Intitulé « Cabaret Crusades : The Horror Show File », et inspiré d'une page d'histoire et de littérature : celle des croisades vues par les Arabes d'Amin Maalouf, ce film met en scène des acteurs pas comme les autres : de magnifiques marionnettes italiennes vieilles de plus de deux cent ans - empruntées à la collection privée de Daniel Lupi -, que Wael Shawki fait évoluer dans un décor de maquettes qu'il a lui-même réalisé. Et dont il présente, d'ailleurs, en exemplaire sur place, le set de la citadelle d'Alep.
Projetée sur grand écran, accompagné de commentaires en voix off en arabe et sous-titrée en anglais, cette vidéo superbement réalisée (avec de vraies qualités de narration, de cadrage, de lumière et de mise en scène) reconstitue les événements de la première croisade, qui suite à l'injonction du pape Urbain virent un demi- million de Francs aller à l'assaut des Arabes, de 1096 à 1099, pour récupérer la Terre sainte de Jérusalem.
Cette interprétation des faits présentée par un artiste arabe offre une subtile allégorie sur ceux qui tirent les ficelles de l'histoire, ces marionnettistes créateurs de mythes... Historiques mais aux résonances contemporaines.
En parallèle à la vidéo, Wael Shawki présente un travail, réalisé sur place, autour des étendards croisés, actualisés par l'utilisation de matériaux modernes, comme le tarmac, entre autres...
Cet artiste multidisciplinaire expose également de magnifiques portraits photographiques des marionnettes ayant participé au « casting » de son film. Et dont il réussit à faire ressortir avec intensité leur expressivité étrange et troublante !
Enfin, une série de dessins à l'encre et au crayon - totalement indépendante du thème précédent - au tracé et à la composition, entre surréalisme et féerie, d'une extraordinaire sensibilité témoigne, s'il en faut, du talent de cet artiste complet.
Proverbes et vidéos
Registre différent exploité en multi-mini-vidéos chez Mounira el-Solh, née à Beyrouth en 1978, qui a également à son actif nombre d'expositions à l'étranger dont la 52e Biennale de Venise en 2007.
Cette artiste à la sensibilité singulière s'inspire, elle, de ses racines libanaises et sudistes, pour créer des images picturales et vidéos qui induisent chez le spectateur un questionnement sur la subjectivité du langage et, partant de là, de la réalité.
À la galerie Sfeir-Semler, elle présente trois séries d'œuvres différentes, qui se recoupent cependant dans un tenace enchevêtrement entre fiction et réalité.
Mounira el-Solh s'est d'ailleurs créé un double fictif Bassam Ramlawi, fils d'un vendeur de jus de fruits à Basta qui passe son temps à tromper l'attente en dessinant. C'est en attendant le bus, le taxi, une nouvelle, un ami, la fin de la guerre, etc. qu'il aurait dessiné, soutient l'artiste, la quarantaine de sketches accrochés aux cimaises de la galerie, tous encadrés et recouverts d'un papier transparent jaune ou orange, en référence au métier du père !
Poursuivant son jeu de confrontation de la vérité historique et artistique avec les mythes personnels, Mounira el-Solh a même élaboré, autour de son personnage fictif, une vidéo documentaire tournée dans « son » village natal et comportant des témoignages de ses proches et amis!
Allant encore plus loin dans son jeu sur l'image, le langage, la fiction et la réalité, l'artiste signe également une vidéo construite comme une pièce absurde, dans laquelle on la voit alterner les rôles pour évoquer une conversation philosophique entre elle et des spécimens d'animaux.
Plus abordable par le visiteur lambda, une dernière installation de 19 vidéos mettant en images 19 proverbes traditionnels joue, avec dérision et drôlerie, la transcription littérale. Interprétés par un même comédien croate (Sinisa Labrovic), ces amusants sketchs sans paroles sont la démonstration encore une fois de la subjectivité du langage et donc, par là, de la réalité !
* La Quarantaine, imm. Tannous pour les métaux, 4e étage. Horaires d'ouverture : du mardi au samedi, de 11h à 18h. Tél. 01/566550.
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