Une baguette féminine et une baguette juvénile en symphonie

Une baguette féminine et une baguette juvénile ont enflammé, il y a quelques jours, le Strathmore Art Center. La première était celle de Marin Alsop dirigeant l'Orchestre symphonique de Baltimore, invité à ouvrir la saison du Strathmore, et la seconde celle d'un tout jeune chef d'orchestre, Iliych Rivas (17 ans), qui, lui, a été convié au pupitre pour l'interprétation du deuxième mouvement, « Blumine », de la 1re Symphonie de Mahler. Ce concert tout en excellence, en subtilité et en allant, sous la houlette de Marin Alsop, a résonné d'œuvres de Prokofiev (« allegro con brio » de la Symphonie classique et deux extraits de Cendrillon), de Schuman (« allegro molto vivace » de la Symphonie n°2), de Chostakovitch (« allegro non troppo ») et de Mahler (arrangement de la suite de J-S. Bach). Il y eut aussi deux moments consacrés à la musique américaine, avec les accents lyriques de Samuel Barber et cette grandiose « musique qui creuse le ciel » créée par John Williams pour le film mythique Star Wars.
Marin Alsop est la première femme à diriger un orchestre américain de cette envergure. Auparavant, elle avait fait une brillante carrière en Angleterre où elle a notamment été la première femme à diriger un enregistrement du cycle des symphonies de Brahms avec le London Philharmonic Orchestra. Elle a fait de même pour un enregistrement de la 5e Symphonie de Mahler, cette fois avec le London Symphony Orchestra. On la retrouve aussi, cette année, au pupitre de l'Orchestre national de Belgique, lors du prix international pour piano de la reine Elizabeth.

Curriculum vitae
Dès son retour aux USA dont elle est originaire, elle a donc pris en charge, en 2007, l'Orchestre symphonique de Baltimore dont elle a élargi les activités pour une plus grande mobilisation d'un public jeune et moins jeune car partout les salles de concert peinent à faire le plein. Parmi ses initiatives, la création d'un site Internet, appelé « Webumentary film Series », où l'on peut assister à des concerts commentés et aussi à des répétitions. Elle a également mis au point pour iTunes le titre « Clueless About Classical » (aucune idée sur la musique classique). Tout récemment, elle a annoncé le démarrage d'un nouveau programme éducationnel, après-classe, baptisé « Orchkids », qui propose aux enfants défavorisés de Baltimore des cours de musique gratuits, à l'instar du célèbre « El Sistema » vénézuélien. Poussant le public à « aller voir la musique et non seulement à l'écouter », comme le dit Igor Stravinsky.
C'est dans cet esprit d'ouvrir toutes grandes les portes de la musique qu'elle a confié au talent si maîtrisé d'Iliych Rivas la direction de l'interprétation de Mahler au cours de ce concert. D'origine vénézuélienne, Rivas n'est pas issu d'El Sistema, à l'instar d'une autre jeune baguette, Gustavo Dudamel. Pour lui, la musique est une affaire de famille et il y a été initié dès l'âge de six ans. Son grand-père dirigeait une chorale et son père, Alejandro Rivas, a notamment animé et dirigé l'Orchestre symphonique de Denver. Il a fait ses études musicales aux États-Unis où ses parents se sont installés après sa naissance. L'an dernier, il s'est fait remarquer au Festival des ateliers de chefs d'orchestre en Californie. Deux des maestros sont frappés par la maturité, la compréhension des œuvres et le souci de la finition. Alsop, elle, fait passer une audition avec l'Orchestre symphonique de Baltimore qui s'avère être un succès et qui la mènera occasionnellement au pupitre. À l'actif également de Rivas, un stage sous la direction de Vladimir Jurowsky à l'Opéra de Glyndebourne (Angleterre). Il a entamé cette année ses débuts professionnels, notamment avec l'Orchestre symphonique de la Radio de Stuttgart ; l'an prochain, il sera accueilli par l'Orchestre symphonique de Lucerne. La critique reconnaît en lui « un artiste de 17 ans hors du commun, avec une approche approfondie de la musique, qui connaît et sait mesurer son autorité. Il bâtit son art avec clairvoyance et sans hâte ».
Herbert von Karajan a dit : « L'art de diriger consiste à savoir abandonner la baguette pour ne pas gêner l'orchestre.