Yahoo!, un pionnier de l'Internet qui se revendique encore comme « le leader des médias en ligne » avec ses multiples sites et services d'informations, espère tirer 500 millions de dollars de recettes nouvelles de cette alliance, à partir du moment où elle atteindra sa vitesse de croisière, vers 2012.
Yahoo! ajoute que ce mariage, déjà baptisé « Micro-hoo » par les médias, lui évitera 200 millions de dollars de dépenses d'investissement.
Mais le portail, un an après avoir refusé une offre de rachat de Microsoft de 47,5 milliards de dollars, semblait avoir du mal à convaincre les marchés que le partage des recettes projeté lui était plus favorable que le versement immédiat de sommes sonnantes et trébuchantes.
« Un gros paiement au comptant ne nous aiderait pas vraiment », a tenté de faire valoir la directrice générale Carol Bartz lors d'une téléconférence. Au contraire, « nous voulions un flux de revenus pour pouvoir investir », sans céder purement et simplement une activité-clé, a-t-elle expliqué.
Le partenariat prévoit que Microsoft - qui a lancé en juin un nouveau moteur de recherches sur Internet (Bing), salué par les spécialistes - fournira la technologie pour les recherches sur tous les sites des deux groupes.
Les internautes surfant sur Yahoo! verront une indication en bas de page : « Recherche réalisée par Bing. »
Yahoo! en revanche fournira la force de vente d'espaces publicitaires associés à la recherche, mais là encore en utilisant la technologie de régie publicitaire Microsoft.
Les deux groupes garderont une totale autonomie pour toutes leurs autres activités (sites d'informations, messageries, encarts publicitaires traditionnels...)
Yahoo!, qui a déjà taillé dans ses effectifs trois fois en un an, a concédé qu'il y aurait des déperditions d'emplois, sans les chiffrer.
Pour l'heure, l'urgence est de convaincre les autorités de la concurrence et les deux groupes prévoient de plaider leur cause dès la semaine prochaine à Washington, pour boucler l'opération « début 2010 ».
« Il y a de solides arguments pour faire valoir que (ce partenariat) renforce la concurrence », a assuré le PDG Steve Ballmer, animé d'une passion légendaire dans sa lutte contre Google.
Google monopolisait en mai 68,6 % du marché des recherches sur Internet dans le monde, selon l'institut américain ComScore, devant Yahoo! (9 %) et le Chinois Baidu (8,7 %). Même après le lancement de Bing, Google détenait 65 % du marché américain en juin, contre 19,6 % pour Yahoo! et 8,4 % pour Microsoft.
Chez Forrester, cabinet de marketing, l'analyste Rebecca Jennings saluait l'avènement d'un numéro deux « plus crédible », estimant que le partenariat offrirait aux annonceurs « une alternative importante et crédible, ou en tous cas une motivation supplémentaire pour essayer autre chose que Google ».
D'autant que, d'après l'analyste indépendant Rob Enderle, Google avec sa position dominante s'est déjà fait de nombreux ennemis. « Beaucoup préféreraient ne pas avoir affaire avec eux », note-t-il.
Mais outre la « complexité » de l'accord, qui pourrait tourner au « cauchemar » selon l'ex-analyste financier Henry Blodget, plusieurs experts s'inquiétaient des différences de culture entre les deux groupes, qui avaient fait tourner court l'an dernier l'offre de rachat de Microsoft.
Depuis l'éviction du cofondateur Jerry Yang, remplacé en janvier par Carol Bartz, les deux groupes avaient repris un long flirt : M. Ballmer ne ratait jamais l'occasion d'exprimer son intérêt pour un partenariat, Mme Bartz jouant l'indifférence.
Les milieux spécialisés avaient dressé l'oreille lorsque la semaine dernière Mme Bartz avait concédé un rare compliment à Microsoft, reconnaissant que Bing était « un bon produit ».