La pierre de Rosette

Le 19 mai 1798, une flotte de près de 300 navires quitte Toulon emportant vers l'Égypte 35 000 hommes, dont 160 scientifiques, lettrés et artistes, 1 000 pièces d'artillerie, 800 chevaux, de l'argent et des vivres pour trois mois. À la fois militaire et scientifique, cette expédition est à la mesure des ambitions du jeune général qu'est alors Bonaparte. Alexandrie est prise le 2 juillet, le 21, l'armée française écrase les Mamelouks au pied des pyramides, et le 22, elle occupe Le Caire. Tandis que les soldats s'emploient à établir l'autorité française dans tout le pays, les savants se mettent au travail. Le 19 juillet 1799, des soldats et des ouvriers français s'activent à déblayer les fondations d'une ancienne forteresse pour construire un ouvrage de défense sur la rive gauche du Nil près de Rosette (Rachid) ; soudain, les hommes tombent sur un bloc de granit noir haut de près de 1m, large de 73cm, épais de 27, et qui porte de curieuses inscriptions. La pierre de Rosette est emportée sur le Nil jusqu'à la capitale pour y être analysée. La stèle porte trois textes, le premier, le plus endommagé, et le second sont en hiéroglyphes, l'antique écriture égyptienne tombée en désuétude et devenue indéchiffrable, depuis le VIe siècle, le troisième est en grec classique facilement déchiffrable : un décret pris, en 196 avant J.-C., en faveur du pharaon Ptolomée V Épiphane par l'assemblée des prêtres égyptiens réunie à Memphis... Le déchiffrage des deux premiers textes ne fut pas facile. Le Français Isaac Sacy identifie l'emplacement des noms propres dans le texte, le Suédois David Akerblad en lit quelques signes puis la recherche piétine... Jean-François Champollion, professeur d'histoire à l'université de Grenoble, devenu après conservateur du musée égyptien du Louvre, tombe sur une copie de la pierre, une copie car à la fin de l'année 1801, les Anglais chassent les Français d'Égypte et expédient la pierre au British Museum. Au terme de longs et minutieux travaux, il perce le mystère de la pierre de Rosette en confrontant les textes à d'autres inscriptions (l'obélisque de Philae et le zodiaque de Denderah aujourd'hui au Louvre...), il conclut que l'écriture ancienne est fondée sur le principe d'un emploi conjoint de signes idéographiques et de signes phonétiques et en déchiffre le contenu... Le 27 septembre 1822, il communique le résultat de ses recherches à l'Académie des inscriptions et belles lettres. Et c'est ainsi, grâce à cet homme de génie qui, très jeune, s'est révélé d'un talent hors du commun dans l'apprentissage des langues, que trois mille ans d'histoire égyptienne deviennent enfin accessibles. Et pour Napoléon : « Le génie de Champollion vient du fait qu'il porte la moitié de mon nom »...