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Moyen Orient et Monde - Le point

Guerre et (presque) paix

Il y a la trisection de l'angle, la duplication du cube et puis il y a la quadrature du cercle. C'est ce dernier problème qui provoque à Washington des crises aiguës de céphalée. En clair, faut-il abandonner l'Irak à son sort, comme promis par Barack Obama, ou bien rester, au risque de se dédire ? Après avoir soigneusement soupesé les risques et les avantages de chacun des deux termes de l'alternative, les hauts gradés qui hantent les couloirs du Pentagone et les « egg-heads » du département d'État sont sur le point d'émettre un jugement digne d'un Salomon qui aurait été inspiré par Le Canard enchaîné. L'Amérique va se retirer, sans se retirer tout en se retirant. Il ne restera alors qu'à trouver une explication à cette décision et à la justifier. Un coin du voile vient d'être levé, permettant d'entrevoir la savante rhétorique en cours d'élaboration pour convaincre l'opinion publique dans les deux pays et, par-delà, les nations amies qui avaient, en son temps, apporté leur obole à l'entreprise de désaddamisation et de débaassification.
Acte I : ce sont les autochtones qui, les premiers, tirent la sonnette d'alarme. Notre armée ne sera pas prête à remplir pleinement sa mission avant 2020, annonce le chef d'état-major, le général Babaker Zebari. Le ministre des Affaires étrangères Hoshyar Zebari prend le relais : « Pour longtemps encore, dit-il, nous ne serons pas capables de nous défendre contre une agression. »
Acte II : le colonel Edwin Fiske se hasarde timidement à émettre un avis concordant. « Je ne vois pas les hommes que nous formons ne pas réclamer de notre part une certaine forme d'assistance. » Son supérieur hiérarchique, le général Ray Odierno, prend lui aussi de curieuses précautions oratoires pour déclarer à l'intention des journalistes : « Durant les dix-sept mois à venir, vous allez constater une intensification des exercices d'entraînement destinés à accroître leurs capacités à se protéger contre une agression. » L'instant d'après, le commandant en chef des troupes américaines engagées en Irak se montre plus précis : « Tout le monde croit que nous allons nous retirer le 1er septembre. Nous n'abandonnons pas l'Irak ; simplement, notre engagement sera moins d'ordre militaire et davantage à caractère civil. »
Acte III : Ryan Crocker, ancien ambassadeur à Bagdad jusqu'en 2009 (après Beyrouth...), entre à son tour en lice. Il affirme au New York Times : « Longtemps encore nous allons être présents sur le terrain, même si ce n'est que pour le maniement de l'armement fourni. » Tout est dans cette petite phrase, anodine en apparence seulement.
L'armement ? Impressionnante, la liste des emplettes effectuées à ce jour. Cent quarante tanks Abrams pour un coût de 200 millions de dollars, dont les premières unités viennent d'arriver à Oum el-Qasr, mais aussi un lot de fusils M-16, des unités navales et, espère-t-on pour bientôt, des chasseurs F-16. Un tel arsenal nécessite des responsables chargés d'en superviser l'arrivée, des instructeurs pour former les destinataires et veiller à la maintenance, des surveillants pour éviter qu'il ne tombe en de mauvaises mains, etc.
Il faudra aussi en payer le prix. Les caisses de l'État étant vides, on aura recours au pétrole, un moyen idéal pour honorer ses dettes et, en ce qui concerne Washington, limiter dans une certaine mesure l'énorme hémorragie financière entraînée par cette guerre. La transaction survient à point nommé, à l'heure où le secrétaire à la Défense, Robert Gates, vient de promettre des coupes sombres dans son budget, de l'ordre de 100 milliards de dollars sur cinq ans. Une broutille quand le ministère a obtenu 700 milliards supplémentaires pour l'exercice 2011. Mais, c'est le cas de le dire, à la guerre comme à la guerre.
Il faudra bien que les stratèges revoient leur copie, et décident de ne pas rappeler l'essentiel du contingent et de maintenir sur place plus que 50 000 GI, ce qui donnerait raison au vice-président Joe Biden, lequel n'a jamais cru possible de respecter l'engagement solennel pris par le chef de l'exécutif. D'autant plus que, politiquement, on n'a pas avancé d'un iota, et cinq mois après les élections générales, aucune lueur ne se profile à l'horizon gouvernemental. Ce n'est certes pas Maliki qui négociera le redéploiement des forces de l'Alliance. Le général Odierno, encore lui, est le seul Américain à penser qu'une nouvelle équipe ministérielle verra le jour avant le 1er septembre, ainsi qu'il l'annonçait la semaine dernière dans le cadre d'une interview à la chaîne de télévision ABC. Mercredi, l'insurrection a rappelé qu'elle avait encore de beaux jours devant elle en organisant, à Saadiya, une embuscade dans laquelle 8 militaires ont péri.
À l'évidence, la « période de transition » dont parlait Obama n'est pas près de commencer.
Il y a la trisection de l'angle, la duplication du cube et puis il y a la quadrature du cercle. C'est ce dernier problème qui provoque à Washington des crises aiguës de céphalée. En clair, faut-il abandonner l'Irak à son sort, comme promis par Barack Obama, ou bien rester, au risque de se dédire ? Après avoir soigneusement...

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