Avant leur entretien à la Maison-Blanche, Barack Obama et son visiteur, contrairement à l'usage, ne se sont pas présentés, sourire aux lèvres et franche poignée de main, devant les caméras. L'atmosphère de la rencontre, selon un bref communiqué de la présidence du Conseil israélien, n'était même pas « chaleureuse » ou « amicale », comme par le passé, mais tout juste « bonne », ce qui, en langage diplomatique, peut vouloir dire que l'on n'en est pas venu aux mains. La réunion d'hier mercredi n'aura pas réussi à dissiper la nette tension constatée à l'occasion de la tournée du vice-président Joe Biden, quand l'État hébreu avait jugé le moment propice à l'annonce d'un nouveau train de colonies s'inscrivant dans le cadre d'une initiative lancée par un richissime juif américain, Irving Moskowitz. Le même jour, le maire de la ville, Nir Barkat - émule à nul autre pareil de Gaston Lagaffe et comme lui capable de mettre le feu aux extincteurs - annonçait la construction de 20 logements sur un site qui avait abrité jadis un hôtel palestinien.
Selon un rapport de l'ONG israélienne Ir Amim publié jeudi 11 mars et cité par le quotidien le Monde, la mairie se propose d'ériger 50 000 logements dans le secteur arabe, dont 20 000 seraient sur le point d'être autorisés. L'intéressée qualifie de « faux » les chiffres mais sans aller jusqu'à contester l'existence du projet. Pendant ce temps, « Bibi » ne manque pas une occasion d'exhiber un diagramme indiquant le nombre de formalités par lesquelles doivent passer les constructeurs pour obtenir droit de cité (c'est le cas de le dire). Ce qu'il se garde bien d'évoquer, c'est la célérité avec laquelle les permis sont accordés et les travaux menés.
Comme pour confirmer la formule célèbre de Jacques Chirac - « les emmerdes, ça vole toujours en escadrille » -, la coalition au pouvoir se retrouve avec une nouvelle affaire sur les bras, résultat de l'expédition des Pieds nickelés du Mossad le 19 janvier dernier à Dubaï. L'expulsion par le Royaume-Uni d'un diplomate israélien - pour riposter à « notre arrogance », comme l'a souligné dans un commentaire Amir Arieh, journaliste au Haaretz - n'a pas été suivie à ce jour de la riposte classique consistant pour l'autre partie à déclarer persona non grata un membre de la représentation britannique. Douze faux passeports, cela revient à ajouter au crime (l'assassinat d'un des leaders du Hamas, Mahmoud al-Mabhouh), la faute. Au point que même David Miliband, le chef du Foreign Office, lui-même fils d'immigrés juifs venus de Pologne, a dû qualifier d'« intolérable » la fraude, qui a fait l'objet d'une minutieuse enquête menée par la SOCA (Serious and Organized Crime Agency), dont les conclusions ont été transmises au gouvernement de Gordon Brown. À son tour Paris a déclenché une enquête préliminaire pour faux et usage de faux après l'utilisation de quatre passeports français dans le coup de Dubaï.
Et le ton ne cesse de monter : des membres de la Chambre des communes ont qualifié Israël d' « État voyou » pendant qu'à la Knesset, un membre de l'alliance au pouvoir, le député Aryeh Eldad, classait les Britanniques dans la catégorie canine. Pour l'heure, nul ne parierait sur une baisse de la tension, aussi bien avec Washington qu'avec Londres, autrement que dans un avenir relativement lointain. Dans la capitale fédérale, on admet que Netanyahu cède un peu trop facilement à ses extrémistes de droite quand il pourrait former un cabinet d'où les ultras seraient bannis. Qu'il le veuille est loin d'être certain. Mais trop sûr de lui-même, ayant une foi excessive en son habileté, alors qu'il n'est que malin, le funambule risque à tout moment la chute. Nombreux sont, partout dans le monde, ceux qui ne s'en désoleraient pas.