Il faut dire que nous sommes habitués aux montagnes russes, aux événements qui renversent la donne du jour au lendemain, aux guerres éclair, aux insurrections intestines, aux conflits fratricides. Nous sommes logés à bonne enseigne au hit-parade du melting pot des mini-coups d'État, retournements de veste et autres calamités du genre. Rien ne nous a été épargné et rien ne le sera plus jamais.
Faudrait-il encore rappeler qu'un 14 mars 2005, le jour de tous les possibles s'était offert comme une aubaine tombée du ciel et que cette chance inouïe, inespérée de faire enfin du Liban un pays souverain, un État de droit libre de toute dépendance a été loupée, pis encore, sacrifiée sur l'autel des intérêts personnels de ceux qui représentaient - au sein du pouvoir - les désirs de tout un peuple mobilisé pour changer définitivement la donne ? Que ce peuple-là a espéré vainement qu'une page de l'histoire du Liban soit véritablement tournée et que rien n'a été fait ? Que de déception en amertume, ces supporters du feu le 14 Mars se retrouvent aujourd'hui orphelins. Orphelins de la majorité de leurs candidats qui ont fait volte-face, orphelins de leur cause rétrécie comme une peau de chagrin et de laquelle il ne reste plus que le rêve. « Requiem for a dream » ! Et pourquoi serions-nous plus royalistes que les rois ? Pourquoi avoir le cœur brisé en constatant la faiblesse d'une campagne électorale quasi inexistante face à la suprématie sur le terrain des candidats de l'opposition qui ont su - même via certains slogans rasant les pâquerettes - attirer néanmoins l'attention et faire parler d'eux. Pourquoi s'expriment-ils au nom d'une seule cause alors que chacun des candidats du 14 Mars prêche pour sa paroisse ? Un seul slogan unifié, porteur et rassembleur était impératif. Se disperser ainsi n'a fait que fragiliser l'opinion des frileux du vote et décourager définitivement, suite à la libération des généraux, ceux qui attendaient qu'une perche leur soit tendue pour tourner le dos à un passé qui les a fait souffrir et qui les a déçus.
Maintenant que le chapelet de lamentations a été égrené, le moment des revendications n'est pas à l'ordre du jour. Il y a beaucoup plus urgent à traiter, à savoir, l'avenir du Liban qui est en jeu et le devenir de son peuple avec. À quelques semaines d'un scrutin dont les résultats risquent de faire basculer le pays dans une nouvelle ère, grignotant au pays du Cèdre, petit à petit, des libertés aussi essentielles que vitales, le mot d'ordre serait de voter contre un système, contre une machine infernale qui s'est déclenchée et que rien ne semble vouloir arrêter. De voter « contre » des alliances obscures qui laissent présager le pire à défaut de voter « pour » un non-lieu de promesses évaporées. De voter « contre » pour ne pas devoir porter à vie la culpabilité d'avoir collaboré à changer le visage du Liban vers une teinte indélébile qui fait tache, vers un projet de dépendance qui ne porte que des promesses régressives et violentes. Voter « contre » ce retour forcé en arrière et attendre des jours meilleurs.
Voter impérativement et se dire que, plus que jamais, chaque voix compte et que, justement, le décompte en dépend.
Bélinda IBRAHIM
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