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Culture - Festival Bipod

Mathilde Monnier, ou mourir sur scène

Durant deux soirées consécutives, sur les planches du théâtre al-Madina, la chorégraphe française et sa troupe de danseurs ont présenté « Pavlova 3'23'' ». Un spectacle qui célèbre la mort dans un mouvement très vivant et physique.

Déconstruire les mouvements et les mythes. (DR)

Quatre danseuses et cinq danseurs se sont alignés au fond de la scène, dans un cadre tout nu, où deux grands rideaux en plastique noir couvrent de part et d'autre des objets épars. Ils évolueront comme des automates au son d'un bruit lancinant. La scène se répétera inlassablement. Certains s'écroulent sur le sol, d'autres sont pris de convulsions saccadées. Les mouvements sont exécutés au ralenti, comme étirés, avec une élasticité charnelle et rigoureuse.
Du groupe se détache parfois un danseur qui évoque, à sa manière, La mort du cygne. D'abord la Taïwanaise I-Fang Lin, puis Julia Cima qui sursaute comme un animal blessé, ou encore Cecilia Bengolea perchée sur ses pointes et qui reprend la chanson de Dalida Mourir sur scène. Sa voix se tend, hoquette et finit par mourir dans des spasmes et un grésillement nasillard. Enfin, il y a Julien Gallée-Ferré qui rit de la mort. Avec son grand corps mince peint de lignes noires, désarticulé comme le squelette d'une danse macabre, ses soubresauts ressemblent à ceux d'un agonisant.

D'innombrables fins
Pour comprendre ces différents tableaux qui sembleraient hermétiques à des profanes et qui s'achèvent toujours par une «fin» pour évoquer la faucheuse, il faudra replacer le spectacle dans son contexte et remonter ainsi à bien loin.
C'est Mikhaïl Fokine qui créa, en 1907, la chorégraphie de La mort du cygne sur une musique de Saint-Saëns, pour la prima ballerina Anna Pavlova, qui le dansera durant toute sa carrière. Une chorégraphie aussi brève (puisqu'elle dure trois minutes, vingt-trois secondes) qu'emblématique.
Directrice du Centre chorégraphique national du Languedoc-Roussillon depuis 1994, Mathilde Monnier s'est emparée de ce morceau non pour le disséquer ou le reprendre d'une manière contemporaine, mais pour réfléchir (de multiples manières) à la représentation de la mort sur scène et, indirectement, au «destin tragique de la danse».
On sait que la Pavlova brisa en son temps les règles de la danse classique. Aujourd'hui, Mathilde Monnier suit cette démarche en explorant avec sa troupe les innombrables champs de la danse. «La danse est toujours en recherche, dit la chorégraphe. C'est cela qui m'intéresse: élargir le champ des possibles.» Pour Monnier, la danse qui est d'une forme assez bâtarde peut assimiler les autres formes d'art et les absorber. «De la musique contemporaine au rapport à l'image, en passant par les arts, elle s'en sert comme des outils afin de sortir des carcans.»
Comment représenter la mort qui est inertie et statisme, alors que la danse est mouvement et dynamique? Comment illustrer un concept, une idée sans retomber dans des clichés?
Et comment utiliser La mort du cygne pour aller plus loin et évoquer la mort du mouvement et probablement la mort de l'image un peu rigide qu'on se faisait de la danse.
À travers ses tableaux successifs qui rappellent par moments des toiles, comme Le radeau de la Méduse de Géricault ou Le Cri de Munch, Mathilde Monnier a invité le public à sonder paradoxalement, avec des mouvements novateurs, le monde de l'inertie.
Quatre danseuses et cinq danseurs se sont alignés au fond de la scène, dans un cadre tout nu, où deux grands rideaux en plastique noir couvrent de part et d'autre des objets épars. Ils évolueront comme des automates au son d'un bruit lancinant. La scène se répétera inlassablement. Certains s'écroulent sur le sol, d'autres...

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