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Moyen Orient et Monde - Le point

L’hallali

Trop de coups durs... Il faudra bien, un jour, que la série noire s'interrompe et que Gordon Brown puisse enfin bénéficier d'une embellie dont sa vie a cruellement manqué jusqu'à présent. Mais non, le Premier ministre britannique vient à nouveau de subir une défaite. Trois défaites, pourrait-on dire : aux élections européennes de dimanche, son parti a eu droit à une humiliante troisième place, loin derrière les Tories et même du United Kingdom Independence Party (UKIP) opposé à l'entrée du pays dans le concert des 27 nations du continent ; il a dû se résoudre à voir deux membres du British National Party (l'équivalent du Front national de Jean-Marie Le Pen) accéder au Parlement de Strasbourg ; enfin, ses propres camarades s'apprêtent à lui porter l'estocade en réclamant son départ au prétexte qu'il représente désormais un boulet trop lourd à traîner à moins d'un an d'une consultation générale qui menace, tout le laisse craindre, de leur être fatale. C'est beaucoup pour cet ancien rugbyman, pourtant habitué aux charges violentes de l'adversaire. Mais cette fois, elles viennent de l'intérieur, du clan des « blairistes », cette redoutable garde rapprochée de l'ancien locataire du 10 Downing Street, lequel n'a jamais admis d'avoir proprement été mis à la porte ni de se contenter depuis de faire le pied de grue en attendant d'être reçu, en tant qu'émissaire du quartette, par les « grands » du monde arabe.
Il revient à un quotidien londonien d'avoir découvert le pot aux roses. Pendant des mois, les comploteurs s'étaient régulièrement retrouvés dans le plus grand secret pour établir leur plan d'attaque. Objectif : une démission en masse de membres du cabinet, ce qui aurait fragilisé son chef et préparé le retour de son prédécesseur. Parmi eux, les ministres Hazel Blears, James Purnell, John Hutton et Caroline Flint. Le remplaçant était tout trouvé : il s'agissait d'Alan Johnson, alors ministre de la Santé. L'affaire avait capoté quand miss Flint, la deuxième dans le rang des partants suivant le scénario, avait préféré marchander son maintien contre un maroquin plus important que celui des Affaires européennes qu'elle détenait. Quand on a les dents trop longues, disait l'autre, on mord mal...
Lord Charles Falconer a repris à son compte, hier dans le Times, l'appel au départ du chef du gouvernement, toujours au nom de l'indispensable besoin de changement. Le problème, c'est que, même sans Brown, le Labour est certain de perdre les élections législatives, qu'elles soient anticipées ou qu'elles se déroulent à la date prévue, soit dans douze mois au plus tard. Selon les dernières projections, au vu des récentes municipales, le Parti conservateur pourrait s'assurer une confortable majorité de 34 députés à la Chambre des communes, ce qui représenterait une perte de 140 sièges, soit 40 pour cent des 350 sièges enlevés par les travaillistes en 2005. La descente aux enfers s'est accélérée au point que, dimanche, à son arrivée à Arromanches (Normandie) pour la cérémonie marquant le 65e anniversaire du débarquement allié, le Premier ministre a été hué par la foule en raison de son incapacité, supposée ou réelle, à obtenir la présence de la reine Élisabeth II et de son époux. On le voit, les rebelles n'hésitent pas à faire feu de tout bois, à l'image d'un ancien de l'équipe en place, Frank Field, qui dénonce le « terrorisme » exercé sur les membres du parti. On leur dit en substance, affirme-t-il : « Si je pars, vous risquez de perdre définitivement votre place. » Ce qui n'est pas très éloigné de la vérité.
Quoi qu'il en soit, lundi encore, Jane Kennedy, responsable de l'Environnement, s'est jointe à son tour à la cohorte des mécontents, affirmant, après avoir refusé de faire acte d'allégeance, que l'obstination de son chef ruinait les chances de sa formation politique.
Le coup de grâce a été porté dimanche par le Mail on Sunday qui a exhumé un vieil e-mail de lord Mandelson, alors commissaire européen, qualifiant Gordon Brown d'homme « peu sûr de lui, mal à l'aise dans sa peau, introverti, partisan d'une politique populiste et manquant de vision stratégique ». Une telle sévérité de jugement n'avait nullement empêché ultérieurement son auteur de figurer dans l'équipe gouvernementale en qualité de principal conseiller politique et à ce titre d'être l'artisan de la reconstitution de la team ministérielle.
C'est une histoire, prétendument vraie, que Brown adorait raconter et que vient de rappeler le Daily Telegraph : « Peter Mandelson m'avait demandé un jour une piécette de 10 pence pour, m'avait-il dit, téléphoner à un ami. Je lui avais tendu vingt pence en lui disant : "Appelle donc les deux." » Combien d'hommes le Premier ministre peut-il contacter aujourd'hui parmi ses féaux ?
Trop de coups durs... Il faudra bien, un jour, que la série noire s'interrompe et que Gordon Brown puisse enfin bénéficier d'une embellie dont sa vie a cruellement manqué jusqu'à présent. Mais non, le Premier ministre britannique vient à nouveau de subir une défaite. Trois défaites, pourrait-on dire : aux...

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