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Culture - Exposition

Les personnages de Sabhan Adam à l’image du monde : monstrueux !

La galerie Mark Hachem présente un florilège de toiles ainsi que la toute première série de sculptures de Sabhan Adam, le peintre syrien connu pour ses figures représentatives de la noirceur de l'existence.

Mixed-medias sur toile de jute.

Il reste fidèle à son personnage fétiche. Encore que le mot fétiche paraisse inadéquat, trop léger, pour qualifier cet être de tourments, ce monstre-humain, à la difformité, la laideur et la bestialité fascinantes, que Sabhan Adam ne cesse de reproduire, de toile en toile, depuis plus d'une décennie.
Cette figure d'une noirceur terrible qui hante la peinture de cet artiste autodidacte syrien, comme la figure d'un cauchemar sans cesse renouvelé, s'est aussi incarnée dans une série de dix sculptures en bronze (pièce unique chacune) qu'expose, parallèlement à quelque 80 tableaux (mixed-medias sur toile de jute, de grand format, ou sur carton, de format carré moyen) la galerie Mark Hachem de Beyrouth jusqu'au 20 février*.
Des silhouettes hybrides, mi-humaines mi-animales, d'êtres-larves, d'homme-scorpion, de sirène à tête de monstre, de faces humaines, à trois yeux, surdimensionnées sur corps emmailloté, comme ligoté et duquel émergent des bouquets de griffes... Des personnages inquiétants, tous coulés d'un seul bloc dans un bronze massif et pesant.
Pesant comme cette comédie humaine que Sabhan Adam dénonce instinctivement dans son travail artistique devenu, au fil des expositions, l'étendard des laissés-pour-compte.
De son enfance pauvre dans un village des confins de la Syrie, proche de la frontière irakienne, l'artiste a gardé une solidarité pour les faibles, les miséreux, les solitaires, les rejetés du système « cupide d'un monde régi par les luttes de pouvoir et le profit », dit-il.
Cet ex-poète, qui a arrêté d'écrire, « parce que la poésie ne répondait pas à ses questionnements », s'est tourné, spontanément, vers le dessin et la peinture pour essayer de (re)tracer, au moyen de traits charbonneux, les enchevêtrements et remous de son âme inquiète.
Adam a commencé par peindre, sur de la toile de jute, avec du goudron, mélangé à de la terre et de l'encre, les faciès distordus et grimaçants de ses personnages tourmentés et suprêmement charbonneux.
Puis, progressivement, il a introduit la couleur. Une palette de tonalités vives qui joue les contrastes éclatants avec la noirceur des figures. Des orange, rouge, mauve, jaune dans les vêtements et les coiffes, rehaussés de broches chamarrées, ainsi que du bleu aux yeux, qui accentuent, paradoxalement, le cynisme et l'ironie du propos de cet artiste. Lequel peut se résumer comme suit : « Sous la beauté, la magnificence et l'apparat se dissimule souvent la plus abjecte laideur. »
Et défilent ainsi une galerie de portraits d'êtres disgracieux, aux triples regards torves et aux cous tordus, symboles, en variations sur un même thème, de la laideur d'un monde sanguinaire, vil, mercantile, monstrueusement inhumain... Dont Sabhan Adam tente d'exorciser les méfaits par la seule pratique de l'art. En toute sincérité et sans chercher à plaire.
Il est d'ailleurs le premier étonné du succès que rencontrent ses œuvres partout, chez lui comme à l'étranger, où le rythme effréné de ses expositions est devenu quasi insoutenable pour ce grand solitaire dont le plus grand bonheur est de peindre auprès de sa mère, dans son village syrien.
Un succès qu'il explique, modestement, par « la morosité des temps. Les gens vivent partout dans la souffrance engendrée par les guerres, les conflits, les catastrophes naturelles et économiques... Ils trouvent dans mes toiles l'expression, le reflet de leur mal-être. »
Et c'est vrai que ses personnages sont à l'image du monde contemporain : monstrueusement déformé par la
souffrance !

* Mina el-Hosn, rue Salloum, imm Capital Gardens, bloc B. Tél. : 01/999313.
Il reste fidèle à son personnage fétiche. Encore que le mot fétiche paraisse inadéquat, trop léger, pour qualifier cet être de tourments, ce monstre-humain, à la difformité, la laideur et la bestialité fascinantes, que Sabhan Adam ne cesse de reproduire, de toile en toile, depuis plus d'une décennie. Cette figure d'une noirceur terrible qui hante la peinture de cet artiste autodidacte...

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