Au lendemain de ces affrontements, rappelle-t-on, la démilitarisation de la capitale a été réclamée par différents courants et pôles d'influence, notamment par le 14 Mars, le Courant du futur, les députés de Beyrouth, l'ancien Premier ministre Sélim Hoss, les organismes économiques et diverses organisations de la société civile. Sur ce plan, les responsables de plusieurs ONG tiendront vendredi prochain, à 11 heures 30, à l'hôtel Le Gabriel, à Achrafieh, une conférence de presse pour initier une campagne axée sur la démilitarisation de Beyrouth. Prendront part à cette conférence de presse l'association Journalistes contre la violence, le centre Skeyes, l'Observatoire de la République, et le rassemblement Moultazimoun. Des sit-in et des mouvements de protestation populaires pourraient être organisés dans ce cadre afin d'accentuer la pression en vue d'une démilitarisation de la capitale.
Par ailleurs, une commission mixte regroupant des représentants du Hezbollah et des Ahbache a entamé hier le recensement des dégâts provoqués par les accrochages de Bourj Abi Haïdar. Le Hezbollah a indiqué à cet égard que les travaux de cette commission ne « prendront pas une tournure officielle ou médiatique », affirmant que ceux qui ont subi des dégâts dans leurs biens seront intégralement indemnisés.
Dans le même temps, le commissaire adjoint du gouvernement près le tribunal militaire, le juge Sami Sader, continue de suivre de près les investigations préliminaires effectuées par les services de sécurité au sujet des accrochages de Bourj Abi Haïdar. Aucun délai n'a été fixé pour la fin de ces investigations en raison du nombre important de témoins qui devraient être entendus par les enquêteurs. Rappelons qu'une dizaine de personnes ont été arrêtées jusqu'à présent dans cette affaire.
Parallèlement, les réactions continuent de pleuvoir concernant les circonstances et les retombées de ces affrontements, et les commentaires enregistrés dans les différents milieux politiques entretiennent le clivage, déjà profond, perceptible sur la scène locale entre le camp du 14 Mars et les alliés du Hezbollah. Rappelons qu'à la suite des incidents de Bourj Abi Haïdar, le gouvernement avait formé une commission ad hoc, présidée par le Premier ministre Saad Hariri, et comprenant le ministre de l'Intérieur, Ziyad Baroud, et le ministre de la Défense, Élias Murr, pour plancher sur une solution au problème de la prolifération des armes.
Sur le plan des réactions, le député Antoine Zahra, membre du bloc parlementaire des Forces libanaises, s'est élevé contre ceux qui s'opposent à l'idée de la démilitarisation de Beyrouth, soulignant qu'un tel projet vise à assurer la stabilité dans le pays. « Comment est-il donc possible de concevoir cette démilitarisation comme un complot contre les armes de la Résistance ? » s'est interrogé M. Zahra qui s'est étonné du fait qu'il ne soit plus possible de lancer le débat sur les armes qui pullulent à Beyrouth. « La logique qui est avancée depuis quelques jours implique que l'objectif recherché est devenu de défendre les armes et non plus de défendre le Liban », a souligné M. Zahra qui a ajouté que les membres de la commission présidée par M. Hariri bénéficient de la confiance de toutes les parties. Le député FL s'est toutefois étonné du fait que M. Baroud ait déclaré que la première réunion tenue par la commission ad hoc ait planché sur le problème des permis de port d'armes. « Ceux qui détiennent des armes qui portent atteinte à la sécurité de la population ne s'arrêtent à des considérations de permis de port d'armes », a souligné M. Zahra.
Le ministre Kataëb des Affaires sociales, Sélim Sayegh, a exhorté de son côté le président Michel Sleiman à adopter une position tranchée concernant les circonstances des affrontements de Bourj Abi Haïdar, soulignant que l'État devrait assumer ses responsabilités aux côtés des forces de sécurité et de l'armée « dans le but de prendre la décision qui s'impose sans qu'une quelconque faction politique se sente accusée ou prise pour cible car nous sommes habitués à voir certaines parties se poser en victimes alors que c'est le Liban qui est victime ».
Nadim Gemayel
M. Nadim Gemayel, député de Beyrouth, a souligné pour sa part que « la stratégie du Hezbollah est claire, à savoir contrôler tout le pays ». « Les événements du 7 mai (2008) et ceux de Bourj Abi Haïdar avec leurs conséquences, en sus des incidents avec la Finul au Liban-Sud, illustrent le fait que ce que le Hezbollah n'arrive pas à réaliser par la voie politique, il tente de l'imposer par la force en ayant recours aux armes. »
Le ministre Jean Oghassabian (Courant du futur) a déclaré que « le climat d'accalmie qui est requis n'empêchera pas la poursuite de la campagne visant à réclamer la démilitarisation de Beyrouth », soulignant que cette requête « ne vise aucune faction, et plus particulièrement la Résistance, car les armes du Hezbollah sont discutées dans le cadre de la conférence de dialogue ».
Le député Riad Rahhal (Bloc du futur) a déclaré pour sa part que « la Résistance ne devrait pas se manifester à Beyrouth ni dans tout autre région, mais au Liban-Sud, face à l'ennemi israélien ».
Le ministre Adnane Kassar a appelé, quant à lui, « toutes les forces politiques à se départir du discours belliqueux et à prospecter un terrain d'entente entre elles afin d'éloigner le spectre de la discorde qui menace le pays ».
Quant au ministre d'État Adnane Sayyed Hussein (proche du président Michel Sleiman), il a souligné la nécessité de « régler conformément aux normes nationales et juridiques le problème du désarmement dans les rues » de la capitale. Relevant que « les armes existent non seulement à Beyrouth, mais également à Bab Tebbané, à Jabal Mohsen, à Ouzaï, à Baalbeck et parfois aussi en montagne », Sayyed Hussein a déclaré que « la prolifération d'armes est en contradiction avec les normes nationales ». Rappelant que le problème des armes du Hezbollah est débattu dans le cadre de la conférence de dialogue, le ministre a souligné que « la solution réside dans le fait que les autorités, notamment le Conseil supérieur de défense, assument leurs responsabilités ».
Le CPL et le Hezbollah
Dans le camp du 8 Mars, le député Nagi Gharios, membre du bloc aouniste, a déclaré que « les réactions aux incidents de Bourj Abi Haïdar étaient plus graves que l'événement en lui-même », soulignant que la requête portant sur le désarmement dans les rues de Beyrouth « doit exclure les armes de la Résistance ».
Également membre du bloc aouniste, le député Nabil Nicolas a déclaré que l'impact de la réunion du Conseil supérieur de défense, qui s'est tenue hier sous la présidence du chef de l'État, « est semblable à l'absorption d'un cachet d'aspirine pour guérir un cancer ». Et d'ajouter que « la réforme sociale est une condition préalable au désarmement ».
Le ministre Mohammad Fneich (Hezbollah) a qualifié d'« inadmissibles » les événements de Bourj Abi Haïdar, soulignant la nécessité de « mener une enquête et de réclamer des comptes à ceux qui ont été impliqués » dans ces accrochages.
Le député Ali Fayyad (Hezbollah) a affirmé pour sa part qu'il est « nécessaire de mettre un terme aux prises de position portant à équivoque concernant les incidents irresponsables de Bourj Abi Haïdar afin de focaliser l'attention sur l'acte d'accusation politisé du tribunal international et de faire en sorte que la mise en accusation d'Israël soit consolidée ». M. Fayyad a prôné en outre « le retour au calme de manière à ne pas dilapider l'opportunité de l'entente syro-saoudienne ».