L'utile, quand c'est agréable, et l'agréable lorsqu'il devient utile, semblent avoir souvent inspiré cet homme arrivé à une charmante maturité. Comme un cru qui se « bonifie avec le temps », la barbe blanche soulignant un sourire toujours aussi coquin, Kamel Cabbabé se plaît à comptabiliser les années qui ont passé, et surtout ceux qui restent, à l'aube de ses soixante-dix ans. « Je commence à avoir la notion du temps qui passe et qui ne revient pas », dit-il avec le regard vif de celui qui a beaucoup d'idées et de désirs. « Faire ce qu'on a envie de faire, il n'y a que ça de vrai, et laisser quelque chose après soi. »
Art et gourmandise
De « l'intensif dans l'art », voilà ce qu'il fait d'abord et surtout, après ses heures de travail à son agence de graphisme Early Bird. Des nuits à construire, dans son atelier, des toiles où les matières utilisées, les objets ramassés dans la rue et qu'il réunit dans une composition intelligente et équilibrée, « les bonnes proportions » en font une œuvre dont il peut s'enorgueillir. Un verre de cognac, un bon cigare, pour célébrer cette « jouissance de la fin d'un tableau » et le lendemain est un autre jour.
Le lendemain, autre jour, autre passion : la cuisine. Kamel, « en bon Alépin », gourmand et gourmet, a toujours concocté aux amis des plats exquis. Lors d'un voyage, après avoir goûté des biscuits salés et apprécié leur saveur, il achète la machine pour en faire à la maison. Là, dans sa cuisine transformée en laboratoire à tentations, il modifie les formules, ajoute des ingrédients, change les dosages, la forme, la consistance, trouve là aussi les bonnes proportions et finit par aboutir à une galette 100 % naturelle, à l'huile d'olive, sans conservateurs, mais surtout légère et délicieusement croquante. Avec la complicité de sa femme Mona, il crée un label, une étiquette à son effigie, des boîtes dans lesquelles il superpose 20 pièces et commence à les offrir aux amis. Le cercle d'amis s'élargit, les connaissances, les amis des amis, et c'est Beyrouth qui est contaminée par les « brizelés » qu'il livre même à domicile. « De 30 boîtes, nous sommes passés à la fabrication de 1 000 boîtes par mois, en seulement 6 mois. Tout en continuant à les fabriquer chez moi, je suis en train de m'adapter à la demande... »
Heureux, Kamel veille sur son « bébé » avec attention et affection. Les samedis, vous le verrez à Souk el-Tayyeb proposer ses galettes et savourer le « contact avec les gens », tout en pensant à de nouveaux parfums : oignon, anis, fromage « natté » toujours « en bon Alépin », bien sûr. De même que des saveurs sucrées : noix, noisettes, chocolat et autres gourmandises. Le secret de cette réussite ? « Rentrer dans la philosophie de la machine et savoir la détourner. C'est ce détournement qui est ingénieux », conclut-il.
Ingénieux Kamel Cabbabé...
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