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Culture - Spectacle

Le théâtre pour briser le mur de silence et d’indifférence

La violence - autant physique que morale - faite aux femmes. Pour s'emparer d'un sujet si intense, si prégnant, la compagnie italienne Deposito Dei Segni, en collaboration avec plusieurs ONG locales, a choisi le théâtre pour raconter l'indicible, le poignant.

Les opératrices sociales devenues actrices lors des répétitions.

Une femme battue. Comment le dire, comment dire l'horreur? Une fille ambitieuse à laquelle on refuse, catégoriquement, le droit à l'éducation «parce que les filles doivent se marier, enfanter, s'occuper de leur foyer. Les garçons uniquement ont le droit d'aller à l'école et de mener une carrière». Cette femme, cet être nié, bafoué, renvoyé au néant, comment peut-elle continuer à vivre, comment peut-elle se reconstruire? C'est ce que nous montre, sans concession, l'histoire de Rahil, présentée au théâtre Babel, Hamra, avant d'entamer une tournée à Tripoli et à Saïda... Douze actrices, dans un décor dépouillé à l'extrême, racontent l'engrenage du quotidien. Celui qui mène aux gifles, aux baffes, aux gnons. Celui qui est appelé à devenir plus violent. Celui qui se perpétue, se transmet de génération en génération. Qui devient partie intégrante de l'éducation silencieuse. Les artistes Cam Lecce et Joerg Gruenert, de la compagnie italienne Deposito Dei Segni, ont monté cette pièce de théâtre dans le cadre d'un workshop intitulé Iphigénie, Glaucé et les autres et selon les préceptes du Théâtre de l'Opprimé. En suivant donc un système d'exercices physiques, de jeux esthétiques, de techniques d'images et d'improvisations spéciales, en faisant de l'activité théâtrale un outil efficace pour la compréhension et la recherche de solutions à des problèmes sociaux et personnels.
Avec ce spectacle, ils ont voulu faire un tour d'horizon des violences faites aux femmes. Pour écrire toutes ces souffrances qui n'ont pas de mots, le couple d'artistes a emprunté les mots des femmes violentées. Histoire de Rahil est en effet issue d'une collecte de témoignages avec des femmes battues (les questionnaires ayant été établis par les sociologues Roberta Pellegrino et Mona Abboud). À signaler que cette pièce boucle une cession d'entraînement avec des opérateurs sociaux œuvrant pour prévenir et combattre la violence contre les femmes, et réduire l'inégalité sexuelle dans les camps palestiniens et au sein des communautés libanaises et palestiniennes. Cette activité s'inscrit dans le cadre du programme pour la prévention de la violence conjugale dans les camps de réfugiés palestiniens (Pavaw), financé par le Bureau de coopération de l'ambassade d'Italie au Liban, en référence aux « Gender Guidelines » de la Déclaration du millénaire des Nations unies dans sa lutte «contre toutes les formes de violence envers les femmes et pour l'application de la Convention pour l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes ». La performance coïncide également avec la «Quinzaine pour en finir avec la violence contre les femmes» qui se déroule jusqu'au 10 décembre (http://www.un.org/womenwatch/daw/news/vawd.html)
En s'attaquant à un tel sujet, il est facile de tomber dans le militantisme, d'oublier le théâtre, de marteler un slogan comme on martèle un visage, en perdant de vue pourquoi... Histoire de Rahil évite ce travers. Le texte reste poignant, sans jugement. Le ton est toujours juste. Les voix des femmes, opératrices sociales ou témoins qui côtoient de trop près ces drames, dressent un triste constat. Elles n'ordonnent aucun remède contre cette véritable maladie sociale. Cette histoire, comme tant d'autres, est un diagnostic, une aide à la prise de conscience, un «spot light» sur ce combat que doivent mener tant d'épouses ou de filles, sans que cette guerre-là fasse la une des médias.
Histoire de Rahil n'est pas une pièce au sens traditionnel : l'action est dispersée, l'écriture plus épidermique que précise. Mais l'on sort du spectacle remué. Nous sommes là en face d'un cri, d'une déchirure, d'une blessure qui ne touche pas seulement le corps.
Ce spectacle est un choc, un appel à la conscience, un long cri de révolte qui bouleverse jusqu'aux larmes. Ici, il s'agit de mener de front l'autre Guerre, de renouer avec la parole salvatrice ; car il faut «dire l'innommable», l'horreur quotidienne et intégrée de la violence conjugale, dont on ne sait jamais vraiment où elle commence. Malheureusement, ce sujet n'a rien de spécifique aux camps palestiniens. Par sa triste universalité, il touche chacun et chacune de nous, sans appartenance sociale ou nationale. Partout, la femme est la proie de l'homme. Il n'est jamais trop tard pour réagir, semble crier Rahil dont l'histoire, bien que poignante, reste cependant porteuse d'espoir.
Une femme battue. Comment le dire, comment dire l'horreur? Une fille ambitieuse à laquelle on refuse, catégoriquement, le droit à l'éducation «parce que les filles doivent se marier, enfanter, s'occuper de leur foyer. Les garçons uniquement ont le droit d'aller à l'école et de mener une carrière». Cette femme, cet...

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