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Nos Lecteurs ont la Parole

La Complainte Rutebeuf de Youssef Moawad

Par Antoine COURBAN
Une erreur de manipulation informatique a fait que nous avons publié dans notre édition d'hier un texte tronqué du professeur Antoine Courban en réponse à Youssef Moawad. Nous reproduisons ci-dessous l'article dans son intégralité, en priant le lecteur - ainsi que le signataire et le destinataire - de nous excuser.
Dans la dernière livraison de L'Orient Littéraire, Youssef Moawad, tel un hussard, enfonce son sabre dans l'image de marque des intellos qui jouaient les pontifes, les inquisiteurs, les faiseurs de morale et les directeurs de conscience d'un univers où « il est interdit d'interdire ». Déclinant son attaque frontale sur une paraphrase de la Complainte Rutebeuf de Jaufre Rudel, Moawad s'interroge avec brio : « Que sont les intellectuels devenus ? »
Il apostrophe ces anciens inquisiteurs, aujourd'hui reconvertis dans différentes idéologies parfaitement contradictoires. Il lui semble qu'ils ont balancé par-dessus l'épaule leurs plus intimes convictions, à savoir : le déterminisme historique, la lutte des classes, la révolution et en filigrane la dictature du prolétariat.
Malgré sa verve, et le brio de sa charge de hussard, Youssef Moawad se trompe. Les intellos reconvertis n'ont pas tellement changé. Leur pensée demeure marquée par les structures héritées de l'idéalisme romantique : la dialectique et le déterminisme historique. Les intellos de jadis n'ont pas renoncé à l'utopie qui consiste à accomplir l'histoire en l'achevant, en mettant fin à la contradiction dialectique que Marx appelle « lutte des classes ».
Dans un monde globalisé, le dogme fondamental consiste à proclamer la primauté de l'économique sur le politique : « La liberté économique détermine toute autre liberté. » Mais qu'on ne s'y trompe pas, cette liberté économique première s'appelle tout simplement « dictature du marché ». La lutte des classes demeure ainsi le moteur de l'histoire mais, cette fois-ci, pour réaliser le « grand soir » et mettre fin à l'histoire, on ne passe plus par la dictature brutale du prolétariat, cette dernière s'étant piteusement effondrée avec la fin de l'ère communiste. Mais ceci ne signifie pas qu'on abandonne l'analyse marxiste. Il suffit d'inverser l'équation de la lutte des classes. La révolution est toujours d'actualité, mais elle consiste à établir la dictature du marché, ou d'une internationale bourgeoise globalisée, comme on voudra.
On comprend dès lors pourquoi les intellos ex-gauchistes sont devenus d'ardents défenseurs d'un certain néolibéralisme qui efface toutes les frontières, qui élimine le politique, qui dissocie l'économie de ses acteurs, qui entend soumettre l'homme à un déterminisme aveugle, mais librement accepté. L'homme, uniquement régi par la règle de la nécessité, acquiert le statut d'une chose. Il se conforme, avec jouissance, à des comportements nouveaux entièrement fabriqués. Les intellos sont devenus d'ardents propagandistes du droit d'ingérence, par exemple. On fait la guerre pour et au nom de valeurs et non plus pour défendre les patries ou les intérêts bien compris. Les hommes, à l'ère marchande, se comportent avec délectation comme des rats de laboratoire.
Le mouvement des néocons n'avait rien à envier à Staline ou Lénine. Sa stratégie est typiquement révolutionnaire, en ce sens qu'elle se propose de casser, par la violence au besoin, l'ordre ancien afin de le remplacer par un ordre nouveau entièrement soumis à des lois supposées déterministes dont l'unique obstacle est la liberté de choix de l'homme.
Lorsque ces anciens représentants de l'utopie ne font pas la révolution chez les néolibéraux adeptes de l'internationale libre-échangiste, on les retrouve comme par hasard dans des mouvements tout aussi utopistes. Au Liban, le Hezbollah est l'exemple démonstratif d'une idéologie en acte qui souhaite, ni plus ni moins, instaurer une dynamique révolutionnaire en vue de casser l'ordre ancien, dominer la société et réaliser son projet de fin de l'histoire : éliminer la corruption ; établir le gouvernement des justes, des purs, des sages, etc. Combien d'intellectuels libanais, déçus du gauchisme, n'ont-ils pas rejoint les rangs du parti de Dieu ?
Un néoconservateur au libéralisme brutal et un idéaliste millénariste, à quelque mouvance qu'il appartienne, peuvent s'affronter et se faire la guerre. Il n'en demeure pas moins qu'il s'agit là de querelles familiales, car tant les uns que les autres sont des enfants du même père (l'idéalisme romantique) et de la même mère (l'histoire soumise au déterminisme dialectique).
Que sont les intellectuels devenus, se demande Youssef Moawad, la réponse est angélique : ils n'ont pas changé, ils habitent toujours chez papa et maman.
Une erreur de manipulation informatique a fait que nous avons publié dans notre édition d'hier un texte tronqué du professeur Antoine Courban en réponse à Youssef Moawad. Nous reproduisons ci-dessous l'article dans son intégralité, en priant le lecteur - ainsi que le signataire et le destinataire - de nous excuser.Dans la dernière livraison de L'Orient Littéraire, Youssef Moawad, tel un hussard, enfonce son sabre dans l'image de marque des intellos qui jouaient les pontifes, les inquisiteurs, les faiseurs de morale et les directeurs de conscience d'un univers où « il est interdit d'interdire ». Déclinant son attaque frontale sur une paraphrase de la Complainte Rutebeuf de Jaufre Rudel, Moawad s'interroge avec brio : « Que...
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