De cette certitude - qu'il est seul à détenir... - a découlé le double monologue d'hier, tenu dans le bureau Ovale de la Maison-Blanche, précédé il y a deux semaines de la visite à Jérusalem du directeur de la Central Intelligence Agency, Leon E. Panetta, avec pour mission de mettre en garde ses interlocuteurs contre les retombées d'une éventuelle frappe aérienne sur les installations nucléaires de la République islamique. L'émissaire US avait pu arracher la promesse que rien ne sera entrepris sans consultations préalables avec l'administration démocrate, une assurance assortie d'une limite dans le temps : étant donné l'état d'avancement du programme iranien, le gouvernement Netanyahu fait valoir qu'il ne peut se payer le luxe de patienter plus de trois mois. Une telle mauvaise foi prête à sourire quand on sait que les scientifiques yankees doutent que la fameuse bombe soit prête avant, au mieux deux ans, en supposant que quelqu'un à Téhéran sera alors disposé à appuyer sur le bouton.
En prévision de la rencontre de ce début de semaine, Barack Obama avait tenu, dans une interview à l'hebdomadaire Newsweek paru dimanche, des propos apaisants. « Je ne suis pas naïf et je n'écarte aucune option », avait-il déclaré, ajoutant : « Je ne veux pas changer le régime. » Une assurance qui s'adresse aux mollahs, avec lesquels il se trouve engagé dans une délicate partie, sur un échiquier dont les limites vont de l'armement iranien à l'Afghanistan, en passant par le Hamas, le Hezbollah, l'Irak, le Golfe et le terrorisme, pour ne citer que quelques-uns des dossiers qui constitue autant de centres d'intérêt aux yeux du régime mis en place il y a trente ans par Ruhollah Khomeyni.
Plus qu'il ne veut l'admettre, le Premier ministre israélien est gêné aux entournures. Il ne peut lâcher du lest sans mettre en péril sa coalition, édifiée sur les fondements du tandem Israel Beiteinu-Shass, et dans le même il ne saurait, en se cantonnant dans son intransigeance actuelle, courir le risque d'irriter le Big Brother américain. Celui-ci est en train de s'activer sur un double plan : il chercherait à obtenir des États arabes modérés, sans trop s'illusionner cependant, leur aval à une certaine forme d'échanges diplomatiques (similaires à celles qui existent avec le Qatar) et de liaisons aériennes avec l'État hébreu contre la promesse d'un gel des colonies de peuplement en Cisjordanie. Cette carotte s'accompagne d'un bâton, représenté par des modifications apportées à un projet de loi autorisant l'octroi de fonds à un gouvernement palestinien incluant des partisans du Hamas et l'allusion - faite par une responsable du département d'État, Rose Gottemoeller, lors d'une conférence à New York - à des démarches pour amener Tel-Aviv à signer le Traité de non-prolifération nucléaire. En elles-mêmes déjà ces deux pilules sont bien amères à avaler. Or s'y ajoute désormais la perte d'influence de l'Aipac (American Israel Affairs Committee), le tout-puissant lobby sioniste, qui a perdu avec le départ des néoconservateurs son principal mentor et dont les membres, affirme la presse, sont écartelés entre leur allégeance à leur mère patrie américaine (78 pour cent des juifs US ont voté pour le ticket Obama-Biden) et leurs sympathies pour Israël.
« Bibi » s'est découvert, à un moment combien inopportun, un allié inattendu en la personne de Jeffrey Feltman. Devant la commission des Affaires étrangères du Sénat, l'adjoint de Hillary Clinton a soutenu, selon le Washington Times que ces temps-ci, on n'entend parler dans la région que de l'Iran, alors qu'il y a quelques années, le principal souci était représenté par la question du Proche-Orient. Le général James L. Jones, conseiller présidentiel en matière de sécurité, à été plus nuancé, lui, dans son jugement. Raison de plus, si Israël se sent menacé dans son existence, de régler le plus rapidement possible la question de Palestine, a-t-il jugé. Un son de cloche qui vient d'être répercuté par le président.