Rechercher
Rechercher

Santé

Nouvelle législation sur les tests génétiques au Liban

Professeur Fouad N. Boustany
Après une étude approfondie par les commissions parlementaires, la Chambre a adopté en novembre 2004 la loi n° 625 sur les tests génétiques, proposée par le Comité consultatif national libanais d'éthique pour les sciences de la santé et de la vie, et agréée par le ministère de la Santé, le Conseil d'État et le Conseil des ministres. La loi, l'une des premières adoptées dans le monde arabe, fut publiée dans le Journal officiel n°62 du 25/11/2004. Nul doute qu'elle produira, tant chez les acteurs de la santé que chez le public libanais, la possibilité de mesurer à la fois l'immensité des progrès accomplis et les formidables espoirs soulevés pour les malades et leurs familles. Ils mesureront de plus l'ambivalence que les recherches et les applications de la génétique, si elles sont anarchiques, peuvent amener de meilleur comme du pire, mettant en jeu le citoyen dans son humanité.

La génétique nouvelle
Les progrès scientifiques et technologiques transforment à un rythme accéléré le monde dans lequel nous vivons. Ces nouveaux développements placent l'humanité face à de nouveaux dilemmes. La seconde moitié du XXe siècle a été marquée par l'irruption de la génétique humaine au cœur de la révolution scientifique. La génétique s'est rapidement imposée comme une discipline nouvelle, originale et touchant à l'essence même de l'humanité et de la vie. Pourtant, cette discipline est aussi ancienne que le premier couple se penchant sur son enfant pour remarquer qu'il a les yeux de sa mère ou les oreilles de son père. Pendant des siècles, la transmission des caractères héréditaires a été liée à la filiation par le sang.
Au XIXe siècle, la génétique a commencé à sortir de son sommeil avec les découvertes de Lamarck, Darwin, Mendel et Morgan. Toutefois, la génétique d'aujourd'hui apparaît bien originale et nouvelle, s'imposant comme une discipline à part entière. Cela tient à la conjonction des éléments suivants :
- Tout d'abord l'apparition de connaissances nouvelles telles que la structure de la molécule d'ADN (acide désoxyribonucléique - 1953), le nombre des chromosomes de l'être humain (1956), la découverte de la trisomie 21 (1959), suivis des progrès technologiques en cytogénétique et en biologie
moléculaire.
- En même temps, on a assisté à un profond changement dans les besoins en santé publique. La mortalité infantile diminuant, l'attention prioritaire revint à la fréquence des maladies génétiques qui atteignent 3 % des enfants à la naissance.
- Au même moment, l'arrivée des techniques de l'assistance médicale à la procréation a créé des besoins nouveaux et un changement dans les mentalités. Certains couples ont été soulagés, mais d'autres ont commencé à exiger des bébés de qualité, normaux, sains, de sexe choisi.

La génétique et l'humanité de l'homme
En quelques années, la génétique devint une discipline originale, possédant des examens et des tests appropriés, avec des diagnostics indiscutables, sans atteindre toutefois encore toute sa dimension thérapeutique. On lui demande de comprendre le passé pour expliquer le présent et prévoir l'avenir. De plus, la génétique et ses explorations intéressent souvent des êtres avant la naissance ou le diagnostic d'une maladie hypothétique qui peut survenir. La question qui lui est souvent posée concerne la santé d'un enfant à venir ou le caractère inéluctable du destin d'une personne vivante susceptible de présenter à un moment donné une maladie pour le moment muette (médecine prédictive). Dans ces conditions, on comprend que la génétique, avec la découverte des gènes, ouvre la voie à la médecine génique et exige des décennies de recherches pour apprendre à prévenir, traiter ou guérir des maladies aujourd'hui non guérissables, voire fatales.
Par ailleurs, une des caractéristiques de la génétique est que ses explorations ne s'adressent plus seulement à des individus isolés, mais surtout à des couples, à des familles, voire parfois à des populations entières dans la mesure où les gènes sont partagés. La génétique pose donc comme impératif éthique la recherche d'un équilibre légitime entre la confidentialité des données concernant une personne et l'intérêt de la collectivité à être protégée contre des maladies reconnues ou prévisibles : conflit entre le caractère sacré du secret médical et l'impérieux devoir d'assistance à personne en danger. C'est en cela que la génétique touche au fondement même de l'humanité. On se souvient des graves dérives historiques quand la génétique s'associant à la politique dans le but de l'amélioration des espèces, de la race amena droit aux génocides et à l'eugénisme, dérives qui suscitent toujours méfiance et précautions infinies.
Il faut ajouter de plus, que la plupart des questions que soulève la génétique concernent, tout à la fois, la vie et la mort, l'origine de l'homme et sa finalité. Ces interrogations ultimes imposent à la génétique une dimension métaphysique certaine, difficilement gérée par les diverses croyances et idéologies.

L'encadrement législatif
Ces quelques idées que nous venons de soulever méritent des approches éclairées : médecins, scientifiques, juristes, politiques, hommes de religion peuvent avoir des arguments à faire valoir, afin de proposer à nos sociétés des solutions communes aux interrogations de la génétique et de trouver les encadrements législatifs les plus consensuels aux explorations génétiques, dans le but de sauvegarder l'idée que nous avons de l'être humain et de sa dignité. C'est la démarche suivie par le Comité consultatif national libanais pour gérer les applications scientifiques et les questionnements éthiques de la génétique au Liban.
Différents pays ont déjà adopté des dispositions législatives pour encadrer les tests génétiques, toujours afin de rappeler que les progrès doivent être au service de l'être humain et de sa dignité, et non le contraire.

Professeur Fouad N. Boustany
secrétaire général du Comité national d'éthique,
membre du CIB (Unesco)

Après une étude approfondie par les commissions parlementaires, la Chambre a adopté en novembre 2004 la loi n° 625 sur les tests génétiques, proposée par le Comité consultatif national libanais d'éthique pour les sciences de la santé et de la vie, et agréée par le ministère de la Santé, le...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut