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Culture - Projection

« Proust lu – 89 heures », ou la pendule de la mémoire

Suspendre le temps, le mémoriser, le capter et tenter de le fixer afin qu'il ne soit plus fugace ni éphémère, mais qu'il témoigne du passage des êtres, des objets et des lieux.
Voilà ce que Véronique Aubouy a tenté de faire dans Proust lu - 89 heures. Aujourd'hui, au Salon du livre, la cinéaste présente son œuvre. Comme des tranches de vie.
Depuis 1993, elle parcourt la planète. De Suisse au Mexique, en passant par la Hongrie, l'Espagne, l'Italie, Véronique Aubouy fait lire À la recherche du temps perdu devant sa caméra par des personnes venues de tous horizons. Invitée en septembre dernier par la Mission culturelle française dans le cadre de « Beyrouth, capitale mondiale du livre », la cinéaste est venue filmer au Liban trente-cinq lecteurs libanais dans différents endroits. On pourrait voir ces trois heures de film au stand de la Mission culturelle française qui viennent s'ajouter à l'intégralité des 89 heures de Proust.
Dans cette petite pièce intimiste, aménagée par la cinéaste elle-même, où l'on est obligé de s'incliner respectueusement pour entrer, comme dans un espace sacré (la lecture n'est-elle pas ce lieu qui exige silence et intériorisation ?), Véronique Aubouy se raconte : « C'est un projet de vie, une œuvre autobiographique. » En effet, cela fait plus de quinze ans que Proust côtoie son quotidien. Parallèlement à sa vie familiale et à ses autres activités, Aubouy emporte l'esprit de Proust dans ses pérégrinations, même s'il lui arrive parfois de poser la caméra. « Ce roman m'a tellement passionnée que je l'ai lu et relu, et je me demandais quel film pourrait illustrer cette recherche du temps perdu. Comme le narrateur proustien n'a pas de visage mais est représenté par un "je", j'ai décidé que ce "je" pouvait être vous, moi et tous les autres. »

Une réalité changeante
C'est parce que Proust s'adresse au lecteur et souhaite qu'il se retrouve dans son œuvre que la cinéaste a voulu illustrer cette multiplicité de personnages ainsi que le monde en mouvement. À l'instar de l'écriture de Proust, Aubouy essaye de saisir la réalité à travers ces lieux changeants. Les intervenants seraient ainsi, par leur diversité, toutes les facettes d'un prisme renvoyant toutes les perceptions et les
dimensions.
À Batroun, sur le port de Tyr, à Saifi Village, à Saïda, à Gemmayzé ; dans une pâtisserie à Tripoli ou sous un cèdre enveloppé par la brume, ou encore à l'hôtel Palmyre où l'on voit se profiler des ombres comme sortant du passé ; dans les rues, près de la mer, près des monuments, dans des appartements, des jardins, sur des toits... autant d'imprévus et de hasards dans ces plans séquences qui produisent un « télescopage entre l'écrit et l'oral ». S'achevant par un simple regard du lecteur braqué sur la caméra, ces instants magiques mêlent le réel du présent à l'illusion du passé.
Mais comment a commencé cette formidable aventure qui, selon Aubouy, était la plus marquante de tous les tournages car « les Libanais sont généreux », avoue-t-elle. « J'ai mis des annonces dans les centres culturels, poursuit-elle, et j'ai reçu beaucoup de réponses. Chaque lecteur était libre de choisir le lieu qu'il voulait, mais il se devait de préparer préalablement son texte (environ deux pages). Pour ma part, j'ai repris, au Liban, à la page où je m'étais arrêtée dans un autre pays. Là, c'était Sodome et Gomorrhe. »
En réanimant l'œuvre de Proust, Véronique Aubouy lui redonne une autre vie, mais en fait également un témoignage du temps. « Un jour, dit-elle, en revoyant le film, on pourra préciser l'époque de son tournage grâce aux coiffures, aux vêtements, au style de vie ainsi qu'aux lieux qui auront soit disparu, soit évolué. Cette œuvre filmée est donc une marque du temps. Un temps qui passe, qui perdure, qui se perd, mais qui est finalement retrouvé. »
Ce film accompagnera le Salon jusqu'au 1er novembre.
Voilà ce que Véronique Aubouy a tenté de faire dans Proust lu - 89 heures. Aujourd'hui, au Salon du livre, la cinéaste présente son œuvre. Comme des tranches de vie.Depuis 1993, elle parcourt la planète. De Suisse au Mexique, en passant par la Hongrie, l'Espagne, l'Italie, Véronique Aubouy fait lire À la recherche du temps...

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