paroisse !
Car, elle le reconnaît, ce malheureux état des choses sert son travail. Lequel est basé essentiellement sur la récupération du fer forgé des balustrades et des balcons anciens et, dans une moindre mesure, des « moucharabieh » et autres frises en bois décoratives des vieilles fenêtres.
Sauf qu'en allant collecter chez les récupérateurs, les brocanteurs, les ferronniers ces reliquats de constructions traditionnelles et en les transformant en pièces mobilières stylisées, Bénédicte Moubarak contribue à donner « une nouvelle vie à des objets du patrimoine », estime-t-elle.
Et en concevant à partir de la ferraille rouillée des pieds de lampe, des luminaires, des appliques, des bougeoirs, des pare-feu de cheminées et même des tables et guéridons, elle espère, « sans vouloir être présomptueuse », souligne-t-elle, « apprendre aux gens à redécouvrir la beauté de ces éléments de constructions anciennes » ou, en d'autres termes, insuffler chez les Libanais la reconsidération envers leur patrimoine architectural.
Pour ce faire, la dame sillonne le pays pour se fournir en grilles et clôtures de fer forgé, rampes d'escaliers ouvragés et autres balustrades rongées par les ans qu'elle entrepose, d'abord, chez elle. Le temps de laisser affluer ses idées et de concevoir, à partir de ces reliquats du passé, des objets décoratifs adaptés au goût contemporain et pouvant réintégrer ainsi les maisons libanaises d'aujourd'hui. Une belle manière de retenir l'âme de ces objets inanimés...
Du fer conservé dans son jus
Une fois le dessin conçu, la grille est découpée, fragmentée et nettoyée, mais dans un esprit « récup », c'est-à-dire « en la gardant dans son jus », comme elle dit. « En prenant soin de lui conserver sa patine authentique d'objet qui a vécu. C'est là toute la différence avec les productions chinoises ou indiennes de copies d'ancien », fait d'ailleurs remarquer la créatrice. Qui insiste sur le fait que les seules pièces qui sont artificiellement patinées chez elle sont les morceaux ajoutés, « comme les bases des lampes et des bougeoirs, ou les coupelles des bougies ».
Et si elle met la main à la pâte surtout pour la fabrication des abat-jour, cette ancienne consultante dans les ressources humaines, reconvertie dans la création décorative, cultive une démarche qui favorise « des personnes qui ne sont pas forcément dans le circuit ».
Ainsi, pour la besogne physique, elle « préfère avoir recours à la forge d'arcenciel, où travaillent des handicapés physiques et mentaux », et pour certains ouvrages manuels (comme les perles de tissus ou en verre soufflé dont elle pare certaines pièces), elle fait appel aux femmes dans les prisons, ou encore sous-traite à l'équipe des Artisans du Liban. Mais elle a également formé deux mères de famille du quartier pour l'aider dans la fabrication des abat-jour.
Cette dernière activité est en fait à l'origine de son travail de designer - et de son label 2bdesign - actuel.
La créatrice le signale malicieusement : « Il y a quelques années, j'étais toujours à la recherche de pieds de lampe pour mettre en valeur les abat-jour que je fabriquais. Aujourd'hui, je suis exactement dans la situation inverse. Je fais des abat-jour pour mettre en valeur les pieds de lampe que je crée. » Comme quoi, avec Bénédicte Moubarak, c'est à plus d'un titre que « rien ne se perd, tout se transforme » !
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