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Moyen Orient et Monde - Le point

Arrêt sur image

Rappelez-vous le sacrifice de Mohammad Bouazizi, le chômeur de 26 ans, qui s'était vu confisquer son étalage de légumes à Sidi Bouzid, mort le 4 janvier et devenu du coup l'icône des révoltes qui, depuis, agitent les pays arabes. C'était il y a quatre mois, autant dire une éternité. Rappelez-vous aussi les incroyables péripéties qui, dans la foulée, ont eu pour scène la place al-Tahrir du Caire et qui sont entrées dans l'histoire à la suite de la fuite de Hosni Moubarak à Charm el-Cheikh. Qu'y a-t-il eu ensuite ? Eh bien, il y a eu tant d'événements que, surchargée comme un disque dur d'ordinateur, la mémoire s'avoue incapable d'en suivre le cours.
Mais il y a plus inquiétant. L'observateur a de plus en plus l'impression de se trouver en face de deux camps au bout de leur rouleau. Il y a, ici, les contestataires qui ne savent plus que dire non, comme la poupée de la chanson, aux concessions de l'État - ou ce qu'il en reste - ; et là un pouvoir qui se demande s'il a bien fait de commencer à céder et s'il ne se trouve pas sur une pente dangereusement déclive et glissante. À quelques notables variantes près, la situation est la même, qu'il s'agisse de la Syrie, de Bahreïn, de la Libye ou du Yémen. Autrement dit, l'on a affaire à une population qui découvre, étonnée, sa puissance et à des régimes confrontés à leur sentiment d'impuissance.
Confidence d'un des responsables du mouvement égyptien à un journaliste occidental : « Le 25 janvier, date de notre toute première manifestation, nous étions convaincus que la police viendrait nous embarquer au bout de cinq minutes. » Et le journaliste d'approuver : « Je reconnais que, vu du Caire peu de temps après, le raïs me paraissait indéboulonnable, trop fort pour ces jeunes. Aujourd'hui, aucun dirigeant moyen-oriental ne peut s'imaginer être en sécurité. » À en croire des sources concordantes, en Syrie les meneurs de la guerre contre l'autorité étatique ont été tentés un moment de rééditer l'exploit réussi au Caire : ils ont cherché à organiser un sit-in place des Abbassides, mais ils devaient être rapidement délogés par les forces de sécurité. Il n'en reste pas moins que l'on reste songeur quand, à Homs par exemple, on voit des jeunes distribuer thé, sandwiches, matelas et couvertures pendant que des tentes sont dressées pour permettre aux moins résistants de prendre quelques instants de repos.
S'il est bien vrai que la contestation se durcit - le temps, contrairement à ce que l'on pourrait croire, n'a pas un effet émollient - , il est tout aussi vrai que les régimes eux aussi refusent désormais de plier devant la colère populaire. D'où la nette impression que chacun croit enrôler le temps sous sa bannière, celle de la liberté ou celle de la « sécurité », suivant le camp dans lequel on se trouve. Mais il n'est plus question d'accepter le limogeage d'un mohafez ou d'un simple officier de police ; la formation même d'un nouveau gouvernement ne suffit plus. Mouammar Kadhafi doit s'en aller, scande-t-on à Benghazi. Ali Abdallah Saleh est devenu indésirable chez lui à Sanaa. Et à Damas, les slogans anti-Bachar el-Assad sont de plus en plus nombreux alors qu'ils étaient inexistants il y a peu. La différence avec un passé plutôt proche, c'est que les promesses distillées au compte-gouttes ne sont plus de mise. À cet égard, la leçon tunisienne puis égyptienne, fatale, a été retenue. Il manque la confiance entre les deux grands adversaires, si tant est qu'elle ait jamais existé. On ne feint même plus d'accepter ce qui vous est offert un jour, quitte à en réclamer davantage le lendemain. Dès lors, le cliquetis des armes ne saurait cacher la seule conclusion qui s'impose : c'est l'impasse ou, si l'on préfère, le pourrissement, avec les conséquences désastreuses que l'on peut imaginer.
Pour l'Occident, le « printemps arabe » annonce des jours sombres. Celui qui le dit, c'est Nouriel Roubini, l'oracle qui, dès 2005, avait vu venir la débâcle immobilière puis bancaire dont nous subissons encore les répliques. La stagflation, soit une inflation galopante couplée à une décroissance économique, frappe aux portes, écrivait-il tout récemment, relevant qu'à chaque événement d'importance dans la région a répondu une flambée des cours du pétrole. La guerre d'octobre 1973, constate-t-il, a débouché sur le choc de 1974-1975, la révolution islamique sur la grande dépression de 1980-1981 ; quant à l'invasion du Koweït par l'Irak, en août 1990, elle a produit la flambée que l'on sait alors que l'Amérique se débattait dans une crise bancaire sans précédent.
Barack Obama se prend à rêver devant les journalistes après le coup de tonnerre dans le ciel égyptien. « Ce qui est parfaitement clair, c'est que nous voyons l'histoire en marche », lance-t-il, dithyrambique. On se prendrait à croire qu'elle traîne plutôt les pieds et même, carrément, qu'elle fait du surplace.
Rappelez-vous le sacrifice de Mohammad Bouazizi, le chômeur de 26 ans, qui s'était vu confisquer son étalage de légumes à Sidi Bouzid, mort le 4 janvier et devenu du coup l'icône des révoltes qui, depuis, agitent les pays arabes. C'était il y a quatre mois, autant dire une éternité. Rappelez-vous aussi les incroyables péripéties qui, dans la foulée, ont eu pour scène la place...
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