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Lifestyle - Société

« Boussy », ou quand le théâtre ouvre les yeux des Égyptiens sur leurs maux

La pièce, dont le titre signifie « regarde », est inspirée des « Monologues du vagin » mais adaptée à la culture égyptienne.

La troupe de jeunes comédiens au complet. Le spectacle a été créé par des étudiants de l’Université américaine du Caire.Photo AFP

Frustration sexuelle, misogynie au travail, harcèlement des femmes dans la rue... une pièce de théâtre intitulée Regarde tente d'ouvrir les yeux des Égyptiens sur les maux de leur société.
Dans un théâtre de fortune monté dans une cafétéria du complexe de l'Opéra du Caire, les comédiens - pour la plupart des amateurs d'une vingtaine d'années - passent tour à tour sur les planches pour jouer de courts textes tirés d'expériences vécues, devant quelques dizaines de personnes. Inspiré par Les Monologues du vagin d'Ève Ensler mais « adapté à la culture » égyptienne, le projet Boussy (regarde, en dialecte égyptien) entre dans sa cinquième année. Créé par des étudiants de l'Université américaine du Caire (AUC), c'est la première fois qu'il sort de son enceinte, dans le but de « montrer ce qui se passe vraiment » à un public élargi.
Les sujets tournent tous autour de la relation hommes-femmes et dénoncent une société patriarcale et hypocrite, où la religiosité ambiante cache parfois de honteux secrets. Ainsi ce petit copain très pieux qui demande à son amie de faire l'amour par combiné interposé, en arguant que « ce n'est pas "haram" (interdit par la religion) puisque c'est au téléphone ». Ou cette jeune femme désespérée de ne pouvoir quitter sa maison sans son voile. « Que mes cheveux sont beaux ! Comme j'aimerais sortir sans mon hijab ! Mais que diraient les gens... », soupire-t-elle devant son miroir, pantalon moulant et maquillage appuyé, avant de courir rejoindre son petit copain. L'écrasante majorité des Égyptiennes porte aujourd'hui le voile, avec plus ou moins de pudeur.
Une autre comédienne, dans un sketch intitulé Je ne suis pas ta darling, se plaint de ne jamais être prise au sérieux dans son travail du simple fait d'être une femme, et d'être systématiquement appelée « ma chérie » ou « ma jolie » par ses collègues et clients. Le harcèlement des femmes dans les lieux et transports publics, endémique en Égypte au point d'avoir été qualifié de « cancer social » par une ONG, est cette fois abordé du point de vue d'un homme. Regard fiévreux, colère mal contenue, l'un des personnages raconte qu'il aime aller « se satisfaire » dans les transports en commun - en se frottant ou en se masturbant contre des femmes -, une technique courante dans les bus bondés de la capitale. « Je ne suis pas malade. Et je ne suis pas le seul », dit-il vivement. « J'étais quelqu'un de respectable. Mais je gagne 400 livres (55 euros) par mois, je ne pourrai jamais me marier, qu'est-ce que je peux faire ! » s'écrie-t-il ensuite avec frustration.
C'est toutefois une version expurgée qui passe pour l'occasion, et la pièce a été refusée dans plusieurs théâtres. Une vingtaine de minutes ont dû être coupées « à cause de la censure, pour ne pas s'exposer à des poursuites », explique à l'AFP Mona al-Chimi, comédienne et l'une des responsables de la pièce cette année. « Nous avons approché beaucoup d'endroits, les raisons (de leur refus) étaient multiples mais celle qui était commune à tous était la sensibilité des sujets », affirme-t-elle. La veille, la version originale a été chahutée et des spectateurs sont partis au beau milieu de la pièce. Parmi les scènes supprimées figurait un passage sur l'inceste.
Mais, à la fin de la représentation, une surprise attend la petite troupe. Le célèbre acteur Khaled Aboul Naga, une star en Égypte, a été séduit par la performance et s'engage à les soutenir. « Ils méritent que leur projet soit correctement produit, enregistré et surtout préservé », dit-il à l'AFP, en proposant que la pièce soit mise sur DVD. « Avec les passages censurés ? » demande l'une des comédiennes, pleine d'espoir au milieu des cris de joie. « Avec les passages censurés », répond Khaled Aboul Naga en souriant.
Frustration sexuelle, misogynie au travail, harcèlement des femmes dans la rue... une pièce de théâtre intitulée Regarde tente d'ouvrir les yeux des Égyptiens sur les maux de leur société.Dans un théâtre de fortune monté dans une cafétéria du complexe de l'Opéra du Caire, les comédiens - pour la...

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