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I – Assailli par les demandes, le bio se débat avec ses problèmes

La certification : un processus long mais incontournable

Dans son atelier d'agroalimentaire à Nahr Ibrahim, Fadi Daou nous ouvre ses registres. « Pour un industriel, c'est encore plus difficile d'obtenir la certification bio que pour un agriculteur, souligne-t-il. Il faut s'assurer que toutes les matières premières sont certifiées, préciser à chaque fois les quantités utilisées dans les recettes... En effet, l'organe de certification qui nous surveille peut trouver suspect qu'on ait eu recours à 10 kilos d'un tel produit et d'en avoir utilisé 15 dans ses créations, par exemple. C'est une des méthodes de contrôle. Or pour rester à jour, il faut abattre un travail administratif énorme dont un autre industriel n'aurait pas à se soucier, et cela prend beaucoup de temps. J'ai même investi des milliers de dollars dans un système informatique pour avoir un outil efficace entre les mains. Mais je le fais parce que je suis convaincu. »
Le processus de certification peut être long et pénible, mais c'est le prix à payer pour obtenir le label. Au Liban, il y a deux organismes de certification sur le marché : l'un est le bureau d'une compagnie italienne, l'Institut méditerranéen de certification (IMC), et l'autre est libanais, créé avec des fonds suisses, Libancert. « Nous conférons le label bio non seulement aux produits agricoles, mais aussi à des industries, des restaurants, des commerces..., explique Youssef Khoury, directeur du bureau de l'IMC au Liban. Notre société est accréditée auprès du ministère italien de l'Agriculture. »
Khalil Haddad, directeur de Libancert, souligne que cette compagnie libanaise, créée avec le concours de l'AUB, « a profité d'un don du ministère suisse de l'Économie, mais devra devenir autosuffisante dès la fin 2010, et elle donne des accréditations selon les normes européennes ».
Quand l'agriculteur, le commerçant, l'industriel ou le restaurateur consulte l'un de ces bureaux, il signe un accord d'engagement qui n'est pas un certificat d'accréditation. Il devra compter une période de transition de deux ou trois ans avant d'avoir l'accord final et de pouvoir vendre son produit sous le label bio. Si le demandeur estime que son produit est déjà bio, il doit en apporter les preuves. Un même agriculteur peut avoir une accréditation pour une récolte et pas une autre, et il vendra cette seconde comme conventionnelle. Il devra garder à jour des rapports très précis sur les produits récoltés ou manufacturés, et les produits vendus sous peine d'éveiller les soupçons. Les organes de certification affirment effectuer au moins un contrôle annoncé par an et une inspection surprise, et même davantage si la confiance ne règne pas avec l'autre partie. Ils ont la possibilité de prélever à n'importe quel moment des échantillons sur le marché et de faire des tests.
Ces établissements de certification n'apportent pas une aide en matière de consultation aux agriculteurs parce qu'ils entreraient dans un conflit d'intérêts. D'ailleurs, l'orientation technique continue souvent de faire cruellement défaut aux producteurs, à moins qu'ils ne soient eux-mêmes très avisés.
Qui peut aspirer à une accréditation ? « Théoriquement, tous les producteurs, puisque nous n'avons éthiquement pas le droit de leur refuser cette chance, mais je préfère sentir que le demandeur est convaincu par le bio, sinon il n'ira pas au bout du processus », souligne M. Haddad. Et quels sont les risques majeurs ? « Il y a possibilité de triche ou d'erreur, dit-il. La certification est donnée pour un an renouvelable. Si une grande erreur ou un comportement frauduleux sont constatés, le producteur peut retomber en période de transition ou se voir retirer définitivement le certificat. »
M. Khoury précise que tout doit être vérifié : de la graine au label de la marque, en passant par la préparation de la terre et l'eau d'irrigation... Mais peut-on considérer qu'il y a des terrains vraiment bio avec toute la pollution ambiante au Liban ? « Certaines fermes sont assez isolées pour être dans un environnement propre, dit-il. Dans le cas inverse, il est toujours possible de prendre des précautions : construire une sorte de barrage, demander à son voisin de pulvériser ses pesticides de manière à ne pas exposer les récoltes, vendre les produits de la surface trop proche des autres exploitations en tant que conventionnels, etc. » Il rappelle que dans les cultures bio, il y a des produits pesticides autorisés, organiques et biodégradables, eux aussi certifiés, mais souvent peu disponibles sur le marché.
Les organes de certification contrôlent les producteurs, mais qui les contrôle à leur tour ? Idéalement, le Liban devrait se doter d'une loi nationale qui vienne chapeauter toutes les institutions concernées et servir de garantie supplémentaire pour le marché interne tout comme pour l'exportation. Cette lacune, même les deux compagnies la reconnaissent. Jusque-là, l'authentification se fait par le pays d'origine (l'Italie pour IMC) ou par des organismes internationaux (pour Libancert). La confiance et parfois les relations personnelles restent primordiales.

Dans son atelier d'agroalimentaire à Nahr Ibrahim, Fadi Daou nous ouvre ses registres. « Pour un industriel, c'est encore plus difficile d'obtenir la certification bio que pour un agriculteur, souligne-t-il. Il faut s'assurer que toutes les matières premières sont certifiées, préciser à chaque fois les quantités...