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Culture - Galerie

Les sculptures en lévitation de Mauro Corda

Après Paris et New York, Mark Hachem ouvre sa troisième galerie à Beyrouth*. Un bel espace au centre-ville inauguré par une magnifique exposition des œuvres du sculpteur français Mauro Corda, en présence de l'artiste.

À l'entrée de la galerie Mark Hachem, un contorsionniste évoluant dans son cercle vous accueille. Deux pas plus loin, un long poisson à la silhouette effilée proche de celle de l'espadon semble vous guetter derrière les... rideaux en perles de métal de son aquarium. Au centre de la salle, un grand bouledogue monte la garde. Tout autour de lui, des acrobates, gymnastes, équilibristes se livrent à toutes sortes d'exercices: contorsion arrière, grand écart (d'une sublime élégance), numéro sur perchoir. Contre le mur du fond, une jeune Chinoise, blanche comme de l'argile, semble perdue dans ses pensées. Et si vous jetez un regard à travers la baie vitrée, vous verrez surgir une main, énorme, les doigts recroquevillés comme prêts à vous saisir.
Univers surréaliste? Pas vraiment. Cette assemblée hétéroclite de personnages, en bronze plaqué nickel, en aluminium, en fer oxydé ou encore en terre cuite, issue du travail de Mauro Corda, célèbre, au contraire, le réel, la beauté du réel, celle qui jaillit de l'âme des êtres et de la matière.
Sculpteur du corps, humain ou animal, qu'il lui arrive parfois d'unir, «rarement», précise-t-il, dans des pièces inspirées des chimères, comme cette famille de centaures en bronze patiné baptisée, non sans malice, Famille de sans torts, Mauro Cordo est un artiste qui revendique «le goût, le bonheur du beau».
Ses œuvres, mêlant académisme rigoureux et création contemporaine, attestent d'une rare maîtrise de l'art du modelé rehaussée d'un sens de l'élégance inné.
Des caractéristiques pouvant passer pour désuètes par rapport à l'art contemporain mais qui, dans les sculptures de cet artiste nourries de la délicatesse de la Renaissance italienne qu'il prise tant et de la force expressive d'un Rodin qu'il a longtemps vénéré, dégagent une modernité évidente.
Modernité de ce corps humain dont Mauro Corda explore toutes les limites, les courbures, les volumes et les expressions avec une rare virtuosité. Un corps humain que ce sculpteur venu du dessin - sa passion d'enfance, son talent inné - esquisse sur papier comme un musicien ferait son solfège, «pour affûter mes sculptures», dit-il.
Modernité de certains matériaux qu'il utilise aussi, comme l'aluminium, la résine ou le nickel. Mais encore contemporanéité de cet effet de lévitation dont il aime jouer dans nombre de ses sculptures, comme celle de cet acrobate immobilisé en pleine culbute, ou ce poisson suspendu dans son aquarium.
Pour cet artiste qui s'astreint à trois engagements, «la nécessité de montrer du beau, une démarche anarchiste de révolte contre les diktats de la mode et le désir d'aller dans le sens de ce qui élève l'être humain», la sculpture doit être «réflexive». Une sculpture qui, chez lui, procède d'une envie de mettre l'accent sur une situation donnée. Ainsi, ce qui l'a «intéressé, indique-t-il, chez les contorsionnistes, c'est l'engagement, la somme de travail fourni par ces personnes pour faire une chose qui dure une fraction de seconde». Et une sculpture dont «les volumes tendus (comprendre par là lisses) cernent le fini pour obtenir l'infini», soutient Corda, citant le précepte d'un de ses professeurs aux Beaux-Arts de Reims qu'il a fait sien.

Un « Vestige »
pour Beyrouth

Ce sculpteur, dont la renommée ne cesse de s'affirmer au fil des expositions qui lui sont consacrées de Paris à Singapour, en passant par Londres, Genève et New York, vient de terminer une sculpture monumentale que lui a inspiré Beyrouth, où il était venu, pour la première fois, il y a un an. Une tête de colosse, en fer oxydé, qu'on dirait rongée par le temps, qu'il a baptisée Le Vestige, dont il nous montre la photo. «En me promenant dans le centre-ville, j'ai vu la statue des Martyrs, complètement criblée de balles. Cela m'a fait penser au Liban, à ce qu'il devait être avant la guerre, à sa civilisation phénicienne, raconte Mauro Corda. J'ai alors imaginé un colosse, tombé, dont il reste quelque chose. En l'occurrence la tête qui, même criblée, même rongée, garde des traces de grandeur et de beauté.» Une belle pièce allégorique qui trouverait naturellement sa place sous le ciel libanais. À bon entendeur...

* Mina el-Hosn, rue Salloum, imm. Capital Garden, rez-de-chaussée. Jusqu'au 29 juin. Tél. : 70/949029.
À l'entrée de la galerie Mark Hachem, un contorsionniste évoluant dans son cercle vous accueille. Deux pas plus loin, un long poisson à la silhouette effilée proche de celle de l'espadon semble vous guetter derrière les... rideaux en perles de métal de son aquarium. Au centre de la salle, un grand bouledogue monte la garde. Tout autour...

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