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Liban - 24 heures avec...les secouristes de la Croix-Rouge

Les bénévoles de l’urgence toujours à l’heure

Les secouristes de la Croix-Rouge parcourent les routes du Liban pour apporter des premiers soins aux victimes de l'insécurité routière et d'autres accidents. Leur travail bénévole constitue le premier service d'urgence dans un pays dont le gouvernement doit encore compter sur l'humanitaire pour répondre à ces nécessités quotidiennes.
Huit heures du matin, route de l'aéroport dans la banlieue sud de Beyrouth. Une petite foule s'est amassée au bord d'un trottoir. Au centre, un homme d'une vingtaine d'années est assis sur une brique, l'air hagard et le visage égratigné. Un jeune garçon est debout derrière lui et lui soutient la tête. À côté du groupe, une mobylette renversée, en partie détruite, témoigne de l'accident qui vient de se produire : le deux-roues du jeune homme a été heurté par une voiture, qui l'a propulsé quelques mètres en avant. C'est l'heure de pointe, les témoins sont nombreux et plusieurs d'entre eux ont téléphoné pour faire venir une ambulance.
C'est justement une sirène qu'on entend se rapprocher, petit à petit. Il aura fallu un peu moins de dix minutes à la Croix-Rouge libanaise pour arriver sur les lieux. Cinq personnes ont appelé le 140 ou un autre numéro d'urgence pour signaler l'accident, et tous ces appels ont été redirigés vers la centrale de la Croix-Rouge située à Hazmieh, qui a ensuite contacté le poste de secours de Mreijeh, dans le quartier où a eu lieu l'accident. Quelques secondes plus tard, trois secouristes bénévoles, reconnaissables à leur large costume orange marqué de la célèbre croix rouge dans un disque blanc, se mettaient en route pour apporter les premiers soins au blessé et le transporter à l'hôpital.
C'est Zorro, âgé de 22 ans, qui dirige l'équipe. Ce n'est pas son vrai nom, bien sûr : tous les secouristes de l'association ont un pseudo qui facilite les contacts radio, et surtout marque l'entrée dans la grande « famille » de la Croix-Rouge. Zorro est accompagné de Socrate et de Firas ; ce dernier, qui a suivi une formation spéciale pour pouvoir conduire l'ambulance, se charge également de sécuriser la zone de l'accident en éloignant les curieux et en empêchant les voitures de rouler trop près des blessés.

Un soutien physique et psychologique
Pendant ce temps, Zorro s'approche du blessé et se présente. Il explique qu'il appartient à la Croix-Rouge et qu'il est là pour aider le jeune homme : c'est un détail qui peut paraître superficiel, mais qui permet de rassurer la victime de l'accident en lui annonçant qu'elle est désormais en de bonnes mains et qu'elle peut donc avoir confiance. Il lui demande ensuite son nom, toujours pour le mettre à l'aise mais également pour pouvoir communiquer plus facilement - et surtout pour évaluer son degré de lucidité après l'accident. Cette façon de procéder est enseignée à tous les secouristes de la Croix-Rouge pendant leur période de formation.
Ensuite, Zorro palpe le corps de la victime, de haut en bas, pour localiser les éventuelles blessures. C'est le torse du jeune homme qui semble être plus en mauvais état que le reste : il crie de douleur lorsque le secouriste passe ses mains sur sa poitrine et sur son dos. Par chance, il ne saigne pas et n'a pas perdu connaissance. Aidé de son coéquipier Socrate, Zorro transporte le blessé sur un brancard en suivant une technique qui permet de le secouer le moins possible. Le brancard est ensuite posé sur un chariot qu'ils font rouler jusqu'à l'ambulance, et dont les roues se rétractent automatiquement en butant sur le rebord du véhicule, pour y pénétrer facilement.
Zorro, en sa qualité de chef d'équipe, devrait normalement prendre place à côté du conducteur, mais il décide de s'installer à l'arrière en raison de la gravité du cas. Le brancard sur lequel est allongée la victime occupe les trois quarts de l'espace. Derrière lui, une armoire médicale contient le matériel d'urgence qui permet d'offrir les premiers soins aux blessés sur les sites des accidents et de les maintenir en vie jusqu'à leur arrivée à l'hôpital. De l'autre côté se trouve un banc sur lequel prend place Zorro, ainsi que la conductrice de la voiture qui a renversé la mobylette. Elle n'est pas blessée et ne connaît pas la victime, mais elle a été priée de l'accompagner à l'hôpital pour faciliter l'enquête policière qui déterminera les responsabilités de chacun dans l'accident.
Le secouriste tient la main du blessé et lui parle pendant toute la durée du trajet jusqu'à l'hôpital. « Il ne faut surtout pas qu'il s'endorme, explique-t-il. Sinon, je ne pourrai pas savoir s'il est conscient ou non. Je l'incite donc à me parler sans arrêt et à garder les yeux ouverts. » Il lui pose des questions sur son âge, sa famille, sa vie sociale et prend des notes sur un calepin pour pouvoir archiver ces renseignements une fois de retour au centre. Dans d'autres cas, si la victime était incapable de suivre une conversation ou de rester complètement éveillée, il lui demanderait régulièrement d'exercer une pression sur sa main pour vérifier qu'il n'a pas perdu connaissance.

