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Culture - Cimaises

Reza Derakshani, au-delà de l’image

En présentant ses toiles ce soir à la galerie Janine Rubeiz, l'artiste d'origine iranienne Reza Derakshani réalisera une performance acoustique en concordance avec ses œuvres. Sa manière à lui de marier images et musique. L'exposition durera jusqu'au 7 mai*.

« Bonding Yellow », le passé très vivant de Reza Derakshani.

Si les toiles devaient avoir une senteur, elles auraient pour Derakshani celle de la rose d'Ispahan ou «pompon des princes», l'une des plus belles roses damassée d'Iran. Si elles devaient avoir une couleur, ce serait celle de l'or parsemé sur toute la surface en paillettes, en pluie. Mais aussi celle de ce jeu de lumières et d'ombres entre le noir et le doré qui évoque tellement le Chiaroscuro du Caravage. Si elles devaient avoir une entité, elles seraient sacrées, précieuses, chéries, valorisées comme la vie que représente l'artiste dans ses œuvres sous forme de toiles murales, en médaillons ou encore sur petits et grands formats.
La démarche artistique de Reza Derakshani se nourrit constamment d'une dualité. S'il a vécu deux fois l'exil (il est parti puis revenu en Iran, pour le quitter enfin pour toujours), on peut dire qu'il en a vécu un troisième: l'exil sur sa propre terre, la sensation d'y être étranger. Mais peut-on vraiment effacer les traces indélébiles d'un vécu qui devient, avec le temps, partie de soi?
Entre Dubaï et New York, Derakshani, qui ne renie pas son identité, semble cependant ne pas s'attacher aux racines qui tendent à le pousser vers le bas, mais s'accrocher aux branches qui l'élèvent vers le haut. Sa première exposition remonte alors qu'il avait dix-neuf ans à la galerie Ghandriz, à Téhéran. Plus tard, du Palais de Nations à Genève à la White Gallery à New Jersey, en passant par la Claude Gallery à New York ou Il Punto di Svolta à Rome, l'artiste effectue son propre voyage pictural. Intérieur et initiatique. «Tant que ces racines ne nous aliènent pas et ne nous cloisonnent pas, elles sont les bienvenues, car elles sont des repères qu'on intègre», dit-il.
C'est d'ailleurs dans cette superbe huile baptisée Migration - une tortue avec pour seule maison sur le dos un figuier sans racines, mais aux branches qui s'élèvent vers le ciel - que s'exprime toute la pensée de l'artiste.

Notes et harmonies visuelles
En accumulant les couches de peinture, en les écornant, voire les épluchant, et enfin en travaillant sur plusieurs œuvres en même temps, Derakshani effectue un va-et-vient entre les unes et les autres comme s'il instaurait un dialogue heureux, lumineux.
Rois en exil ou Nouveaux rois, veuve intemporelle évoquant le travail de grands maîtres classiques, portrait de famille représenté comme une vieille photo usée, musiciens auréolés de paillettes d'or et miroirs concaves du passé, l'œuvre de Reza Derakshani ne s'astreint à aucune limite de cadre et semble sortir du champ visuel. «Pour aller au-delà», précise-t-il. Au-delà du visible jusqu'à atteindre l'évanescent et le fantomatique.
Tout en reprenant le passé, s'en nourrissant comme compost, comme engrais, Derakshani se débarrasse du préconçu, de l'établi et redéfinit de nouvelle images et impressions. Ces impressions sur toiles sont à l'image d'un carnet de musique sur lequel le musicien dessine ses notes. Seul lui en possède la partition dans un coin au fond de sa tête avant de la partager avec les autres.
On comprend ainsi comment Reza Derakshani ramifie son travail. Pour faire exploser sa pensée artistique, il a besoin de différents médiums et la musique en est l'une d'entre eux. Ainsi, outre les concerts où il accompagne des artistes occidentaux, le peintre pluridisciplinaire traduit ses œuvres picturales en composant et interprétant des musiques traditionnelles de son pays natal. Avec le def, le nay ou encore le cithare, l'artiste offre à voir et entendre les murmures de sa peinture. Comme surgis d'un lointain passé. Combien présent.

* Galerie Janine Rubeiz (imm. Majdalani, Raouché). Tél. : 01/868290. Ouverte du mardi au vendredi de 10h00 à 19h00 et les samedis de 10h00 à 14h00.
Si les toiles devaient avoir une senteur, elles auraient pour Derakshani celle de la rose d'Ispahan ou «pompon des princes», l'une des plus belles roses damassée d'Iran. Si elles devaient avoir une couleur, ce serait celle de l'or parsemé sur toute la surface en paillettes, en pluie. Mais aussi celle de ce jeu de lumières et d'ombres entre le noir et le doré qui évoque tellement...

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