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Culture - Débat

Dialogues d’écrivains exilés sous l’égide de l’Unesco

Organisé par la Commission nationale libanaise pour l'Unesco, dans le cadre de Beyrouth, capitale mondiale du livre, un colloque sur le thème de « La littérature libanaise dans le pays d'immigration » a été inauguré hier à l'hôtel Le Bristol où se poursuivent aujourd'hui les tables rondes animées par plusieurs auteurs libanais vivant à l'étranger.

MM. Awit, Wardé et Mme Baassiri lors de la séance inaugurale. Photo Michel Sayegh

Le Liban fut et restera un pays d'immigration et d'émigration. De nombreuses œuvres littéraires sont ainsi nées à l'étranger. « Quelles que soient les époques ou les raisons du départ, ces écrits sont souvent l'écho de bien d'espoirs et de déchirements », a déclaré Salwa Siniora Baassiri, secrétaire générale de la Commission nationale de l'Unesco lors de la séance inaugurale tenue en présence du ministre de la Culture Sélim Wardé et de Henri Awit, président de la Commission nationale libanaise. Étaient également présents les ambassadeurs d'Espagne, Juan Carlos Gafo, du Canada, Martial Pagé, et des diplomates du sultanat d'Oman, de Jordanie, de Hongrie, d'Égypte, ainsi qu'un représentant du ministre Sélim Sayegh.
« Manque, nostalgie et désir d'intégration se mêlent pour enrichir la littérature du pays d'origine », a poursuivi Baassiri en précisant que la littérature d'immigration (ou des immigrations) constitue à elle seule un champ littéraire qui comporte toute une série de caractéristiques propres : l'adoption d'une langue différente de celle qui nous est propre, la déterritorialisation (géographique et culturelle), le contact avec l'altérité, l'engagement idéologique ou la dénonciation et, en plus, l'activation de procédés spécifiques d'écriture déterminés par des configurations narratives différentes.
Ce colloque vise à examiner tous ces aspects en donnant la parole à des écrivains libanais, résidents et non résidents, de différentes générations, et dont les œuvres sont publiées en plusieurs langues et dans plusieurs pays.
La réflexion s'orientera principalement sur la relation qui lie les œuvres littéraires nées à l'étranger à la patrie et la culture d'origine. La question de l'appartenance, la problématique de l'exil, le statut de ce genre de littérature dans le paysage culturel libanais ainsi que son rôle pour la promotion de la diversité culturelle et du dialogue des cultures constituent également des centres d'intérêt du colloque.
Suivant la séance inaugurale, la première table ronde du colloque a réuni, autour de la modératrice Zahida Darwiche Jabbour, les écrivains John Asfour, Loubna Haykal, Rawi Hage, Houda Barakat et Abbas el-Zein.
John Asfour est un poète canadien d'origine libanaise. Il a perdu la vue à l'âge de treize ans, lors de la première guerre civile du Liban en 1958. Ses poèmes inspirés de l'idéal de l'amour et de l'indignation face à la guerre puisent aux sources antiques grecques et phéniciennes.
En tant que traducteur, il a contribué à faire connaître de nombreux auteurs arabes et libanais auprès de l'Occident. Pour le poète, les attentats du 11 septembre ont accentué le sentiment d'exil et d'isolement. « Ma seule patrie en tant qu'écrivain, c'est le texte lui-même, a indiqué Asfour. À travers lui, on peut s'exprimer avec liberté et transcender les frontières et les obstacles. »
Loubna Haykal, née au Liban, vit aujourd'hui en Australie où elle est écrivain et médecin. Auteur de pièces de théâtre et de nouvelles, elle a axé son intervention sur l'exil, ce lieu qui vous transforme en Autre invisible et sans voix, ne possédant aucun droit d'acquisition sur la langue, ses métaphores, ses références. Un état d'isolement et d'autisme culturel qui vous procure néanmoins une connaissance de soi aiguë. L'écriture dans l'exil est un moyen d'affirmer sa présence, de s'approprier la langue et de briser les murs qui séparent le « Nous » des « Autres ».
L'auteur montréalais d'origine libanaise Rawi Hage avait remporté le prestigieux prix Impac Dublin Literary Award. Il faut préciser que Hage a écrit son roman De Niro's Game dans sa troisième langue (l'anglais, après l'arabe et le français). Le jury avait tenu à récompenser cette œuvre pour « son originalité, sa puissance, son lyrisme, tout autant que son humanité ».
L'auteur avait d'ailleurs déclaré : « Je suis un homme chanceux. Après un long voyage marqué par la guerre, le déplacement et la séparation, j'ai l'impression d'être l'un des rares vagabonds assez privilégiés pour avoir été récompensé, et pour cela je suis très reconnaissant. »
L'auteur a indiqué que si partir peut être une expérience parfois douloureuse, revenir d'exil peut comporter des risques. « C'est dans cet entre-deux baigné de malaise que l'écrivain exilé tente d'exister. »
Installée depuis de nombreuses années en France, Hoda Barakat a écrit plusieurs romans à succès dont Le Laboureur des eaux (prix Naguib Mahfouz). Ses écrits accordent une place centrale à un paysage libanais révolu, à la guerre civile, et mettent en scène des personnages déchirés dans une quête identitaire. « L'exil a assurément donné une perspective à ce qui se passait dans mon pays. La distance a endurci mon regard sur moi-même et sur le monde », a ainsi estimé la romancière qui écrit en arabe, afin d'éviter « toute aliénation néfaste à mon écriture ». Comme elle a souvent eu l'occasion de le répéter, le français, pour elle, n'est pas la langue dans laquelle sa mère lui parlait dans son enfance. « J'ai besoin de gutturales lorsque je veux exprimer un sentiment qui me prend aux tripes. »
Abbas el-Zein, auteur libano-australien, a écrit de nombreux essais et petites nouvelles ayant pour thèmes principaux la guerre, l'identité et le déplacement publiés dan Heat Magazine, le New York Times et The Age. Les faits de son premier roman, intitulé Tell the Running Water (2001), se déroulent en pleine guerre civile libanaise. Les dilemmes qui accompagnent l'exil peuvent être très fertiles pour l'écrivain, a indiqué el-Zein en précisant que de nombreux écrivains d'origine libanaise ont construit une sorte de cosmopolitisme qui en dit long sur le monde actuel...
Il convient de préciser que les conférences se poursuiveront aujourd'hui. Une séance matinale, de 9h30 à 11h30, animée par Saoud el-Mawla, avec Évelyne Accad, Yves Gonzales de Quijano, Najwa Barakat, Albert Dichy et Georgia Makhlouf-Cheval.
De 12h30 à 13h30, une séance plénière réunira les écrivains participants au colloque dans une discussion animée par le ministre de l'Information Tarek Mitri.

 

M.G.H.

Le Liban fut et restera un pays d'immigration et d'émigration. De nombreuses œuvres littéraires sont ainsi nées à l'étranger. « Quelles que soient les époques ou les raisons du départ, ces écrits sont souvent l'écho de bien d'espoirs et de déchirements », a déclaré Salwa...

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