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Sécurité routière : la loi de la jungle

Sécurité routière : la loi de la jungle

Les routes libanaises s'apparentent davantage à un jeu vidéo en taille réelle qu'à un système auquel les automobilistes peuvent faire confiance. Mauvais état des routes et non-respect des règles : les autorités publiques et les usagers de la route se renvoient la responsabilité.

Il y a des façons de mourir plus absurdes que d'autres. Mourir au bord d'une autoroute, dans une odeur de pneus brûlés, ou finir ses jours dans le coma après un accident, ce sont des choses qu'il est possible d'éviter très facilement. Il suffit de s'imposer une discipline simple au volant : ne pas boire avant de conduire, ne pas rouler trop vite et respecter les quelques règles faciles à apprendre du code de la route. On évite ainsi de mettre en danger sa vie comme celles des autres automobilistes et des piétons. Les chiffres parlent d'eux-mêmes : au Liban, tous les mois, plus de 30 personnes en moyenne meurent dans un accident de la route. Le mois dernier, selon le ministère de l'Intérieur, ce chiffre s'est élevé à 54 décès, contre 41 l'année dernière à la même période... Et on ne parle que des victimes mortes immédiatement dans l'accident, pas de celles qui ont succombé à leurs blessures. Toujours en juillet, plus de 500 personnes ont été blessées dans les 289 accidents recensés par les autorités publiques. Le mois d'août ne s'annonce pas plus clément : déjà, la semaine dernière, plus de 10 personnes sont mortes et une centaine ont été blessées.
En 1997, un rapport publié par l'Institute of Transportation Engineers (ITE) recensait tous les facteurs qui faisaient des routes libanaises un espace d'insécurité permanent. Aujourd'hui, douze ans plus tard, les experts s'accordent pour dire que la situation n'a pas changé. Pire, avec l'accroissement du nombre de voitures en circulation, le manque d'entretien de certaines infrastructures et l'impunité totale dont bénéficient les automobilistes coupables d'infraction, les accidents sont de plus en plus nombreux et de plus en plus mortels.

Le flou des responsabilités
Selon les statistiques, l'erreur humaine reste la première cause des accidents. Le comportement des conducteurs de voitures et de motos sur la voie publique est loin de correspondre aux exigences de sécurité. Ainsi, la plupart des autos roulent beaucoup trop vite dans les agglomérations. Les limitations de vitesse sont certes rarement indiquées, mais le bon sens impose de ne pas rouler trop vite dans des zones fréquentées par de nombreux piétons, ainsi que sur des axes où le trafic est plus dense qu'ailleurs. Par ailleurs, les véhicules sont souvent mal entretenus et leurs propriétaires hésitent rarement à les utiliser après un verre de trop. De nombreuses autres infractions peuvent également être à l'origine des accidents. Ne pas respecter la priorité des autres véhicules ou celle des piétons, doubler une voiture alors que la visibilité est réduite, rouler trop près des autres voitures, ne pas respecter la file ou ne pas utiliser ses clignotants : autant de comportements dangereux qui font du réseau routier une véritable jungle.
Interrogés sur leur façon de conduire peu conventionnelle, certains automobilistes préfèrent se défaire de toute responsabilité. « Je voudrais bien respecter la loi, mais les autres ne le font pas non plus, donc ça ne servirait à rien, explique l'un d'entre eux. C'est chacun pour soi. En plus, les accidents sont surtout dus au mauvais état des routes. » Les autorités tentent actuellement d'améliorer la réglementation et son application (voir ci-contre). Cependant, le mauvais état et la mauvaise organisation des infrastructures routières sont un problème plus difficile à résoudre, car il nécessite plus de temps, plus d'organisation et surtout plus d'argent.

Dangers en série
Quiconque a déjà conduit une voiture au Liban se souvient des trous qui apparaissent soudainement sur la chaussée, des voies rapides qu'il faut traverser en faisant un demi-tour d'une direction à l'autre, des carrefours à la circulation chaotique ou encore des zones de travaux qu'il faut traverser dans la boue en risquant de renverser les ouvriers. D'autres problèmes sont moins apparents mais tout aussi dangereux. Par exemple, l'asphalte utilisé sur les chaussées n'est pas d'assez bonne qualité pour permettre aux roues de ne pas glisser en temps de pluie. La façon même dont les routes sont tracées constitue souvent un danger. Les voies ne sont pas régulièrement alignées et changent parfois de direction en obligeant le véhicule à déborder sur les autres voies ; les transitions entre des routes droites et des virages sont souvent trop brutales et constituent un risque de déstabilisation du conducteur. Par ailleurs, les experts de la sécurité routière dénoncent l'absence d'une institution ou d'une société qualifiée et dédiée exclusivement à la maintenance des infrastructures.
Cependant, et malgré les protestations d'innocence des automobilistes, les statistiques officielles les plus récentes montrent que 88 % des accidents sont liés à une erreur humaine. Le manque d'entretien des véhicules occupe une bonne place dans le classement, mais ce sont surtout les infractions graves au code de la route, comme la conduite en état d'ivresse ou le non-respect des limitations de vitesse, qui sont à l'origine des accidents mortels. Les problèmes sont nombreux et difficiles à résoudre, mais ils sont faciles à identifier. Il reste aux automobilistes comme aux autorités de s'y attaquer étape par étape, pour que le massacre s'arrête. Et justement, il n'est pas difficile de s'arrêter à un feu rouge.
Il y a des façons de mourir plus absurdes que d'autres. Mourir au bord d'une autoroute, dans une odeur de pneus brûlés, ou finir ses jours dans le coma après un accident, ce sont des choses qu'il est possible d'éviter très facilement. Il suffit de s'imposer une discipline simple au volant : ne pas boire avant de conduire, ne pas rouler trop...