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Moyen Orient et Monde - Le point

Négociant en paix

Le chœur des chausseurs de lunettes roses : « Majeur, comme l'ont prétendu Ehud Barak et la Maison-Blanche, ou mineur si l'on veut suivre l'Union européenne, c'est quand même un pas en avant dont, le moment venu, il conviendra de tenir compte. Après tout, Israël a reconnu, et pour la première fois, la nécessité de créer un État palestinien. »
Le chœur des pleureuses : « Benjamin Netanyahu vient de planter le dernier clou dans le cercueil de la paix. Comparez le nombre de "oui" aux idées avancées par l'autre camp à celui des "non" opposés par le Premier ministre israélien. Le bilan final est plus éloquent que tous les commentaires. »
Dix jours après le célébrissime discours cairote du président américain, Israël a lancé un caillou dans la mare proche-orientale en donnant son aval à l'une au moins des idées avancées par Washington. Dans le même temps, il a pris soin de préciser sa vision de ce « foyer arabe » (comme il y eut en son temps un « foyer juif » de sinistre mémoire promis par Arthur James Balfour). Il s'agira d'un pays sans armée ; ses frontières demeureront pour longtemps encore floues ; les Palestiniens de 1948 et leurs descendants ne pourront en aucun cas invoquer le droit au retour ; les implantations déjà établies ne figurent pas à l'ordre du jour ; enfin il n'existe pas de cadre pour les négociations à venir, ce qui revient à envoyer à la trappe la fameuse feuille de route de 2003.
Dans son exposé de dimanche, prononcé au Centre Begin-Sadate des études stratégiques de l'université Bar-Ilan, connue comme étant un bastion des religieux nationalistes, l'orateur a évoqué à plus d'une reprise, en parlant de la Cisjordanie, la Judée-Samarie « terre de nos ancêtres ». Il a recouru, en outre, à nombre d'expressions bibliques, évoquant par exemple une prophétie d'Isaïe : « De leurs épées ils forgeront des socs de charrue et de leurs lances, des faucilles. » Quant aux territoires aujourd'hui occupés, ils représentent « le berceau du peuple juif », étant entendu sans doute que le monde tel que nous le connaissons aujourd'hui est né avec Abraham et qu'avant ce dernier il n'existait que le néant d'où, bien des siècles plus tard, les Arabes ont été tirés.
Ces siècles-là, Ron Dermer, porte-parole de la présidence du Conseil, les a allégrement sautés, estimant que son maître avait « franchi le Rubicon », quand le Palestinien Saëb Erakat, lui, affirmait : « On nous parle de négociations, mais que laisse-t-on sur la table ? Le nombre de conditions préalables est tel qu'il nous est interdit d'envisager l'éventualité même d'une Palestine indépendante. » Et Nabil Abou-Roudeyna, porte-parole du président de l'Autorité palestinienne Mahmoud Abbas : « Tout cela réduit à néant les efforts entrepris à ce jour. » Relativisons. L'autre dimanche, on n'a pas porté en terre le cadavre du processus de paix, pas plus que l'on n'a vu naître une énième mouture de cette forme moderne du rocher de Sisyphe. Simplement, le quarante-quatrième chef de l'exécutif US a cherché (et réussi) à secouer le cocotier. Il en est tombé une noix, la première à laquelle, on s'entête à l'espérer, succéderont d'autres fruits.
C'est que Barack Obama est un homme obstiné, comme il l'a prouvé dès le jour où il a lancé sa campagne électorale. Promesses à l'appui, il s'est tellement avancé sur le sujet du Proche-Orient qu'il ne peut courir le risque de perdre. Et il dispose d'atouts non négligeables, sans craindre de subir le sort réservé autrefois à George Bush père. On se souvient que celui-ci avait exigé l'arrêt des implantations en échange d'une garantie à l'octroi d'un prêt à l'État hébreu. Résultat : pour sa réélection (ratée), il n'avait recueilli que 11 pour cent des votes juifs. Rien de cela cette fois. Une commission de la Chambre des représentants, révèle Le Canard enchaîné (*) a récemment plaidé « pour qu'une portion de l'aide militaire à Israël prévue pour l'année fiscale 2010 (555 millions de dollars, sur 2,7 milliards) soit déboursée en avance dès cette année ». « Une arme de conviction massive », ajoute l'hebdomadaire, citant un diplomate du Quai d'Orsay.
À cela s'ajoutent deux faits : à Tel-Aviv comme à Washington, le sujet des points de peuplement ne représente pas une priorité ; en outre, un sondage paru il y a deux jours révèle que seul un Israélien sur cinq se sent menacé par l'émergence d'un Iran nucléaire, un épouvantail pourtant régulièrement brandi par l'alliance Likoud-Israël Beiteinu-Shass pour servir de monnaie d'échange avec l'administration démocrate, mais auquel Netanyahu n'a pas fait allusion dans son intervention de dimanche.
En l'espace de dix ans, on avait eu droit à un retrait de Gaza, ordonné par Ariel Sharon, entré depuis dans un coma profond. Son successeur, Ehud Barack, avait parlé d'un désengagement de la rive occidentale du Jourdain, juste avant une cascade de scandales suivis d'une désastreuse expédition au Liban. On attend de connaître le sort qui attend « Bibi ».


*Numéro 424 du 10 juin 2009.
Le chœur des chausseurs de lunettes roses : « Majeur, comme l'ont prétendu Ehud Barak et la Maison-Blanche, ou mineur si l'on veut suivre l'Union européenne, c'est quand même un pas en avant dont, le moment venu, il conviendra de tenir compte. Après tout, Israël a reconnu, et pour la première fois, la nécessité de...
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