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Moyen Orient et Monde - Le point

Premiers balbutiements

Leçon numéro un : Nouri Kamal al-Maliki a gagné une bataille, celle des législatives de dimanche ; il risque peut-être de perdre la guerre, celle de la formation du gouvernement. Leçon numéro deux : el-Qaëda n'a pu tenir son pari de faire pièce à la consultation, mais l'organisation d'Oussama Ben Laden pourrait, dans les semaines à venir, mettre le pays à feu et à sang. Le 7 mars, une centaine d'explosions ont retenti dans la seule capitale sans parvenir à dissuader une grande partie des millions d'électeurs (19 millions de votants inscrits) de déposer leurs bulletins dans l'urne. Et, contrairement à ce qui s'était passé en 2005, les sunnites ont tenu cette fois à participer au processus. Alors, naissance d'une démocratie qui n'ose pas encore dire son nom ou bien prémices d'une division, pis d'un éclatement sur une double base, ethnique et confessionnelle ? Trop tôt pour le dire, quand les Américains eux-mêmes hésitent encore à se prononcer, encore moins à s'engager plus avant sur la voie d'un retrait. Mais les Américains, n'est-ce pas...
Le processus de dépouillement promet d'être long et ardu. Que l'on en juge : la Haute Commission chargée d'entériner les résultats du scrutin fera une première annonce, partielle, après-demain jeudi, laquelle sera suivie de listes définitives neuf jours plus tard. Quant à la composition officielle de la nouvelle assemblée, elle ne sera connue que vers la fin du mois en cours. Mais qu'importe le temps quand la preuve est là d'un début de normalité dans un Irak qui n'en a pas vu le moindre signe depuis cinquante-deux ans, soit depuis la tornade du 14 juillet 1958 qui devait balayer sur son passage la royauté, le pacte de Bagdad de triste mémoire (il comprenait, outre l'Irak, la Turquie, l'Iran, les États-Unis, le Royaume-Uni et le Pakistan) et du coup les rêves anglo-saxons d'une digue face à la percée soviétique au Moyen-Orient. Plus personne aujourd'hui, à Washington ou ailleurs, ne se souvient qu'à l'origine des calculs totalement loufoques des évangélistes, dans les mois qui précédèrent l'invasion de mars 2003, il y avait l'utopie d'une république qui servirait d'exemple pour tous. Étant évident qu'au passage, on renverserait le sanguinaire Saddam Hussein et on s'approprierait les champs pétrolifères.On n'avait oublié qu'une chose, combien importante : la confidence, sur le ton du conseil, faite par le tyran à un émissaire américain : « Si vous cherchez à vous débarrasser de moi, sachez qu'il vous faudra plusieurs dictateurs pour tenir l'Irak. » On sait ce qu'il advint des plans occidentaux ainsi que des mirifiques bénéfices escomptés, dont il ne reste plus rien, hormis le chaos.
La grande surprise de la journée aura été la performance réussie par le bloc d'Ayad Allawi - chiite lui aussi - vainqueur dans les quatre provinces sunnites d'Anbar, Diyala, Salaheddine et Ninive. C'est dire combien, au sein de ce camp, demeure grand le ressentiment contre le Premier ministre, accusé d'avoir pris la relève de l'entreprise de « débaassification » de l'armée déclenchée par Paul Bremer. Jugé par l'administration Obama comme moins enclin à épouser les prises de position de sa communauté, il devrait se révéler un interlocuteur coriace quand sonnera l'heure des tractations pour la mise sur pied d'une nouvelle équipe dirigeante. Si l'arithmétique paraît favorable au chef du cabinet sortant (119 sièges à pourvoir dans les provinces chiites, 70 dans les zones sunnites), l'inconnue bagdadienne (68 députés) pourrait contribuer à remettre en cause l'issue de la bataille. Il en est de même de l'attitude du Kurdistania, regroupement des deux principaux partis, soucieux de préserver et d'élargir, si possible, l'autonomie de la partie du pays qui est la sienne, et d'obtenir une part plus grande que prévue dans la répartition de la manne pétrolière. Il y a cinq ans, Maliki avait pu former son équipe grâce à un appui, celui du tandem Talabani-Barzani, qui est loin cette fois de lui être acquis.
Il y a lieu de relever en outre que les lignes de partage définies à la faveur de la journée de dimanche sont sensiblement les mêmes que lors de la consultation de janvier 2005, quand il s'était agi de désigner un organisme de transition chargé d'élaborer la Constitution approuvée par voie de référendum neuf mois plus tard. C'est dire si une telle continuité est susceptible d'ouvrir la voie à une sorte d'union sacrée entre les adversaires d'hier ou, au contraire, à un raidissement de chacun sur ses positions.
Dans une étude remarquable sur « le maillon le plus faible », Richard N. Haass * relève que si, au XXe siècle, la lutte naissait de la volonté de domination par des États forts (Allemagne, Japon, puis URSS), à laquelle s'opposaient les USA et leurs alliés, le danger de nos jours provient d'États faibles (Pakistan, Irak, etc.). Soit, à quelques noms près, ceux-là auxquels s'adressait la doctrine Eisenhower...

(*) Président du Conseil des relations extérieures, auteur de « War of Necessity, War of Choice : A Memoir of Two Iraq Wars ».
Leçon numéro un : Nouri Kamal al-Maliki a gagné une bataille, celle des législatives de dimanche ; il risque peut-être de perdre la guerre, celle de la formation du gouvernement. Leçon numéro deux : el-Qaëda n'a pu tenir son pari de faire pièce à la consultation, mais l'organisation d'Oussama Ben Laden pourrait, dans les...
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