Ainsi, l'article 53 C édicte que « le président de la République promulgue, en accord avec le président du Conseil le décret de formation du gouvernement, tout comme les décrets acceptant la démission des ministres ou les révoquant ». Cela signifie que le chef de l'État n'accorderait pas d'acte de baptême à un montage gouvernemental qui ne lui semblerait pas conforme aux critères d'équilibre et d'équité établis par le pacte national. Partant de ces considérations, il ne souscrirait pas non plus à une équipe où les forces politiques principales du pays ne seraient pas représentées si elles le souhaitent. Plus avant, la chorégraphie ministérielle doit s'orchestrer autour d'un programme d'action opérant, dans la mesure du possible, la synthèse des vues des parties en présence. Un accord préalable de base dont la conclusion même garantit ce minimum étatique indispensable en démocratie, la cohésion ministérielle. Le chef de l'État, garant de la Constitution fille du pacte national, est de ce fait autorisé à passer au crible la compétence, la capacité et la probité des ministres potentiels. Il peut également évaluer comparativement le degré de représentativité que leur octroient leurs communautés, ou leurs régions, respectives. Facteur dont l'Assemblée nationale peut aussi juger, en accordant ou en refusant sa confiance à un ou plusieurs ministres.
Une fois que la Constitution aura été respectée dans son esprit comme dans sa lettre, le président de la République peut, en accord avec le président du Conseil désigné, promulguer le degré de formation du gouvernement. À partir de ce moment-là, la règle du jeu implique une reconnaissance unanime du rôle d'arbitre dévolu au chef de l'État en cas de différend au sein du Conseil des ministres. Il n'a donc pas besoin, dans le principe, de disposer d'un quota quelconque, large ou réduit, de ministres. On peut même dire qu'en fait tous les ministres étant ceux de la République sont les siens.
C'est cette voie que le président Michel Sleiman trace dans son discours du 25 mai, en soulignant que « le prochain gouvernement doit refléter dans sa composition l'esprit du pacte national et de la Constitution. Il doit être un gouvernement prometteur, protecteur, se porter garant dans toutes ses composantes, et non en partie, car la partie ne peut évidemment pas garantir le tout, alors que l'inverse est vrai ». Il précise ensuite que « le président de la République a la responsabilité de préserver et de protéger la Constitution. De ce fait, il doit pouvoir trancher tout conflit. Ce que l'on attend d'un président de la République d'entente et de consensus ce n'est pas de gérer les crises, mais de cristalliser des solutions équilibrées et de les imposer. Afin de garantir leur réalisation, en tranchant toujours, et à jamais, sur la seule base de l'intérêt de la patrie et des intérêts nationaux supérieurs ».
Dans le même sens, une fois respecté l'esprit de Taëf, le débat sur le tiers de blocage accordé au 8 Mars ou d'équilibrage octroyé au chef de l'État paraît superfétatoire. Pour être précis, le législateur a voulu que la composition du cabinet, élaborée par le Premier ministre désigné, reste soumise à l'aval du chef de l'État pour compenser le retrait du droit que la précédente Constitution lui donnait de nommer les ministres. En outre, en le privant du droit de voter en Conseil des ministres, Taëf a voulu consacrer son rôle d'arbitre, du moment qu'on ne peut être juge et partie. Last but not least, Taëf et la Constitution qui en découle ont opté clairement pour un régime démocratique parlementaire. Ce qui signifie essentiellement que la majorité gouverne tandis que la minorité surveille et censure, sans mélange des genres réduisant la Chambre à l'état de spectateur forcé d'applaudir, ou de faux témoin. Encore un point : normalement, le président de la Chambre doit sortir des rangs de la majorité. Mais comme elle est souveraine, elle peut toujours élire un minoritaire. Sauf que dans ce cas-là, la Constitution lui impose de ne plus être opposant et de coopérer avec l'Exécutif, chef de l'État en tête. Et sûrement pas de fermer la place de l'Étoile.