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Lifestyle - Insolite

Arracher ses dents de devant, le comble du chic pour les métis du Cap

Le phénomène, surtout répandu dans les quartiers défavorisés d'Afrique du Sud, est un mélange de souci esthétique et de revendication identitaire.
Grâce à ses dents en or qui scintillent dans le soleil sud-africain, Yazeed Adams a un sourire éblouissant. Mais le jeune homme est tout aussi fier de retirer son dentier pour révéler une gencive dépourvue des incisives du haut, un « trou » en vogue chez les métis du Cap (Sud-Ouest). Autour de lui, un groupe d'adolescents vêtus de larges sweaters et d'imposantes lunettes noires enlèvent à leur tour leurs prothèses pour lancer des sourires édentés en prenant des poses de gangsters. « C'est à la mode, tout le monde le
fait », assure Yazeed, 21 ans, en expliquant avoir fait retirer ses incisives parce qu'elles étaient « trop grandes ».
La pratique est tellement fréquente dans la communauté métisse qu'elle a donné lieu à plusieurs explications fantaisistes. La plus courante assure que l'espace vise à agrémenter les jeux sexuels, ce qui lui vaut le surnom de « trou de la passion ». En fait, le phénomène, surtout répandu dans les quartiers défavorisés, est un mélange de souci esthétique et de revendication identitaire, selon une étude menée en 2003 par Jacqui Friedling de l'Université du Cap.
Les métis sud-africains, baptisé « Coloureds », ont du sang européen, africain, mais aussi asiatique ou indien. Sous l'apartheid, ils constituaient une catégorie à part, dotés de droits spécifiques, entre les Noirs et les Blancs. « Les métis sont un mélange de personnes différentes, ils ne peuvent pas revendiquer leurs ancêtres », note la chercheuse. C'est pourquoi, ils ont développé des « marques identitaires », comme l'arrachage des dents souvent vécu comme un rite initiatique par les adolescents.
Plus de 40 % des « édentés volontaires » interrogés dans son étude ont ainsi expliqué avoir cédé à une certaine pression sociale. Pour d'autres, environ 10 %, la pratique s'inscrit dans les rites des gangs des « Cape Flats », les townships pauvres principalement peuplés de Coloureds à l'extérieur du Cap.
« Quand il y a des combats entre gangs, ils disent qu'arracher les dents des autres, c'est un peu comme leur voler leur fortune », explique Jacqui Friedling, en notant que les styles des dentiers servent ensuite de marque d'affiliation à un groupe. Le phénomène remonte à plus de 60 ans, note-t-elle. « C'était déjà à la mode à l'époque de mes parents. Ça évolue par vague ». Et aujourd'hui, c'est à nouveau « la chose "in" par excellence. »
Bien que les règles éthiques des dentistes leur interdisent d'arracher des dents saines, il y a bien une résurgence du phénomène, confirme le Dr Rob Barry de la faculté dentaire du Cap. « Je reçois presque chaque semaine des adolescents qui demandent que je leur retire des dents », dit-il, en ajoutant avoir réalisé des milliers de fausses dents pour des gens ayant besoin d'avoir un sourire respectable au travail. Les dentiers sont devenus en eux-mêmes des accessoires de mode. « Si je sors avec mes amis, je mettrai un dentier avec un peu d'or ou des pierres précieuses ou d'autres dessins, raconte Jacqui Friedling. Il y a cette idée que si on arrive à s'offrir un dentier, on a grimpé l'échelle sociale. »
Mais modifier son sourire n'est pas sans risque. Ronald de Villiers, 45 ans, en sait quelque chose. Il a perdu toutes ses dents après en avoir fait retirer quelques-unes pour un dentier en or, qui a infecté toute sa bouche. Malgré tout, il a versé un petit extra en cash à un dentiste peu regardant afin d'offrir à ses enfants, âgés de 11 et 14 ans, l'arrachage de quelques dents. Comme ça, dit-il, ils sont « un peu plus jolis ».
Grâce à ses dents en or qui scintillent dans le soleil sud-africain, Yazeed Adams a un sourire éblouissant. Mais le jeune homme est tout aussi fier de retirer son dentier pour révéler une gencive dépourvue des incisives du haut, un « trou » en vogue chez les métis du Cap (Sud-Ouest). Autour de lui, un groupe d'adolescents...

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