Avec ce spectacle, ils ont voulu faire un tour d'horizon des violences faites aux femmes. Pour écrire toutes ces souffrances qui n'ont pas de mots, le couple d'artistes a emprunté les mots des femmes violentées. Histoire de Rahil est en effet issue d'une collecte de témoignages avec des femmes battues (les questionnaires ayant été établis par les sociologues Roberta Pellegrino et Mona Abboud). À signaler que cette pièce boucle une cession d'entraînement avec des opérateurs sociaux œuvrant pour prévenir et combattre la violence contre les femmes, et réduire l'inégalité sexuelle dans les camps palestiniens et au sein des communautés libanaises et palestiniennes. Cette activité s'inscrit dans le cadre du programme pour la prévention de la violence conjugale dans les camps de réfugiés palestiniens (Pavaw), financé par le Bureau de coopération de l'ambassade d'Italie au Liban, en référence aux « Gender Guidelines » de la Déclaration du millénaire des Nations unies dans sa lutte «contre toutes les formes de violence envers les femmes et pour l'application de la Convention pour l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes ». La performance coïncide également avec la «Quinzaine pour en finir avec la violence contre les femmes» qui se déroule jusqu'au 10 décembre (http://www.un.org/womenwatch/daw/news/vawd.html)
En s'attaquant à un tel sujet, il est facile de tomber dans le militantisme, d'oublier le théâtre, de marteler un slogan comme on martèle un visage, en perdant de vue pourquoi... Histoire de Rahil évite ce travers. Le texte reste poignant, sans jugement. Le ton est toujours juste. Les voix des femmes, opératrices sociales ou témoins qui côtoient de trop près ces drames, dressent un triste constat. Elles n'ordonnent aucun remède contre cette véritable maladie sociale. Cette histoire, comme tant d'autres, est un diagnostic, une aide à la prise de conscience, un «spot light» sur ce combat que doivent mener tant d'épouses ou de filles, sans que cette guerre-là fasse la une des médias.
Histoire de Rahil n'est pas une pièce au sens traditionnel : l'action est dispersée, l'écriture plus épidermique que précise. Mais l'on sort du spectacle remué. Nous sommes là en face d'un cri, d'une déchirure, d'une blessure qui ne touche pas seulement le corps.
Ce spectacle est un choc, un appel à la conscience, un long cri de révolte qui bouleverse jusqu'aux larmes. Ici, il s'agit de mener de front l'autre Guerre, de renouer avec la parole salvatrice ; car il faut «dire l'innommable», l'horreur quotidienne et intégrée de la violence conjugale, dont on ne sait jamais vraiment où elle commence. Malheureusement, ce sujet n'a rien de spécifique aux camps palestiniens. Par sa triste universalité, il touche chacun et chacune de nous, sans appartenance sociale ou nationale. Partout, la femme est la proie de l'homme. Il n'est jamais trop tard pour réagir, semble crier Rahil dont l'histoire, bien que poignante, reste cependant porteuse d'espoir.
commentaires (0)
Commenter