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Culture - Vient de paraître

L’Arménie entre témoignage et souvenirs

Un livre qui appartient à l'enfance. Celle des Arméniens en exil et qui revivent le passé. Un passé guère mort mais plus vivant et vivace que jamais. Plus d'une quarantaine de plumes évoquent des images diversement inoubliables. En devanture des librairies, « Nos terres d'enfance », une anthologie de textes, en langue française, rassemblés par Anahide Ter Minassian et Houri Varjabédian. Témoignages et souvenirs pour la pérennité d'une identité et de l'histoire.

Retrouver l'essence d'une patrie, d'une terre aimée, respirer le parfum des verts paradis de l'enfance (mais parfois cela peut être aussi un enfer !) sont une véritable chasse aux trésors. Trésors qui génèrent vitamine, énergie et espoir pour aller de l'avant, illuminer le quotidien, occulter le présent et dépasser toute adversité.
Nos terres d'enfance (Dar an-Nahar- 346 pages), avec, comme sous-titre L'Arménie des souvenirs, est un livre de compilation, conçu comme un vaste regard englobant d'éminentes personnalités arméniennes appartenant surtout au domaine de l'art et de l'écriture, pour retrouver les points d'origine et les premiers repères.
À travers l'écriture, confidence pour soi et les autres, introspection pour mieux se comprendre et se retrouver, voilà l'enfance, clef de voûte de toute vie.
De New York à Téhéran, de Bagdad à Bakou, de Erevan à Istanbul, de Beyrouth à Trébizonde, de Paris à Mouch, le temps et l'espace se volatilisent devant cette diaspora, certes disséminée et éparpillée, mais parfaitement consciente de la richesse de son patrimoine, de son devoir à sauvegarder son identité ainsi que celui de la transmission de son héritage culturel tout en affrontant, avec courage et lucidité, tous les problèmes, écueils et difficultés d'intégration...
Des enfants et des adolescents (aujourd'hui hommes ou femmes arrivés !) parlent du passé. Un passé pas toujours heureux ou serein, surtout lorsqu'on songe aux jours sombres depuis le génocide de 1915...
Avant cette date fatidique, ces écrits ont pour cadre le « yekir » (le pays) partagé entre Empires ottoman, russe et perse. Les présentateurs de l'ouvrage soulignent que ce n'est ni un « pays des merveilles » de Lewis Carroll, ni un « pays sans nom » ou un « pays ineffable » du Grand Meaulnes d'Alain Fournier. Mais tout simplement « un espace rêvé » que chantent et clament poètes, historiens et intellectuels de tous bords.
Traduits de l'arménien, du turc, du russe ou des différentes langues des pays de la diaspora, ces textes jettent un éclairage si ce n'est à la fois neuf et émouvant, du moins révélateur et éclairant. Entre documents irréfutables, témoignages vibrants, accablants ou neutres, souvenirs radieux ou amers, la vie, dans tous ses éclats imprévisibles, est dans ces lignes qui réinventent et « recréent la vie ».
Voyage involontaire, exil subi, quotidien inattendu, ces pages sont l'éloquente illustration de tous les revers, ballottements et recommencements de l'histoire. Mais aussi l'espoir à surmonter les épreuves et la détermination à vivre dans la dignité.
Paysages ruraux ou urbains, frénésie de ville ou solitude de bourgade, fièvre des mégapoles ou douceur des trembles sur une route de campagne, ces propos de jeunesse sont le tremplin de ceux qui construisent le futur. Ceux qui cherchent une certaine lumière, un sens à l'existence, un dépassement à la douleur et au deuil, une explication au vécu du moment.
Si Henri Verneuil est bien un cinéaste français, la plaque mortuaire de sa tombe à Marseille indique sans ambages ses origines : Achod Malakian. Et la liste de ceux qui ont brouillé les pistes, avant de revenir au bercail, pourrait être bien longue. À titre d'exemple, les romanciers Henri Troyat ou Daniel Arsand, le peintre Jean Carzou, aussi graveur et décorateur, de son vrai nom Karnik Zouloumian.
Cet ouvrage, au travail de recherche patient et minutieux, n'ambitionne pas d'établir une anthologie des grands auteurs classiques ou contemporains, mais de mettre au-devant de la scène littéraire ceux qui ont nourri leur œuvre de souvenirs d'enfance.
Pour être précis, quarante-trois auteurs (ou personnages) composent cette grande fresque de l'enfance aux images ramagées. Des images en kaléidoscope pour un vaste éventail d'émotions dévoilées.
Si certains noms n'ont pas de résonance particulière pour des lecteurs non avertis de la culture du pays du mont Ararat, d'autres sont déjà d'une réputation internationale bien établie. En tête de liste, on cite volontiers le dramaturge Arthur Adamov, les romanciers William Saroyan et Nina Berberova, le sulfureux et talentueux cinéaste Serguei Paradjanoff et Nubar Gulbenkian, roi du pétrole, milliardaire aux innombrables œuvres caritatives.
Un ouvrage qui, par-delà sa notion de remontée dans le temps, garde une part léonine, exclusive à l'enfance. Une enfance à la force constructive. Une enfance qui explore et revisite l'espace parcouru et le temps vécu. Une enfance figure de proue pour un avenir plus radieux. Un avenir réinstallé dans sa confiance et ses espoirs.
Retrouver l'essence d'une patrie, d'une terre aimée, respirer le parfum des verts paradis de l'enfance (mais parfois cela peut être aussi un enfer !) sont une véritable chasse aux trésors. Trésors qui génèrent vitamine, énergie et espoir pour aller de l'avant, illuminer le quotidien, occulter le présent et dépasser...

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