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Lifestyle - Hotte d’or

Mon monstre puissant et généreux

J'ai proposé à Björn Borg de venir passer six jours à Édimbourg, la septième et avant-dernière étape de mon safari européen, il ne pouvait pas. Ce n'était pas plus mal. Il se serait senti de trop : lorsque nous sommes ensemble Camilla et moi, nous jacassons comme deux pies préménopausées. Il se fait en réalité que j'avais appelé mon amie Camilla Parker-Bowles il y a deux semaines, j'étais encore au Danemark, pour qu'elle se libère et m'accompagne durant mon escale écossaise. Mais je l'ai bien tancée : No way no way no way, darling, que tu penses une seule seconde te la jouer princesse de Galles cette fois-là, parce que je veux passer la semaine au bord du loch Ness. Effectivement, c'est entourée de mes cinq armoires à glace vikingissimes à Frederikshavn que j'ai décidé que j'allais enfin, au bout de toutes ces décennies, faire ma propre enquête, on n'est jamais bien servie que par soi-même, et, j'en étais persuadée, débusquer dans son intégralité ou en pièces détachées le Nessitera rhombopteryx, plus communément appelé Nessie, ou monstre du loch Ness. En brave fille des Carpates, cette historiette insensée me hantait depuis que j'étais toute petite fille, je n'en dormais pas les nuits, et il était temps désormais, en pleine tabula rasa, que je m'occupe de mes vieux démons. Que je me libère. De l'aéroport d'Édimbourg-Turnhouse, je me suis immédiatement rendu à ma destination lacustre, un bungalow assez isolé qu'on n'atteignait qu'à pied mais équipé absolument high-tech et décoré par Andrée Putmann. J'étais bien armée : ciré jaune et bottes en caoutchouc fuschia Aigle ; cannes à pêche ultrasensibles Tenryu ; un tonneau peint en Tintin et Milou ; vingt castors empaillés qui, j'en suis sûre, attireraient éventuellement la bête : ils ont été aspergés d'effluves de
thon ; les Mémoires de saint Colomban, ce moine irlandais qui avait déclaré en 565 avoir enterré un homme mortellement mordu par un Niseag, et le CD best-of de Britney Spears, au cas où ce(tte) Nessie aurait l'ouïe fine. Camilla m'a dit que le monstre serait tellement gêné par la voix de la Spears qu'il pourrait s'en prendre méchamment à nous. Elle a donc ramené un disque de Sabah que je lui avais offert à son mariage avec Charles. Camilla a toujours des idées saugrenues mais qui s'avèrent in fine très efficaces (elle est arrivée au bungalow flanquée de trois gardes du corps dont un, Michael, qui aurait été idéal pour mes quatre heures entre deux cuillerées de Nutella et trois lampées de champagne, mais non, je dois absolument rester concentrée sur Nessie, qui m'a valu des Himalaya de dollars en psychanalyse chez Chawki Azouri...). Bref. Nos journées étaient scindées en deux : farniente jusqu'à 14h00 puis, après une légère collation, nous embarquions dans une barque ébène, rembourrée de l'intérieur de vison rose imperméable, et pilotée par Angus, un sosie du capitaine Haddock en moins barbu, sa carabine anti-Nessie toujours prête à l'emploi et qui n'arrêtait pas de donner du royal
highness après chaque mot ou presque à Camilla. Il faisait souvent brumeux mais doux. Juin en Écosse est toujours très schizophrène, mais nous rentrions chaque jour à 19h15 précises pour notre apéritif made in Reims. Nous nous armions un mini-backgammon et quelques recueils de sudoku, ainsi qu'une biographie des Windsor que mon amie doit sans cesse potasser. Rien. Absolument, atrocement rien jusqu'à l'avant-dernier jour, à part une multitude de fausses alertes, dont un cadavre de tronc d'arbre et une baudruche d'éléphant de cirque. L'avant-dernier jour restera gravé dans ma mémoire : l'un des castors empaillés que nous avions placé à la surface de l'eau a été happé et le mangeur glouton a jailli hors de l'eau avant d'y replonger sur-le-champ. C'était un jeune phoque très moustachu avec un léger embonpoint que je baptisai immédiatement Houssam avant qu'Angus ne tire à la chevrotine et ne l'abatte sur-le-champ. Nous avions applaudi pendant cinq minutes, rendant hommage à la célérité, l'adresse et la maestria de notre capitaine de barque. Certes, j'avais tué un phoque en pleine force de l'âge, certes Brigitte Bardot pourrait nous traîner en justice, mais j'avais dynamité un de mes démons et cela, cela est un inestimable miam miam.

margueritek@live.com
J'ai proposé à Björn Borg de venir passer six jours à Édimbourg, la septième et avant-dernière étape de mon safari européen, il ne pouvait pas. Ce n'était pas plus mal. Il se serait senti de trop : lorsque nous sommes ensemble Camilla et moi, nous jacassons comme deux pies préménopausées. Il...

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