Sleimane Frangié aurait aussitôt conseillé à l'émissaire de Nagib Mikati de ne pas soumettre cette proposition au président Sleiman, car elle n'obtiendra pas l'aval de la majorité. Il a ainsi expliqué à son interlocuteur que le Hezbollah et la majorité en général n'accepteront pas de lâcher Karamé ou de ne pas avoir un représentant sunnite au sein du gouvernement. De fait, quelques heures plus tard, Joumblatt s'est rendu chez le secrétaire général du Hezbollah qui a confirmé cette position. De plus, le général Aoun n'acceptera pas l'exclusion de Charbel Nahas du gouvernement. Mikati a suivi le conseil de Frangié, estimant qu'il sera toujours temps de présenter « une mouture de facto » si les circonstances l'exigent. Ses proches vont même jusqu'à exposer le scénario suivant : s'il se sentait coincé, Mikati pourrait présenter sa formule au président Sleiman qui la promulguerait par décret présidentiel. Et à partir de ce moment, ce gouvernement remplacera celui qui est actuellement chargé de gérer les affaires courantes, même s'il n'obtient pas la confiance du Parlement. Il restera en place jusqu'à ce qu'un autre soit formé...
Mais nous n'en sommes pas encore là. Les contacts ont repris mardi entre les différentes parties. Après la rencontre nocturne entre Hassan Nasrallah et Walid Joumblatt, il a été convenu d'organiser une nouvelle réunion entre les représentants de la majorité (Ali Hassan Khalil, Hussein Khalil, Gebran Bassil et Ghazi Aridi) et le Premier ministre désigné. Mais là aussi, aucun progrès n'a été enregistré. Deux éléments ont toutefois fait leur apparition : il est désormais certain que le gouvernement sera de trente ministres et le général Michel Aoun ne serait plus tellement opposé au maintien de Ziyad Baroud au ministère de l'Intérieur, en contrepartie de l'obtention de garanties sur le fonctionnement de ce ministère. Pour le général Michel Aoun, le gouvernement à venir doit refléter la nouvelle majorité, puisque le 14 Mars a officiellement refusé d'y participer. Il serait donc impensable qu'il serve d'instrument pour le combattre, notamment sur le plan électoral. Selon ses proches, il aurait même indirectement posé la question à Mikati : que diriez-vous si Samir el-Jisr (rival électoral de Mikati à Tripoli) devenait ministre dans votre gouvernement ? Le chef du CPL estime ainsi qu'il serait anormal, voire suicidaire, d'accepter au portefeuille de l'Intérieur une personne qui privilégierait ses adversaires ou ses rivaux politiques à ses dépens, d'autant qu'il est victime d'une campagne de dénigrement impitoyable depuis des années. De toute façon, aux dernières nouvelles, il serait prêt à accepter une part de dix ministres ainsi que le maintien de Baroud, mais il faudrait d'abord en discuter sérieusement. Toutefois à ses yeux, les divergences ne reposent pas seulement sur les noms et les portefeuilles. C'est la conception même du gouvernement, ses options et sa stratégie qu'il souhaite discuter. Aoun est largement appuyé par le Hezbollah dans ses revendications, d'autant que ce parti a vu, à travers les révélations de WikiLeaks, qu'en réalité, le chef du CPL a été l'un de ses rares alliés d'une aussi grande loyauté pendant la guerre de 2006. Nabih Berry s'aligne aussi sur cette position, même s'il n'entreprend pour l'instant aucune initiative particulière. Jusqu'à hier donc, les différentes parties campent sur leurs positions, même si personne ne croit que la situation est bloquée. Visiblement, ces jours-ci, l'attention des Libanais et surtout celle de la classe politique sont plus retenues par les développements en Syrie que par les négociations pour la formation du gouvernement.
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