le mal qu'on fait aux femmes, les irrégularités de la vie, les incartades civiles, la corruption, les esprits mauvais qui sévissent partout...Tout cela, dit-il, c'est la part invisible d'un parcours humain, d'un quotidien qui croule sous la banalisation de ce qui ne devrait pas être... Propos de justicier, de
réformateur.
Et c'est cet invisible, cette part de rébellion que son pinceau tente de montrer et de démontrer (mais en peinture, ce n'est pas comme en mathématiques, on ne démontre pas, mais on suscite l'émotion et on agite les consciences) par le biais d'un pinceau volubile, usant jusqu'à l'excès de grands aplats de peintures aux couleurs exubérantes, aux tracés en tornade, aux décors entre onirisme nébuleux et réalité prosaïque, aux personnages hiératiques ou mystérieux, mais sans âme.
De l'énergie à revendre, certes, mais sans canalisation, sans digues pour trier l'ivraie du froment, sans architecture aux assises solides. Une sorte de en veux-tu en voilà pour exorciser tout un tempérament, pour libérer tout un ras-le-bol et pour libéraliser tout une dynamique irrépressible.
Moderne est sans nul doute cette expression picturale, mais péchant par excès de richesse, de couleurs et de lignes, oscillant entre figuratif convulsif suggéré et abstraction vive, chaotique, anarchique.
Si la femme, nue et offerte au regard, est omniprésente dans cet ensemble de toiles qui ne boudent pas non plus les gigantesques bouquets de fleurs aux pétales veloutés et aux corolles ouvertes, les silhouettes longitudinales, tout comme celles du père, s'imposent de toute évidence. Discret hommage à cet artiste doué qui a donné le goût du dessin et de la peinture à toute sa famille et que le public libanais et même arabe a plébiscité? Ou peut-être simple geste instinctif pour retrouver le passé à travers des images familières chaleureusement gardées, inconsciemment, dans la
mémoire?
Peu importe, toujours est-il que la palette et le chevalet de Jean-Paul Guiragossian ont des emportements plus que fougueux, des embardées sans freins qui frisent parfois, par-delà une harmonie détonante ou criarde, la surcharge et le gongorisme.
On s'arrête aussi sur certains exercices de style (car ces pastiches ne sauraient être autre chose) telle cette femme nue étendue, jambe écartée, avec sa touffe de fourrure pubienne jetée en pâture aux regards, tel ce gazon maudit, pour emprunter le titre d'un film qui eut son heure de gloire. Bien sûr, rien d'autre que L'origine du monde de Courbet ne vient à l'esprit, mais en version blanc et noir.
Une véritable tempête souffle sur ces œuvres pourtant palpitantes de vie, débordantes d'une énergie aux fureurs indomptées, hystérisées. On attend une éclaircie pour voir l'embellie...
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