Voyages, voyages à la galerie Mark Hachem

De prime abord rien ne laisse supposer qu'un thème relie toutes ces œuvres tant dans les sculptures que dans les toiles, mais à bien laisser son regard voguer, un souffle d'évasion emporte l'esprit qui voyage. Dans cet espace clair où se côtoient les diverses sensibilités, l'accrochage embrasse toutes les affinités : des peintres français Arnaud, Youri et Fenjan, à l'artiste vénézuélien Porras; du photographe anglais Letts, aux sculptures d'Arman, de Mata (Espagne) et de Valdès (Chili), ce sont des atmosphères et des ambiances qui se dégagent de l'exposition « Travels » qui charrie avec elle des centaines d'effluves.

Sculpture et peinture
Il y a d'abord les grandes sculptures monumentales et figuratives de Mauro Corda, qui encadrent les lieux. Maniant des matériaux très variés comme le bronze, l'aluminium, le fer ou l'inox, ce sculpteur du corps offre à voir le squelette humain et parfois animal dans tous ses états. Le Saut du contorsionniste en bronze nickelé en est la preuve, mais aussi La Famille sans tort, à l'expression visionnaire. Dans une merveilleuse mise en scène transparente et lumineuse, il présente ses œuvres comme s'il mettait le corps à nu. Séduction et attraction de la part des œuvres d'Arman, ce peintre sculpteur décédé en 2005 et dont les grands violons entiers, fragmentés, éclatés, illustrent l'intérêt qu'a toujours porté l'artiste pour l'objet et le rapport que les sociétés modernes entretiennent avec celui-ci, entre sacralisation et consommation.
Voyage également sur les courbes de femmes alanguies et offrant leur corps. Pour définir ces grandes œuvres sculpturales de Pollès, empruntons les mots à Michel Onfray, qui a si bien évoqué le travail de l'artiste. «Pollès n'est ni cubiste, ni surréaliste, ni futuriste, mais il conserve, intègre et dépasse ces trois forces du défunt XXe siècle, dit Onfray. L'artisan ou l'artiste contemporain de Colleoni est également l'artiste ou l'artisan de son temps et il jette dans son creuset une scène d'images, d'impressions, d'émotions issues du siècle dernier pour en faire un style dans lequel cohabitent deux traits de son caractère: la force, la violence, la brutalité et la douceur...» Des ondulations de la chair féminine aux formes des équidés et des taureaux, il n'y a qu'un pas que franchit avec beaucoup de souplesse le sculpteur espagnol Carlos Mata. Fasciné par le monde des animaux, il taille avec légèreté et transparence les silhouettes de ces figures vivantes depuis la nuit des temps. Lesquelles avoisinent en toute harmonie les puissants taureaux et chevaux en métal et pierre du Chilien Palolo Valdès.
Côté peinture, c'est l'artiste vénézuelien Fernando Porras qui emmènera le regard dans un lointain voyage en Amérique du Sud. Ses portraits stylisés du peuple Warao, à qui il rend hommage dans des couleurs flamboyantes, portent en eux la mémoire de cette civilisation en danger de disparition à cause de la destruction de la forêt vierge. Les subtiles abstractions du Français Arnaud, elles, font face à l'œuvre photographique tout en évanescence de Letts, originaire d'Angleterre. Quant aux dessins figuratifs aux couleurs sable, où se mêlent les signes et configurations géométriques, ils sont à l'image de ces tapis qui hantent l'imaginaire du peintre d'origine irakienne Fenjan. Enfin, ce sont les toiles du Français Youri, portant les noms de fleurs, qui donnent à cette belle exposition une note estivale et voyageuse.