Rechercher
Rechercher

Liban - Droits de l’homme

Détention arbitraire et torture dans les prisons libanaises : une amère réalité

Quatre ONG œuvrant pour les droits de l'homme établissent un rapport sur la situation actuelle de la détention arbitraire et de la torture au Liban.
Au cours de la guerre du Liban, sous l'occupation israélienne et plusieurs années plus tard, lors de la tutelle syrienne sur le pays, des milliers de Libanais ont été victimes de détention arbitraire et de torture. Comment ces pratiques ont-elles évolué après le retrait syrien en 2005 ? Comment sont traitées aujourd'hui les victimes de violations en termes de réhabilitation et de droit à la réparation ? Des interrogations auxquelles tente de répondre une étude menée de mars 2009 à décembre 2010 sur la population carcérale au Liban.
Cette étude, dont les résultats ont été présentés hier au cours d'une conférence de presse qui s'est tenue à l'hôtel Commodore à Hamra, s'inscrit dans le cadre du projet « Espace virtuel et multimédia pour les droits de l'homme », financé par l'Union européenne. Il est exécuté par l'agence italienne COVS (Comité de coordination des organisations pour le service volontaire), en partenariat avec Kafa (Assez) violence et exploitation, le Mouvement de paix permanente, et le Centre libanais des droits humains (CLDH).
Le rapport se base sur la classification de la détention arbitraire telle que définie par la commission des Droits de l'homme des Nations unies pour identifier les différentes catégories des personnes victimes de cette pratique, à savoir : la détention en l'absence de fondement légal à la privation de liberté (catégorie I), la détention d'une personne pour avoir exercé les droits et libertés garantis par la Déclaration universelle des droits de l'homme et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (catégorie II) et la détention d'une personne à l'issue d'un procès non conforme aux normes de procès équitable (catégorie III).

Analyse des trois catégories de détention
En ce qui concerne la catégorie I des détentions arbitraires, le rapport identifie deux groupes de personnes victimes de cette pratique. Il s'agit d'une part « des étrangers ayant purgé leur peine et qui sont détenus arbitrairement plusieurs mois à plusieurs années en attente d'être pris en charge par la Sûreté générale qui est chargée de leur expulsion ou de leur régularisation ». Ces personnes constituent 13 % de la population carcérale. Citant la Sûreté générale, le rapport explique que le retard observé dans la libération de ces étrangers est dû au « manque d'effectifs » de la SG et à « la lenteur des ambassades à délivrer les documents de voyage ». Toutefois, « il ressort de plusieurs entretiens menés avec les responsables de la SG que la pratique de la détention arbitraire systématique des étrangers serait menée tout à fait intentionnellement dans un but de dissuasion de l'immigration clandestine », note le rapport, soulignant que l'immigration clandestine a trois principales sources : l'entrée au Liban par la Syrie de travailleurs originaires des pays membres de la Ligue arabe, l'entrée illégale par la Syrie des réfugiés irakiens qui fuient la guerre dans leur pays, et l'entrée légale d'employées de maison qui quitteront par la suite l'employeur pour travailler illégalement.
Le deuxième groupe est celui « des personnes condamnées à plusieurs peines et qui auraient dû être libérées, en vertu de la loi sur la confusion des peines ». Le nombre exact de ces personnes n'a pas pu être évalué.
Concernant la catégorie II des détentions arbitraires, le rapport distingue les étrangers détenus sur base d'une discrimination fondée sur la nationalité ou encore sur base de discrimination sexuelle (homosexualité, adultère, sodomie et fornication). Dans la catégorie III, le rapport constate qu'au « cours des trois dernières années, plus de 400 personnes arrêtées dans des affaires sécuritaires ont subi des violations de procédures qui rendaient leur détention arbitraire », le cas le plus récent étant celui « du général Fayez Karam, arrêté le 3 août 2010 pour collaboration avec Israël ». Également dans le cadre de cette dernière catégorie, le rapport dénonce plusieurs cas de « violations systématiques du droit à un procès équitable », et souligne qu'« au moins 2,4 % des personnes condamnées avaient été jugées par des tribunaux militaires ».

Torture
Abordant le chapitre de la torture, le rapport souligne que celle-ci « est étroitement liée à la détention arbitraire ». L'étude s'est penchée sur la torture dans les affaires de droit commun et les affaires à caractère sécuritaire comme l'espionnage, la collaboration avec Israël et le terrorisme. Dans la première catégorie, « 60 % des détenus interviewés se plaignaient d'avoir été torturés », sans que « le type d'accusation et donc le service en charge de l'affaire ne soient en relation avec les allégations de torture ». Dans la deuxième catégorie, « la totalité des détenus », quelle que soit l'accusation qui leur est adressée, « se plaignaient d'avoir été torturés ».
Quant aux méthodes de torture « physique et psychologique » les plus fréquentes employées par l'un ou l'autre des « services incriminés dans les tortures (tahariyé ou détectives à Jdeideh, Warwar et Hobeiche, les services de renseignements des Forces de sécurité intérieure et les services de renseignements de l'armée) », elles sont : les coups, les périodes prolongées (jambes écartées...), la privation de sommeil et/ou de nourriture et/ou d'eau, la privation d'accès aux sanitaires, les chocs électriques, le « balanco », le « farrouj », les menottes, les insultes, les humiliations, les isolements prolongés...
« Près de 73 % des victimes de torture interviewées ont déclaré s'être plaintes de la torture dès leur première comparution devant le juge d'instruction et affirment que ce dernier n'a pas tenu compte de leur plainte et a basé son interrogatoire exclusivement sur les aveux signés par le suspect », déplore le rapport, indiquant que « le juge d'instruction, qu'il relève d'une juridiction civile ou militaire, ne donne aucune suite aux plaintes de la personne déférée ou feint de ne pas l'entendre ». « Dans certains cas, plus graves, le suspect a été menacé de représailles par le juge s'il revenait sur ses aveux », dénonce le rapport qui met l'accent sur « l'insuffisance des mécanismes de contrôle » et les « circonstances favorables à la torture ».
Le rapport consacre enfin un chapitre sur les « conséquences sociales et individuelles des arrestations arbitraires et de la torture » et émet des recommandations pour parer au problème.
Au cours de la guerre du Liban, sous l'occupation israélienne et plusieurs années plus tard, lors de la tutelle syrienne sur le pays, des milliers de Libanais ont été victimes de détention arbitraire et de torture. Comment ces pratiques ont-elles évolué après le retrait syrien en 2005 ? Comment sont traitées aujourd'hui les victimes de violations en termes de réhabilitation et de droit...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut