Danser la tête dans les étoiles, les Libanais adorent ça. Et on le leur rend bien. La démarche a été intelligente, et elle a fait des émules, depuis quelques années déjà. « Veiller » au sommet d'un immeuble, en plein air, sous un clair de lune, c'est ce que quasiment tout le monde fait en ce moment, un peu partout dans le pays. Le concept est simple. On aménage le toit d'un immeuble, d'un hôtel, d'un journal, d'un parc d'exposition. On y installe des canapés, des tables, un bar, des climatiseurs (eh oui), quelques ventilateurs, et le tour est joué. Vous voici là où il faut être, avec, comme seul plafond, le ciel. Avec comme vue, la baie de Beyrouth, la ville, la baie de Jounieh, celle de Batroun ou de Tripoli. Avec comme musique, celle du moment. Avec comme partenaires, la jeunesse dorée libanaise, la jeunesse expatriée, la jeunesse touristique et tout le toutim. Avec comme compagnon de votre soirée, une brise légère. Naturelle, ventilée ou conditionnée. Ce vent qui caresse vos cheveux vous permet de ne pas étouffer malgré les 36 degrés ambiants et les mouvements de danse que vous esquissez la soirée durant. Aller sur un roof top, c'est procéder à tout un rituel. Il faut avoir réservé sa table, son lounge, son tabouret de bar. Il faut ensuite retenir tout un tas de codes. Le code de la table afin que personne ne puisse utiliser votre nom comme passeport d'entrée. Le code vestimentaire : smart casual. Jeans, top sexy et talons hauts ou robe pour les demoiselles. Jeans, tee-shirt ou chemise moulante et baskets trendy pour les hommes. Le code social : saluer rapidement les tables adjacentes, inviter quelqu'un à venir s'asseoir. Le code de conduite : commander de la vodka (Belvédère ou Grey Gooth), du champagne - de la Veuve bien sûr - rosé si possible, un whisky - 12 years old au moins. Faire péter la carte de crédit dont on n'a pas besoin de retenir le code, une petite signature suffit. Graisser généreusement la pâte des videurs, des serveurs, du chef de rang, du valet parking pour qu'ils n'oublient pas votre visage... Lové dans un canapé, vous voilà fin prêt. La soirée peut commencer. Cigare ou Marlboro au coin des lèvres, vous scrutez, zyeutez, souriez bêtement. Vous faites partie de la « High ». Et ça fait du bien. Les jeunes filles en fleur arrivent tour à tour, seules ou accompagnées. Maquillées, ultramaquillées, coiffées, moulées dans des robes qui laissent entrevoir une jeune poitrine debout ou des seins refaits, elles s'installent à la table à côté. Sortent leur appareil photo pour immortaliser l'instant. Dès le petit matin, ces moments volés seront sur Facebook pour montrer à l'ensemble de la blogosphère qu'on y était. C'est que la bachelor party de Nadia, ça ne se rate pas. Pauvre Nadia. Affublée d'un voile de pacotille et d'un porte-jarretelles rouge au-dessus de son pantalon, elle est le clou de la soirée. On la fait boire... beaucoup. Et les hommes défilent à sa table pour l'inviter à une danse collée serrée. Elle enterre sa vie de célibataire. Et c'est bel et bien un enterrement. Il suffit de regarder le visage conscrit de ses voisines de table, plus âgées et qui sont déjà passées par la case mariage, pour comprendre que Nadia est plainte. « Pauvre fille, elle ne sait pas ce qui l'attend », « Allons lui dire de ne pas trop se réjouir », « Change d'avis, il est encore temps. » Le futur marié débarquera plus tard, murgé jusqu'à la moelle, accompagné de ses compagnons de route. Il fera moins le fier dans quelques années... Et la soirée continue. Alcoolisée comme il faut. On s'extravertie. On monte sur la banquette. On danse les bras levés au ciel, on crie dans un anglais approximatif les paroles du dernier tube « of the moment ». « Are we human ? Or are we denser ? » Puis on tombe, hilare, dans les bras du mari de la copine ou de ceux de la fiancée du cousin. Heureusement que le ridicule ne tue pas, on serait « six feet under » depuis longtemps. Mais qui est ce jeune homme qui nous fait de l'œil ? On ne le connaît pas. Ce n'est pas bien grave, on lui sert une coupe. Viens danser, petit, la nuit est belle. Viens danser sur Billie Jean. C'est que Michael Jackson est ultratendance depuis le 25 juin dernier. Et on regarde le ciel où probablement son étoile brille de pleins feux. « Billie Jean is not my lover... » Il est 3 heures, 4 heures même. L'air conditionné se fait plus froid, le canapé est imbibé de vodka, les cheveux sont humides, l'œil se fait moins frais et l'endroit se vide. Le roof n'est plus qu'un roof dans un sacré et piteux état, nous aussi d'ailleurs. Ce n'est pas bien grave, on aura côtoyé les étoiles et le ciel l'espace d'un instant...
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Danser la tête dans les étoiles, les Libanais adorent ça. Et on le leur rend bien. La démarche a été intelligente, et elle a fait des émules, depuis quelques années déjà. « Veiller » au sommet d'un immeuble, en plein air, sous un clair de lune, c'est ce que quasiment tout le monde fait en ce moment, un peu...