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Culture - Concert

Entre Bach et Moultaka, les ruisseaux de la mémoire

Deux chœurs parisiens ont présenté, au Temple de Pentemont à Paris, une programmation totalement inédite : des extraits de cantates de
J.-S. Bach et des œuvres vocales de Zad Moultaka.

Un chœur dirigé par Olivier Plaisant

Dans cet ancien couvent des religieuses bernardines datant du XVIIIe siècle et aujourd'hui temple de l'église réformée, l'ensemble vocal Varia Voce, sous la direction d'Agathe Bioulès, et le chœur de chambre les Courants d'airs, dirigé, lui, par Olivier Plaisant, se sont associés pour présenter, le samedi 2 avril, un programme composé d'une alternance d'œuvres de Jean-Sébastien Bach dont le nom signifie ruisseau en allemand, et du compositeur libanais Zad Moultaka, dont l'œuvre Zikr («Réminiscence») était au programme. Les deux chœurs étaient accompagnés par l'excellent ensemble de musique ancienne Sonare et cantare pour cette soirée vocale d'exception.
Le public venu très nombreux a pu écouter trois œuvres sublimes de Jean-Sébastien Bach: la Cantate n° 12 dont le premier numéro est une réplique exacte du Crucifixus de la Grande messe en Si, la Cantate n°118 dont la particularité est que le « cantus firmus » est confié au pupitre des sopranos et, enfin, Der Gerechte kommt um, œuvre pour 5 voix mixtes dont la deuxième partie préfigure de façon très nette la musique vocale romantique du XIXe siècle. Cette partie du concert était conduite par Olivier Plaisant, très grand connaisseur de musique baroque, qui a réussi à insuffler à ces deux chœurs (se produisant ensemble pour la première fois) une homogénéité vocale et une finesse d'interprétation tout à fait remarquables.
Puis vient la musique sensuelle et violente de Zad Moultaka, portée par la direction lumineuse d'Agathe Bioulès, éminente spécialiste de la musique vocale de notre temps. Dans Visions, pour chœur a cappella et bande fixée, le chœur chante un texte méditatif de Catherine Peillon où les voix se croisent, se heurtent, se déploient tantôt à deux voix et parfois à l'unisson tandis qu'inexorablement, la bande déroule des sons étranges, mélange de cinq autres pièces vocales du même compositeur. Dans Zikr, pour chœur à huit voix mixtes, contralto solo et petit ensemble instrumental, plusieurs traditions vocales s'entrecroisent: l'influence de Monteverdi, les chants byzantins, les sons tribaux qui tous oscillent sans cesse entre prière, lamentations et révolte. La voix de la contralto Abir Nasraoui, chaude et émouvante, au timbre généreux, transcende toute cette agitation et ressort, imperturbable, comme une plainte grave et soutenue. Celle-ci avait d'ailleurs offert au public, en début de deuxième partie, une improvisation de Oum Kalsoum sur le thème de « Biridak ya khaliqi » (Avec ton consentement, ô mon créateur). L'assistance, conquise par ces musiques en apparence différentes, mais au fond unies par leur rigueur, leur dimension spirituelle et leur déchirante beauté, réclame un bis et, sous la voûte du temple, éclate le Gloria pour 5 voix mixtes extrait du Magnificat de Jean-Sébastien Bach.
Cette manifestation a réussi à joindre, à travers le temps, la liturgie et le rituel, la musique baroque et la musique expérimentale, démontrant la créativité et l'innovation du Libanais Zad Moultaka qui a su combiner les sources profondes de la mystique orientale avec la musique savante occidentale la plus élaborée, rejoignant ainsi le maître absolu de la musique sacrée.

Zeina SALEH KAYALI
Chargée de mission à
la Délégation du Liban
auprès de l'Unesco
Dans cet ancien couvent des religieuses bernardines datant du XVIIIe siècle et aujourd'hui temple de l'église réformée, l'ensemble vocal Varia Voce, sous la direction d'Agathe Bioulès, et le chœur de chambre les Courants d'airs, dirigé, lui, par Olivier Plaisant, se sont associés pour présenter, le samedi 2 avril, un programme composé d'une alternance d'œuvres de...

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