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Culture - Parution

À la découverte du parcours artistique d’« al-Haffar »

Sculpteur, musicien, poète et sportif, Mohammad al-Haffar est longtemps resté dans l'ombre. Aujourd'hui, grâce à l'Université Balamand et au travail de Joe Tarrab, un éclairage est effectué sur l'œuvre de cet artiste pluridisciplinaire. Baptisé « al-Haffar », l'ouvrage est déjà en librairie.

Culte de la femme à travers les sculptures en bois de Mohammad al-Haffar.

«C'est le personnage qui m'a séduit de prime abord et qui m'a tracé le chemin vers l'artiste et son œuvre», avoue d'emblée Joe Tarrab en évoquant cet ouvrage de la collection Balamand qui retrace le parcours de cet artiste jusqu'à présent méconnu. En effet, l'aventure de ce livre d'art commence lorsque la famille du sculpteur demande à l'Université de Balamand si elle était intéressée de rendre hommage à Mohammad al-Haffar en exposant un grand nombre de ses œuvres. Une fois l'exposition terminée, craignant que le fonds ne se disperse, l'épouse de l'artiste décide de faire une donation de l'ensemble de ces œuvres à cette université à condition qu'un ouvrage soit réalisé.
Sollicité pour cette commande, Joe Tarrab, critique d'art, essaiera d'aller sur les pas de l'artiste pour mieux connaître le personnage. «Je connaissais superficiellement son œuvre et je voulais en savoir plus avant d'entreprendre quoique ce soit.»
Et si on lui demande pourquoi toutes ces œuvres n'ont jamais été exposées auparavant alors qu'il faisait partie du groupe des dix et de la ligue littéraire de Tripoli? Il répondra sans hésiter que cet artiste si modeste, mais si passionné chérissait ses sculptures comme ses bébés et qu'il avait de la difficulté à s'en défaire.

Sculpter le corps et l'esprit
Cette centaine de sculptures, la quasi-totalité en bois honorant le culte de la femme et plus particulièrement le nu, vont inciter Tarrab à faire plus de recherches et à s'informer auprès de la famille. «J'avais découvert, en reprenant les dessins des sculptures qui m'intriguaient, des thèmes formels récurrents, mais très vite, précise-t-il, certains doutes ont été balayés en voyant les croquis préparatoires et en comprenant que l'intention de réaliser ce genre de formes était volontaire.» Et de poursuivre: «Je découvrais alors un être exceptionnel, d'une grande modernité, contrastant avec la ville de Tripoli si traditionnelle. Cet aspect du personnage m'a fasciné.»
En effet, issu d'une famille bourgeoise sunnite, Mohammad al-Haffar avait épousé une chrétienne originaire d'Alep. Le couple avait eu deux filles et n'insistait pas pour avoir un garçon. De plus, les deux époux travaillaient dans la même société, «IPC Beirut». Par ailleurs, il était champion de tennis, de ski, taxidermiste, poète et jouait du piano, autant les mouachahat que des œuvres de Beethoven. Voilà un homme qui avait brisé les carcans d'une société aux traditions rigides et qui, tout au long de sa vie, œuvrait à sculpter à la fois son corps et son esprit.
C'était donc à travers ce personnage fascinant que Joe Tarrab allait suivre la trajectoire de l'artiste et essayer d'esquisser parallèlement un portrait de la capitale du Nord. «J'ai tout de suite compris qu'il était de la génération des Rayess, Jurdak et Abboud... et, tout comme eux, avait rompu avec le passé faisant preuve d'une grande tolérance et ouverture d'esprit.» Sa vie traduira ainsi l'évolution de sa ville natale. En effet, quand son épouse arrive au Liban en 1948, les femmes étaient voilées. Très vite, en 50, on pouvait les voir sur les plages en deux-pièces. Les cafés-trottoirs et restaurants faisaient éruption dans le paysage libanais mais, aussitôt après, la ville de Tripoli sombre de nouveau dans un puritanisme très réservé.
Al-Haffar, préfacé par Élie Salem, rédigé en anglais par Joe Tarrab avec une traduction arabe, comprend une vingtaine de pages de textes, mais aussi des poèmes sélectionnés par Tarrab («J'avais l'embarras du choix, car ils étaient nombreux et tous très beaux», dit-il). Mais également des photos qui illustrent les principales étapes de la vie du sculpteur, des graphes qui retracent sa production de travail parallèle à celle de Balamand.
Réalisé comme un tissage où tout s'enchevêtre et s'imbrique, l'ouvrage illustre bien cette trame de vie où s'entrelacent les amours, les loisirs et les disciplines diverses d'al-Haffar. Ce livre raconte l'homme sportif, amoureux de sa femme, aimant sa mère, toutes les femmes, embrassant toutes les passions et surtout la vie.
Au fil des pages, l'auteur réussit à installer une véritable mise en scène vivante et dynamique, un cadre de vie dans lequel se meut l'artiste. Il parvient à attirer le regard du lecteur vers l'essentiel de cette trajectoire de vie.
Le livre al-Haffar est non seulement l'exploration d'une œuvre qui va à contre-courant de son époque, mais aussi la rencontre d'un personnage fascinant, d'un homme qui a réussi, avec le soutien de sa femme, à briser les tabous. Et surtout l'immersion dans un travail artistique complet, issu d'un esprit libre et libéré.
«C'est le personnage qui m'a séduit de prime abord et qui m'a tracé le chemin vers l'artiste et son œuvre», avoue d'emblée Joe Tarrab en évoquant cet ouvrage de la collection Balamand qui retrace le parcours de cet artiste jusqu'à présent méconnu. En effet, l'aventure de ce livre d'art commence lorsque la famille du sculpteur demande à l'Université de Balamand si elle...

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