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Culture - Salon du livre - Rencontre

Pour Le Clezio, « l’essence de la littérature est la subversion »…

Depuis son premier roman, « Le procès verbal » (prix Renaudot 1963), jusqu'en 2008 où il obtient le prix Nobel de littérature, Jean-Marie Gustave Le Clezio est activement dans l'espace de l'écriture. À Beyrouth pour le Salon du livre, rencontre pour une discussion à bâtons rompus avec un écrivain qui n'en est guère à son premier voyage au pays du Cèdre, dont il apprécie le dynamisme...

Les cheveux châtains, raides et lisses, coupés court et nets, les traits réguliers et sereins, la voix légèrement grave et basse, J.-M.G. Le Clezio a l'imposante stature athlétique taillée à la viking d'un séduisant Dolph Lundgren...
La littérature est depuis toujours dans la famille. Tout remonte bien entendu à l'enfance où son père et son grand-père, notables en quête de loisirs à l'île Maurice, avaient une bibliothèque fournie.
 Le goût prononcé de lire devance celui d'écrire pour l'enfant qui découvre, ébloui, la force et la puissance des mots à travers un ouvrage (traduit) de Lazario de Tornès...
Et quand arrive le prix Renaudot en 1963 pour son premier roman Le procès verbal, J.-M.G. Le Clezio était un peu indifférent car, dit-il, « connu déjà des éditeurs pour le manuscrit (traduit d'office en plusieurs langues, dont le japonais) et retenu par le prix Formentor, la consécration permettait surtout des moyens de vie différente, plus aisée... ».
«C'est ainsi que j'ai pu m'acheter une voiture », confesse en toute simplicité l'auteur de Terra Amata et Onitsha. Je n'ai pas toujours eu que des hauts, car c'est difficile de vivre de sa plume...J'ai dû parfois faire plusieurs jobs, dont celui de guide touristique et je me suis expatrié aux États-Unis parce qu'on m'offrait du travail. J'ai enseigné la littérature et l'histoire de la peinture. Oui, je peins aussi...Qu'on ait comparé mon premier livre à  L'étranger de Camus ? Cela est très flatteur pour moi, car c'est le meilleur livre de Camus. Et puis, ce point commun me faisait sentir brusquement très méditerranéen. Je comprenais mieux Camus dans son ambiguïté dans la guerre d'Algérie... »

La littérature, une expression universelle
Des explorations formelles du Nouveau roman à l'onirisme, en passant par les mythes, les voyages et les détails autobiographiques, l'œuvre de ce romancier prolifique (à son actif plus de 40 opus) est plébiscitée par un très large public. Sans compter qu'il est détenteur de plus de dix prix européens (Valery Larbaud, Paul Morand, Jean Giono) des plus prestigieux. Donc ce n'est pas pour rien que le magazine Lire l'a proclamé plus grand écrivain francophone vivant.
Du roman à l'essai, en passant par les nouvelles, les contes et les livres pour la jeunesse, l'œuvre de Le Clezio se distingue par ses thèmes certes originaux et sortant des chemins battus (l'attachement aux Amérindiens, les préoccupations écologistes, la défense d'un environnement sans pollution, la dénonciation de la société urbaine et sa brutalité), mais aussi par la qualité, la beauté, la souplesse, la libération et la spécificité de l'écriture.
Écriture que l'auteur du Chercheur d'or qualifie de «fantaisiste » avec le sourire car, déclare-t-il: «Je ne me sens relié à aucune école littéraire. C'est une manière d'écrire sans vouloir céder aux impulsions du modernisme que je qualifie de byzantines... J'aime le roman new-yorkais (Salinger, entre autres) et son humour qui manque un peu au Nouveau roman... Je suis intéressé par des gens très différents, tel Juan Rulfo. Tenez, par exemple, la poésie de Mahmoud Darwiche m'enthousiasme. C'est une poésie à déclamer. Les mots sont forts pour parler de la douleur palestinienne. J'aime aussi l'ironie d'un Émile Habibi.» Quelle serait la définition de la littérature? «Je ne sais pas s'il y a une définition. Sans nul doute la littérature est une expression universelle, surtout grâce à la traduction (les livres de Le Clezio sont traduits en plusieurs langues). Un jeune ami me disait hier qu'en arabe, littérature c'est "adab". Il y a là une valeur morale, collective. En Europe, la littérature oublie d'offrir un aliment pour l'esprit, c'est du "byzantisme"... En France, on joue sur les mots, on s'extasie sur des inventions, des jeux, des nouveautés de chapelles... C'est une littérature très académique. Encore un autre ami, lors de notre périple à Tripoli, me disait que l'essence de la littérature est subversive. Je suis parfaitement d'accord. »
De tous ses écrits, et ils sont nombreux, où se sent-il le plus à l'aise ? La réponse fuse sans attendre : « J'aime bien le roman, c'est une dimension dans laquelle je ne me sens pas à l'étroit. Il y a une grande liberté dans le roman... Et le livre que j'aime le plus parmi ceux que j'ai écrits ? Peut-être le dernier que j'écris : c'est une journée comme chez Joyce (ou l'Ivan Denissovitch de Soljenitsyne). C'est une journée («journey» en plongeant au coeur de l'ancien anglais) au sens de la mémoire. Non, pas de titre pour l'instant...»
Depuis son premier roman, « Le procès verbal » (prix Renaudot 1963), jusqu'en 2008 où il obtient le prix Nobel de littérature, Jean-Marie Gustave Le Clezio est activement dans l'espace de l'écriture. À Beyrouth pour le Salon du livre, rencontre pour une discussion à bâtons rompus avec un écrivain qui n'en est...

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