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Moyen Orient et Monde - Le point

Un homme à abattre

C'est un pays de Cocagne sans peuple, octroyé par la grâce divine (incarnée en l'occurrence par la communauté internationale, la défunte Union soviétique en tête) à « un peuple sans terre ». En short, manches de chemise retroussées, les vaillants kibboutznik, dit la légende, ont fait fleurir ce qui n'était qu'un désert. Parce que, il faut vous le dire, les prétendus Palestiniens qui l'avaient squatté vivaient d'amour et d'eau fraîche. Face à la poussée démographique qui menaçait, on les a envoyés croître et multiplier ailleurs. Entre gens de bonne compagnie, il restait à faire de cet État un phare de démocratie destiné à illuminer le Proche-Orient.
Las ! Depuis quelque temps, la belle muraille est en train de se fissurer. Dernière en date des lézardes : la révélation d'une véritable chasse à l'homme lancée contre un journaliste, et pas n'importe lequel. Courageux, Charles Enderlin, correspondant permanent depuis 1981de la chaîne France 2, vient de sortir un livre sur l'acharnement mis depuis dix ans par un groupe de Français et d'Israéliens (« encouragés » on vous laisse deviner par quelle partie) à l'abattre, l'objectif étant, dans un premier temps, d'obtenir son licenciement, après quoi il sera facile de démolir une réputation qui n'est plus à établir.
29 septembre 2000 : la seconde intifada est déclenchée. Le lendemain, à Gaza, l'armée tire à balles réelles sur un groupe de manifestants armés de leurs seuls lance-pierres. Un caméraman, Talal Abou-Rahmé, se trouve sur les lieux. Il filme une scène atroce, qui sera reprise en boucle par les télévisions du monde entier : l'agonie d'un enfant, Mohammad Dourra, blessé à mort, qui décédera dans les bras de son père. Le chœur des inconditionnels de la vaillante petite nation crie à la mise en scène, certains allant même, quand ils ne prétendent pas que les balles en cause ont été tirées par... des Palestiniens, jusqu'à mettre en doute le décès. Le journaliste évoque, lui, des tirs israéliens. L'assaut est aussitôt donné contre lui. La campagne de calomnies durera des années. L'un de ses auteurs, Philippe Karsenty, sera même jugé coupable de diffamation puis reconnu comme ayant été de « bonne foi » (sic) dans cette affaire.
Une pétition en signe d'appui au journaliste circule, qui recueille les signatures de personnalités politiques, médiatiques et autres, dont même celle d'un ancien président du CRIF (Conseil représentatif des institutions juives en France), Théo Klein. C'est que la réputation de l'homme n'est plus à faire ; de plus, Charles Enderlin possède la double nationalité française et israélienne. Il ne saurait donc être accusé d'antisémitisme. Non ? Erreur ! Pour ne citer que lui, Stéphane Hessel, personnage éminemment respectable de l'univers médiatique, âgé de 93 ans et ayant des origines juives, arrêté autrefois par la Gestapo pour ses activités de résistant, vient de faire l'objet d'une plainte déposée par le BNVCA (Bureau national de vigilance contre l'antisémitisme) pour un article « incitant à la discrimination raciale ». Son crime : avoir appelé au boycott des produits israéliens après le carnage opéré à Gaza. Pour mémoire, il conviendrait peut-être de rappeler qu'il s'agit d'un ancien ambassadeur de France aux Nations unies qui contribua aussi à l'élaboration de la Déclaration universelle des droits de l'homme. Avant lui, il y eut Daniel Mermet, producteur de radio, poursuivi pour des propos d'auditeurs sur le conflit de Palestine, le sociologue Edgar Morin et tant d'autres intellectuels coupables de faire preuve d'objectivité et de souci de porter témoignage.
Un livre vient de paraître en France (1), écrit par Enderlin, près d'un an après Le grand aveuglement (2), qui relatait le rôle de l'État hébreu dans la montée en puissance du Hamas à Gaza. À partir de l'affaire Dourra, le récit est celui de la campagne de calomnies lancée par une équipe de chasseurs qui a juré la perte de l'auteur. Curieusement, la parution de l'ouvrage coïncide avec l'événement qu'aura constitué l'approbation par le gouvernement Netanyahu d'un amendement contraignant les candidats non juifs à la citoyenneté israélienne à faire acte d'allégeance à « l'État juif et démocratique d'Israël ». Un ministre travailliste, Yitzhak Herzog, a osé juger « très inquiétant le tableau général », avouer sa « peur » et cru voir dans ce texte des « relents de fascisme ». On ignore pour l'instant s'il va faire l'objet de poursuites. Bien sûr que non : après tout, le régime est démocratique, vous dit-on.

(1)    Un enfant est mort, par Charles Enderlin. Éditions Don Quichotte.
(2)    Le grand aveuglement - Israël et l'irrésistible ascension de l'islam radical. Éditions Albin Michel.
C'est un pays de Cocagne sans peuple, octroyé par la grâce divine (incarnée en l'occurrence par la communauté internationale, la défunte Union soviétique en tête) à « un peuple sans terre ». En short, manches de chemise retroussées, les vaillants kibboutznik, dit la légende, ont fait fleurir ce qui...

commentaires (2)

Un ministre travailliste a osé juger très inquiétant le tableau général, avouer sa peur et cru voir dans ce texte des relents de fascisme. Non, des relents de nazisme plutôt !

ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

12 h 44, le 15 août 2015

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Commentaires (2)

  • Un ministre travailliste a osé juger très inquiétant le tableau général, avouer sa peur et cru voir dans ce texte des relents de fascisme. Non, des relents de nazisme plutôt !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    12 h 44, le 15 août 2015

  • plus que d'accord avec vous

    HADDAD Fouad

    09 h 23, le 15 août 2015

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