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Moyen Orient et Monde - Le point

Le piège genevois

Perruques multicolores et nez rouges de clown : corps et âme, la conférence contre le racisme a sombré dans le ridicule. Et le moins étonnant n'est pas que, paradoxalement, cela semble arranger tout le monde, participants, organisateurs et bien entendu boycotteurs, ces derniers à l'étroit dans leur habit de protestataires contre la présence de l'Iran et leur crainte d'un risque de dérapage anti-israélien. Dans le jargon hospitalier américain, trois lettres servent à désigner un cas comme celui-là : D.O.A., ou « death on arrival ». C'est ce qui vient de se produire dans la cité de Calvin, à l'ouverture de débats censés se poursuivre quatre jours durant, dominés dès la première heure par l'interminable réquisitoire d'un Mahmoud Ahmadinejad toujours égal à lui-même, qui prenait la parole alors même que l'État hébreu commémorait l'Holocauste.
Les États-Unis, passé les premiers moments de flottement, avaient fini par prendre la décision de boycotter le sommet, qualifié par Barack Obama de « contre-productif et hypocrite », tout comme l'avaient fait l'Allemagne, la Pologne, les Pays-Bas, l'Italie, l'Australie, le Canada... Peu auparavant, il avait semblé presque certain qu'ils finiraient par se joindre aux dizaines de pays ayant accepté de participer aux travaux. Un porte-parole du département d'État pouvait alors parler de « progrès substantiels » dans l'élaboration du document appelé à être adopté en clôture. Mais dans le même temps, il évoquait de « réelles inquiétudes » concernant l'inclusion de certains passages de la déclaration finale de 2001 votée dans la ville sud-africaine de Durban.
De fait, la conférence préparatoire, tenue sous la houlette de Téhéran et de La Havane, avait commencé par élaborer un projet de 45 pages réclamant des réparations pour des siècles d'esclavage, condamnant « la légalisation de l'islamophobie » et assimilant à une forme de « racisme » le traitement infligé aux Palestiniens. À l'époque, Moscou avait cherché à arrondir les angles en obtenant la suppression de toute référence à Israël, sans parvenir toutefois à éviter le maintien de larges passages du document de Durban-I. Aussitôt, Tel-Aviv faisait donner sa garde, en l'occurrence la mobilisation par l'organisation B'nai Brith d'une cinquantaine de grosses pointures de onze nationalités différentes pour un intense travail de relations publiques. Objectif : faire capoter la conférence. Comme si le seul président iranien ne suffisait pas...
Contrecoup de cette offensive, couronnée de succès comme on vient de le voir : au sein de nombreuses organisations chargés de la défense des droits de l'homme, et surtout des groupes afro-américains, on se dit frustré de constater que le boycott soit le fait du premier président noir de l'histoire de l'Amérique. On relèvera au passage que le triste « exploit » aura, pour le chef de l'État iranien, consisté à faire oublier un temps durant son programme nucléaire, grâce à cette malheureuse affaire et au véritable scandale représenté par la condamnation à huit ans de prison de la journaliste Roxana Saberi, reconnue coupable d'espionnage et qui, selon toute probabilité, devrait faire l'objet d'un intense marchandage dans les jours à venir.
« Il est désolant de constater que des nations qui affichent leur volonté d'éviter une réédition de la désastreuse expérience de 2001 soient celles-là mêmes qui œuvrent à faire échouer un consensus général sur la lutte contre le racisme », se désole Juliette de Rivero, l'une des directrices de Human Rights Watch, ajoutant : « Au lieu d'isoler les voix radicales, ces gouvernements ont capitulé devant elles. » Une critique d'autant plus justifiée que, à l'exception de Washington, la plupart des capitales ayant choisi la voie du boycott avaient avalisé la résolution de 2001. À Berne, on méditait lundi soir sur la difficulté qu'il y a d'être neutre. Benjamin Netanyahu, en effet, a rappelé pour consultations l'ambassadeur israélien en Suisse en raison de la participation au forum d'« un raciste, négationniste de la Shoah, qui déclare publiquement son intention de rayer Israël de la carte ». C'est un expert qui parle, encore que, pour sa part, il se garde bien d'évoquer publiquement une telle éventualité s'agissant des Palestiniens. Il se contente, lui, d'agir, ce qui, on en conviendra, est autrement plus efficace.
Dans tout cela, le plus marri est ce malheureux Ban Ki-moon, trahi à la fois par ceux qui l'avaient porté sur les fonts baptismaux onusiens et par l'hôte qu'il avait pourtant mis en garde contre tout dangereux amalgame entre racisme et sionisme, officiellement rejeté par l'Assemblée générale de l'organisation. Bah ! La « galvanisation des énergies » promises pour l'occasion attendra d'autres occasions. Manquées, on peut d'ores et déjà le prévoir.
Perruques multicolores et nez rouges de clown : corps et âme, la conférence contre le racisme a sombré dans le ridicule. Et le moins étonnant n'est pas que, paradoxalement, cela semble arranger tout le monde, participants, organisateurs et bien entendu boycotteurs, ces derniers à l'étroit dans leur habit de protestataires contre la...

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