Les raisons à l'origine de ces résistances constituent l'objet d'une étude que mène Ziad el-Khatib, un jeune chercheur libanais qui travaille au Karolinska Institutet à Stockholm, en Suède.
« En Afrique subsaharienne, seules quelque cinq millions des personnes infectées par le VIH reçoivent un traitement antirétroviral », explique le chercheur qui a passé trois ans en Afrique, dans le cadre de son étude conduite en 2008 sur 998 personnes, dont 750 femmes, avec un âge moyen de 41 ans. Les patients recrutés pour l'étude suivaient un traitement antirétroviral depuis trois ans. « Le protocole standard coûte 1 dollar par jour/patient, poursuit Ziad el-Khatib. En cas d'échec du traitement, le passage à un deuxième protocole est nécessaire. Son coût varie entre 5 et 10 dollars par jour/patient auquel s'ajoutent les frais de consultations. De plus, il n'est pas disponible dans tous les pays subsahariens. Donc, sur un plan national, on parle d'un minimum de cinq millions de dollars par jour. Un chiffre qui pourrait doubler en cas de résistance au traitement, sachant que, jusqu'à présent, le financement est assuré par des organisations internationales comme Global Funds et l'association de Bill et Melinda Gates, ainsi que les ministères de la Santé en Europe et aux États-Unis. »
Facteurs médico-sociaux et politiques
Or l'étude a justement montré qu'environ 15 % des personnes sous traitement antirétroviral développeront une résistance aux médicaments. « Nous avons constaté que le traitement échouait chez les personnes qui suivaient aussi un traitement antituberculeux, fait remarquer Ziad el-Khatib. On ignore s'il existe une interférence médicamenteuse entre les deux traitements, les études menées dans ce sens étant contradictoires. Mais ce qui est sûr, c'est que le double traitement constitue un fardeau pour les patients qui se trouvent contraints à prendre pas moins de onze cachets par jour. De plus, l'étude que nous avons menée a montré que la résistance au traitement antirétroviral était également due à la non-conformité aux prescriptions. Dans certains cas, la résistance était due à la mauvaise conservation des médicaments, les familles ne possédant pas de réfrigérateur, ou encore à leur vol. Cela est d'autant plus désolant que le traitement antirétroviral a permis de réguler le sida au même titre que n'importe quelle autre maladie chronique, le diabète ou l'hypertension, à titre d'exemple. »
À ces facteurs médico-sociaux s'ajoute un facteur politique. « Les Sud-Africains sont toujours influencés par les propos tenus de longues années durant par leur ancien président Taboo Mbeki, qui démentait une liaison entre le VIH et le sida, et leur ancienne ministre de la Santé, le Dr Manto Tshabalala-Msimang, qui appelait à une alimentation riche en betterave, en ail et en pommes de terre pour lutter contre le sida. On constate donc un manque de confiance, mais aussi un manque de volonté politique. »
L'étude menée par Ziad el-Khatib constituerait, selon le chercheur, un document basé sur des évidences auxquelles peuvent avoir recours les décideurs mondiaux, les responsables de santé et les donateurs pour entreprendre une action dans cette région du monde pour lutter contre la résistance des médicaments, « assurer des réfrigérateurs à titre d'exemple », mais aussi pour développer des stratégies pour lutter contre la maladie.
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