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Liban - Éclairage

Une « mouture de facto » proposée puis retirée et des contacts au point mort...

N'était la visite du Premier ministre désigné Nagib Mikati à l'Hôtel-Dieu pour prendre des nouvelles du général Michel Aoun, on pourrait dire que la journée d'hier n'a été marquée par aucun développement important sur le plan gouvernemental. Et même si l'entretien entre les deux hommes (qui a duré une vingtaine de minutes) n'a sans doute pas abordé la question du gouvernement, les plus optimistes estiment que l'initiative de Mikati de se rendre au chevet de Aoun ne peut que faciliter les contacts ultérieurs entre eux pour la formation du gouvernement. Pour l'instant, les problèmes restent les mêmes. Dans une tentative de débloquer la situation, Mikati s'était rendu au palais de Baabda lundi dernier, loin des caméras, dans l'idée de remettre au chef de l'État « une mouture du fait accompli ». Auparavant, son frère Taha avait contacté le chef du courant des Marada Sleimane Frangié pour l'informer de cette mesure. Taha a dépêché son fils Azmi chez Frangié avec la proposition gouvernementale, dans laquelle il avait remplacé le candidat choisi par Frangié (Sélim Karam) par Rony Arayji. Frangié a aussitôt conseillé à Mikati de renoncer à son projet, affirmant que cette proposition n'obtiendra pas l'aval de la nouvelle majorité. Cette formule accorde à la « troïka » (même si le mot évoque de mauvais souvenirs) Michel Sleiman, Nagib Mikati et Walid Joumblatt 12 ministres sur trente, selon la distribution suivante : 4 au chef de l'État, dont le ministre Ziyad Baroud, 4 à Mikati et 4 à Joumblatt, dont un sunnite et un chrétien. La proposition donne aussi deux portefeuilles régaliens au chef de l'État : la Défense et l'Intérieur. Selon la proposition, Aoun obtient dix ministres, dont deux à Frangié, deux au Tachnag, un druze et cinq au CPL. Les autres forces de la majorité obtiennent huit ministres selon la distribution suivante : trois portefeuilles à Amal, deux au Hezbollah, un au PSNS, un sunnite et Nicolas Fattouche... Toutefois, dans sa proposition, Mikati ne prévoit pas le retour du ministre actuel des Télécommunications Charbel Nahas (les deux grecs-catholiques étant Fattouche et un candidat nommé par le président Sleiman), ni la désignation du fils de Omar Karamé, Fayçal, à cause de l'opposition farouche de son allié Ahmad Karamé. Pourtant, Mikati s'était réuni récemment avec Fayçal Karamé et, selon les proches des deux parties, le courant aurait bien passé entre les deux hommes. Mais Mikati a expliqué à Omar Karamé et à son fils qu'Ahmad Karamé menace de le lâcher s'il nomme Fayçal comme ministre. Il aurait alors proposé à Omar Karamé de choisir un autre candidat originaire de Minié ou Denniyé, mais ce dernier a refusé, affirmant qu'en ce qui le concerne, si son fils n'est pas nommé ministre, il se rangera dans les rangs de l'opposition au gouvernement.
Sleimane Frangié aurait aussitôt conseillé à l'émissaire de Nagib Mikati de ne pas soumettre cette proposition au président Sleiman, car elle n'obtiendra pas l'aval de la majorité. Il a ainsi expliqué à son interlocuteur que le Hezbollah et la majorité en général n'accepteront pas de lâcher Karamé ou de ne pas avoir un représentant sunnite au sein du gouvernement. De fait, quelques heures plus tard, Joumblatt s'est rendu chez le secrétaire général du Hezbollah qui a confirmé cette position. De plus, le général Aoun n'acceptera pas l'exclusion de Charbel Nahas du gouvernement. Mikati a suivi le conseil de Frangié, estimant qu'il sera toujours temps de présenter « une mouture de facto » si les circonstances l'exigent. Ses proches vont même jusqu'à exposer le scénario suivant : s'il se sentait coincé, Mikati pourrait présenter sa formule au président Sleiman qui la promulguerait par décret présidentiel. Et à partir de ce moment, ce gouvernement remplacera celui qui est actuellement chargé de gérer les affaires courantes, même s'il n'obtient pas la confiance du Parlement. Il restera en place jusqu'à ce qu'un autre soit formé...
Mais nous n'en sommes pas encore là. Les contacts ont repris mardi entre les différentes parties. Après la rencontre nocturne entre Hassan Nasrallah et Walid Joumblatt, il a été convenu d'organiser une nouvelle réunion entre les représentants de la majorité (Ali Hassan Khalil, Hussein Khalil, Gebran Bassil et Ghazi Aridi) et le Premier ministre désigné. Mais là aussi, aucun progrès n'a été enregistré. Deux éléments ont toutefois fait leur apparition : il est désormais certain que le gouvernement sera de trente ministres et le général Michel Aoun ne serait plus tellement opposé au maintien de Ziyad Baroud au ministère de l'Intérieur, en contrepartie de l'obtention de garanties sur le fonctionnement de ce ministère. Pour le général Michel Aoun, le gouvernement à venir doit refléter la nouvelle majorité, puisque le 14 Mars a officiellement refusé d'y participer. Il serait donc impensable qu'il serve d'instrument pour le combattre, notamment sur le plan électoral. Selon ses proches, il aurait même indirectement posé la question à Mikati : que diriez-vous si Samir el-Jisr (rival électoral de Mikati à Tripoli) devenait ministre dans votre gouvernement ? Le chef du CPL estime ainsi qu'il serait anormal, voire suicidaire, d'accepter au portefeuille de l'Intérieur une personne qui privilégierait ses adversaires ou ses rivaux politiques à ses dépens, d'autant qu'il est victime d'une campagne de dénigrement impitoyable depuis des années. De toute façon, aux dernières nouvelles, il serait prêt à accepter une part de dix ministres ainsi que le maintien de Baroud, mais il faudrait d'abord en discuter sérieusement. Toutefois à ses yeux, les divergences ne reposent pas seulement sur les noms et les portefeuilles. C'est la conception même du gouvernement, ses options et sa stratégie qu'il souhaite discuter. Aoun est largement appuyé par le Hezbollah dans ses revendications, d'autant que ce parti a vu, à travers les révélations de WikiLeaks, qu'en réalité, le chef du CPL a été l'un de ses rares alliés d'une aussi grande loyauté pendant la guerre de 2006. Nabih Berry s'aligne aussi sur cette position, même s'il n'entreprend pour l'instant aucune initiative particulière. Jusqu'à hier donc, les différentes parties campent sur leurs positions, même si personne ne croit que la situation est bloquée. Visiblement, ces jours-ci, l'attention des Libanais et surtout celle de la classe politique sont plus retenues par les développements en Syrie que par les négociations pour la formation du gouvernement.
N'était la visite du Premier ministre désigné Nagib Mikati à l'Hôtel-Dieu pour prendre des nouvelles du général Michel Aoun, on pourrait dire que la journée d'hier n'a été marquée par aucun développement important sur le plan gouvernemental. Et même si l'entretien entre les deux hommes (qui a duré une vingtaine de minutes) n'a sans doute pas abordé la question du...

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