Le report de l'acte d'accusation les affaiblirait davantage. D'autant plus que ce genre d'intervention pourrait déranger aussi les sionistes de plus en plus agacés par le cynisme médiatique du sayyed. D'ailleurs, ses révélations ont fortement ébranlé le gouvernement d'Israël. D'autre part, si la campagne d'apaisement prônée par le roi d'Arabie ne portait pas ses fruits, le spectre de la guerre civile resurgirait et personne ne pourrait en supporter les conséquences. Alors, le sayyed, magicien à ses moments perdus et habile tacticien au moment voulu, a sorti une échappatoire. Il a, films et mouchards à l'appui, accusé implicitement Israël d'avoir organisé l'attentat contre Hariri, tendant ainsi la perche à Saad Hariri. Hassan Nasrallah a voulu, par sa conférence de presse, suggérer une nouvelle approche de l'enquête. Omar Karamé, Sélim Hoss et Nagib Mikati ont réagi positivement à ses arguments. Et comme l'affirme judicieusement Nabih Berry, rien ne sera plus comme avant après l'intervention de sayyed Hassan. Saad Hariri saisira-t-il la main tendue par le chef hezbollahi ? Ce n'est pas certain. Mais il est impératif pour le chef du gouvernement de ne pas négliger cette option. Car le temps presse et le fait de ne pas prendre en considération l'hypothèse du sayyed pousserait inévitablement celui-ci dans ses derniers retranchements. Il tiendrait alors une nouvelle conférence de presse pour dévoiler ouvertement (ce qu'il ne voulait pas faire) tous les dessous louches des enquêtes menées par les équipes de Mehlis et de Bellemare, et surtout l'affaire des faux témoins, comme Zouheir Siddiq et Akram Mrad, qui vient d'avouer avoir été approché par un journaliste et un député. Ce qui impliquerait inéluctablement certains amis et partenaires du Premier ministre (politiciens, magistrats, journalistes et officiers). Cette initiative risquerait alors de faire imploser le pays... déjà assez meurtri par une précédente et amère expérience.
Alors, que va décider Saad Hariri ? Le motus, mais non la bouche cousue, a déjà fait ses effets : Moustapha Allouche, débarqué du Parlement, mais militant endurci du Futur, a mis en doute les supputations du sayyed. Ahmad Fatfat s'est également mis de la partie pour les dénigrer, et puis et surtout les organes médiatiques relevant de cheikh Saad ont « omis » de retransmettre en direct sa conférence de presse. Ces prises de position maladroites n'augurent rien de bon. Au contraire, elles présagent une complication de la situation déjà assez embrouillée comme ça. Mais le plus important reste que, par son intervention, sayyed Hassan a ouvert une brèche dans cette opacité brumeuse au fond de laquelle le pays est plongé. Et ses détracteurs auront du mal à réfuter indéfiniment ses arguments. À Saad Hariri de faire sortir le pays de cette abracadabrante crise de confiance et de saisir la bouée de sauvetage que lui lance Nasrallah afin de ramener à bon port, définitivement, tous ceux qui gagent, ragent et nagent à contre-courant.