D'une mission à l'autre
De l'oxygène est également à disposition s'il s'avère nécessaire d'aider la victime à respirer. Les secouristes sont également prêts à exercer une réanimation cardiaque en cas de besoin. « Il nous arrive de secourir des personnes en très, très mauvais état, raconte Zorro. Parfois, sur le chemin de l'hôpital, je me rends compte que la personne est décédée, mais je suis obligé de continuer à tenter de la réanimer, car je n'ai pas l'autorité d'un médecin pour déclarer un décès. »
Avec l'aide de la sirène, l'ambulance traverse tant bien que mal les embouteillages. La plupart des automobilistes s'écartent volontiers pour la laisser passer. Arrivés à l'hôpital le plus proche, les secouristes sortent le blessé du véhicule et le confient aux médecins du service des urgences. La victime devient alors un patient, et le travail de Zorro et de ses coéquipiers s'achève.
« On est un peu frustrés, parfois, de ne pas savoir ce que vont devenir ces gens », dit le jeune secouriste. « Mais on ressent quand même une grande satisfaction personnelle à avoir fait tout ce qu'on a pu pour les aider, ajoute Socrate. On se dit que sans nous, ils seraient peut-être morts. » Les missions confiées à ces bénévoles peuvent aller du simple transport de patients entre deux hôpitaux à l'intervention sur de graves accidents de la route. Ce matin-là, Zorro, Socrate et Firas sont aussi intervenus pour emmener à l'hôpital une enfant de 9 ans renversée par une moto, et pour secourir un homme tombé du haut d'un pont en construction. Se côtoyer dans des moments de pression intense crée une grande complicité entre les secouristes, qui disent faire partie d'une même grande famille. Ils s'entraident, ils se disputent et ils savent qu'ils peuvent compter l'un sur l'autre dans les moments difficiles.
Et ils ont leur maison commune : à Mreijeh, le poste de secours est un grand appartement convivial dans lequel la plupart d'entre eux passent souvent plus de temps qu'à leur domicile. Une grande salle de séjour, avec des fauteuils, des tables et un grand téléviseur, leur permet de se reposer et de se divertir ensemble lorsqu'ils attendent une mission - une cuisine est également à leur disposition pour la préparation des repas. Trois chambres à coucher sont équipées de lits superposés où les secouristes peuvent dormir lorsqu'ils n'ont pas le temps de rentrer chez eux. Sur un panneau d'affichage, un tableau d'inscription les invite aux prochaines activités sportives ou culturelles organisées par le centre. « On fait toujours tout ce qu'il faut pour maintenir l'esprit de fraternité entre nous, dit Zorro. C'est important pour que les équipes soient soudées et puissent travailler efficacement avec beaucoup de pression. »

« On a choisi cette bataille »
Le centre de secours comprend un poste d'alerte, en liaison par téléphone et par radio avec le centre d'opération, qui envoie les ordres de mission. Les secouristes de service sont toujours en alerte, prêts à descendre en courant vers l'une de leurs six ambulances garées au pied du bâtiment. Une petite infirmerie permet également de recevoir, quelques heures par jour, des patients qui ont besoin d'un service de base, comme le changement d'un pansement ou une vérification de la tension artérielle. En général, cinq ou six bénévoles sont présents pendant la journée. Ils sont bénévoles, mais reçoivent une petite compensation financière pour avoir sacrifié une journée de travail. Les effectifs sont plus élevés à partir de la fin de l'après-midi, et pendant toute la soirée et toute la nuit. C'est à ce moment-là que les volontaires ont le plus de temps libre : la Croix-Rouge n'a pas les moyens financiers de leur verser un salaire, mais ils se disent tous heureux de pouvoir être là.
« On n'est pas des anges, explique Zorro. On n'abandonne pas nos métiers ou nos études pour devenir secouristes. C'est juste quelque chose qu'on fait en parallèle, pour secourir ceux qu'on peut aider. À chacun sa bataille pour sauver le monde et à chacun sa façon de la mener. Il y a les écrivains, les hommes politiques, les médecins, les profs, les architectes... Nous, on a choisi le secourisme. »
Avec plus de 6 000 bénévoles, hommes et femmes, la Croix-Rouge libanaise constitue aujourd'hui, de loin, le principal service d'urgences médicales libanais et ses activités de soutien à la société en font également la plus grande organisation humanitaire du pays.
Huit heures du matin, route de l'aéroport dans la banlieue sud de Beyrouth. Une petite foule s'est amassée au bord d'un trottoir. Au centre, un homme d'une vingtaine d'années est assis sur une brique, l'air hagard et le visage égratigné. Un jeune garçon est debout derrière lui et lui soutient la tête. À côté du...

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