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Lifestyle - Hotte d’or

Perdue en translation

Le vol Tokyo-Paris s'est très très bien passé. Je pleurais sans arrêt. On aurait dit Juliette Binoche dans n'importe lequel de ses derniers films. Je pleurais tellement que le steward d'Air France en a eu lui aussi les canaux lacrymaux un peu irrités ; il s'est excusé 42 fois de ne pas avoir de Veuve Clicquot à disposition, me servant coupe de Laurent Perrier rosé sur coupe de Laurent Perrier rosé. Je pleurais tellement que ma robe Comme des garçons s'est transformée en serviette de plage. Il suffisait que j'entrouvre à peine une de mes paupières, pourtant d'habitude fort paresseuses, que j'enlève ne fût-ce que trois secondes l'une de mes boules Quiès hyperouatées achetées chez Colette pour que je voie et entende Etsuya, son rire, ses yeux, son verbe, ses mains. Il m'est humainement impossible de prendre ma correspondance pour Beyrouth, il m'est vitalement urgent de m'octroyer une pause à Paris. D'aller faire comme à chaque tournant de ma vie mille et cent fois le pont Alexandre III d'un bout à l'autre perchée sur mes toutes premières Louboutin que j'avais arrachées des mains de Christian alors qu'il ne pensait même pas encore ouvrir boutique - ça me réussit à chaque fois. Assise ensuite en pleine terrasse du Flore les yeux ravagés derrière mes immenses Dior qui montrent le mieux tout ce que j'ai à cacher, je touchais à peine à ma coupe et aux tranches de parmesan amoureusement apportées par Maxence qui verdit à chacune de mes apparitions. Je crois que ce cher M. Huntington aurait adoré me connaître : ma tête décérébrée, mon cœur tout friable, mes tripes ivres de douleur, tout mon corps n'est qu'un ring de boxe, un infini choc des cultures. Pensez : Etsuya, jeune bobo de 21 ans issu d'une des plus grandes familles tokyioites et qui a décidé de se consacrer aux arbres et aux fleurs dans un des coins les plus reculés du Japon profond, et Houssam, 20 ans, de Tarik Jdidé, en licence de business dans quelque faculté occulte et amoureux fou du ballon rond. Le second devine chacun de mes besoins et de mes envies avant même que je ne les ressente, le premier m'a chavirée, noyée et ressuscitée en cinq jours. J'en aurais éclaté de rire s'il me restait une once de force. J'ouvre le Pariscope. C'est la dernière à l'Odéon Europe de La chatte sur un toit brûlant. Tennessee Williams réécrit par Wajdi Mouawad et mis en scène par ce fou génial de Krzystof Warlikowski avec ma sœur Isabelle Huppert en Blanche Du Bois : ce sera un bon remède. J'appelle Isabelle pour qu'elle me débrouille un strapontin. Le spectacle est troublant, très, inégal mais Zouzou est comme d'habitude somptueuse. Je bois une coupe dans sa loge, je l'aide à se démaquiller. Tu viens souper avec nous, tu m'as l'air toute chose ma Margotte. Aucunement, je lui réponds, je crois que je vais aller me coucher, je prends l'avion tôt demain pour Beyrouth, je t'aime chérie, à très vite. En réalité, je ne sais pas si/quand je quitterai Paris. Je crois que j'appréhende plus que tout mes retrouvailles avec Houssam, je crois que cela sera tout sauf miam-miam.
Le vol Tokyo-Paris s'est très très bien passé. Je pleurais sans arrêt. On aurait dit Juliette Binoche dans n'importe lequel de ses derniers films. Je pleurais tellement que le steward d'Air France en a eu lui aussi les canaux lacrymaux un peu irrités ; il s'est excusé 42 fois de ne pas avoir de Veuve Clicquot à disposition, me servant coupe de...

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