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Moyen Orient et Monde - Le point

Haute infidélité

Le train des libérations de manifestants arrêtés au lendemain de l'élection présidentielle est en marche. Lancé mardi, il devrait arriver en gare demain vendredi, date à laquelle ne resteront en prison que les protestataires faisant l'objet de « graves accusations », selon les termes mêmes de Mahmoud Ahmadinejad, initiateur de cette soudaine autant qu'inexplicable mansuétude. L'autre train, celui du conflit au sein de la galaxie des mollahs, poursuit sa course folle et  risque de dérailler si le conducteur, pardon le guide suprême, ne parvient pas à faire entendre raison à son turbulent protégé, tout occupé, lui, à se mettre à dos l'entière hiérarchie dirigeante et une bonne partie du Majlis.
Un moment, on a cru frôler l'épreuve de force entre le chef de l'État et l'ayatollah Ali Khamenei quant le premier a voulu ignorer l'injonction venue d'en haut - et annoncée sous la forme d'un ordre diffusé par la télévision d'État - de se débarrasser de son vice-président, le sulfureux Esfandiar Rahim Mashaie. Finalement, exit l'objet du conflit, revenu depuis par la petite porte ès qualité de proche adjoint du président, ce qui fait de lui un numéro 2 susceptible de diriger le pays en cas de vacance au sommet. C'est qu'on ne se débarrasse pas facilement du beau-père de votre fils, même s'il lui est arrivé par le passé de juger que les Israéliens, mon Dieu, ne sont pas si mauvais que ça. Il est vrai que, peu après, il avait fait amende honorable et juré, mais un peu tard, qu'on ne l'y reprendra plus. Certains l'avaient compris : le « dérapage » pro-Tel-Aviv n'est pas la cause, tout au plus le prétexte, de l'ire des conservateurs, inquiets de voir l'ancien maire de Téhéran préparer une sorte de 18 Brumaire qui lui permettrait, si l'on n'y prend garde, de contrôler la presque totalité  des rouages du système. La preuve ? Ali Kordan, ancien ministre de l'Intérieur, est de retour en tant qu'inspecteur de tous les départements officiels, lui qui avait été destitué dans le déshonneur par vote du Parlement pour un faux doctorat délivré, disait-il, par une inexistante London Oxford University.
Dimanche, le ministre des Renseignements, Gholam Hossein Mohseni Ejeie, a dû renoncer à ses fonctions à la suite d'une altercation avec le chef de l'État à propos justement de Mashaie. Quatre de ses collègues ont été sommés d'en faire de même, mais la nouvelle devait être démentie peu après. Par contre, c'est de son propre chef que  Mohammad-Hossein Saffar-Harandi a abandonné son portefeuille  de la Culture et de l'Orientation islamique, jugeant que le gouvernement, en proie à des déchirements internes, était devenu « trop faible ». Commentaire du quotidien conservateur Tehran Emrouz : « Tout cela est par trop chaotique. » Un point de vue partagé par le député Ali Motahari - lequel, à l'évidence, dédaigne l'euphémisme -, qui a invité le président à « contrôler ses nerfs ». À cette liste d'ennemis, qui s'allonge au fil des jours, on peut désormais ajouter le nom de Ali Larijani, un homme bien en cour et qui occupe les fonctions de président de l'Assemblée nationale, organisme qui devrait, selon toute probabilité, servir d'arène au prochain round appelé à se dérouler lorsque sonnera l'heure (dans près d'une semaine) de la présentation du nouveau gouvernement.
L'issue de la crise, tout le monde s'accorde à le reconnaître, n'est pas pour demain. Ce qui est certain, c'est que l'aura de Khamenei en sortira amoindrie, et avec elle l'autorité de celui qui, malgré tout, reste son poulain. Certes, si les prises de position de celui-ci gênent et même irritent à l'intérieur comme hors des frontières, notamment ses propos sur l'Holocauste, sur les rapports avec les États-Unis ou sur Israël, il n'en demeure pas moins qu'en haut lieu on les approuve. Dans un ciel  aussi lourd de nuages, le pavé lancé par Ali Akbar Hachémi-Rafsandjani inquiète plus d'un mollah. Dans son prêche du 17 juillet, l'homme placé à la tête du Conseil de discernement a parlé d'une crise de confiance, mis en doute la crédibilité du système, réclamé la libération des prisonniers politiques, plaidé pour une information libre et insisté sur l'importance d'une réconciliation nationale. La réponse n'a pas tardé à venir : quarante-huit heures plus tard, Khamenei traitait les protestataires d'agents de l'étranger. Il est clair que l'ancien homme fort du régime n'est plus dans les bonnes grâces de celui qui lui doit en grande partie son intronisation en tant que successeur de Ruhollah Khomeyni. Violemment pris à partie, en pleine campagne électorale, par Ahmadinejad qui l'avait accusé de corruption et s'en était pris à sa famille, à aucun moment il n'a reçu le soutien qu'il aurait été en droit d'espérer.
À Téhéran aussi la roche Tarpéienne est près du Capitole. Pour tout le monde ?
Le train des libérations de manifestants arrêtés au lendemain de l'élection présidentielle est en marche. Lancé mardi, il devrait arriver en gare demain vendredi, date à laquelle ne resteront en prison que les protestataires faisant l'objet de « graves accusations », selon les termes mêmes de Mahmoud Ahmadinejad,...
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