On l'aura deviné, dans ce sympathique café, discrètement lové au rez-de-chaussée d'une ancienne maison beyrouthine, le groupe, exclusivement féminin, forme un club de lectrices.
La trentaine en moyenne, elles sont quasiment toutes femmes au foyer, ou alors elles travaillent à leur compte et ont, par conséquent, des horaires plus souples qui leur permettent de se retrouver une fois par mois, en matinée - à l'heure où les cafés ne sont pas encore bondés -, pour discuter d'un même livre qu'elles ont toutes lu.
Au départ, elles étaient une bande de copines qui voulaient sortir un peu du schéma classique et accaparant de mère de famille. Un noyau d'amies de classe qui, pour ne pas se réveiller un jour en Desparate Housewives, cherchaient à s'adonner à une activité qui leur soit propre, une activité qui leur permette de s'oxygéner les cellules, agréablement. Nayla Bassili lance l'idée, « répandue dans les pays anglo-saxons », d'un club de lecture. Un petit groupe répond présent. Une amie en entraînant une autre, elles sont aujourd'hui, trois ans plus tard, entre 8 et 12 adeptes de ces réunions mensuelles.
Curieuses et...gourmandes, ces jeunes femmes, qui se retrouvent donc chaque premier jeudi du mois entre 11h00 et 13h00, dévorent, avec un bel appétit, livres et petits gâteaux. En fait, elles sont là pour commenter, partager ensemble leurs impressions, disséquer la trame et les personnages de l'ouvrage lu, mais surtout en discuter en toute simplicité, sans pédanterie, ni étalage d'érudition.
Ce jour-là, au café Kitsch, Nayla, Yara, Lara, Shérine, Carine, Marie-Thérèse, Sylvia et les autres reçoivent l'auteure du livre objet de leur débat. C'est donc à elle que s'adressent la plupart de leurs questions. Comment est née l'histoire ? Les personnages ? Est-il plus difficile pour une femme écrivain d'écrire au masculin ? Munies chacune d'un exemplaire, elles cherchent au fil des pages les passages marquants. Certaines en lisent un extrait à voix haute, d'autres relèvent une tournure, une phrase qui les ont interpellées. Pas de conversations à deux ni de chuchotements, le débat est public.
Ouverture d'esprit
On sent, à travers certaines questions qui fusent, qu'elles n'ont pas toutes adhéré avec le même enthousiasme à ce roman. Dans ce cas, en poursuivent-elles la lecture ? Le «oui» est majoritaire. « Ce qui est bien quand on fait partie d'un club de lecture, c'est que ça nous force à lire de manière assidue », expliquent-elles. « On porte davantage attention aux détails pour identifier des passages qui nous plaisent ou, au contraire, nous dérangent, parce qu'on est motivé par l'idée de partager toutes ces observations avec les autres», renchérissent certaines.
D'ailleurs, pour le choix du livre du mois, chacune propose un ouvrage qu'elle a envie de lire. Sur base de ces propositions, c'est sur celui qui semble stimuler le plus grand nombre que se porte le choix de Nayla Bassili, fondatrice du club et meneuse des débats.
« L'intérêt même de ce club, c'est de nous amener à lire des livres qu'on n'aurait pas choisi spontanément. Parce que c'est dans la nouveauté des thèmes, l'échange et la confrontation d'idées différentes que l'on gagne en ouverture d'esprit », affirment ces jeunes femmes quasiment d'une même voix. Et les thèmes sont larges et variés. Cela va des Mémoires d'Hadrien de Marguerite Yourcenar à La possibilité d'une île de Houellebecq, en passant par L'élégance du hérisson de Muriel Barbery, Madame Bovary, mais encore des auteurs libanais, à l'instar d'Alexandre Najjar et Hyam Yared, précédemment invités à ces rencontres.
C'est donc, au-delà du seul attrait de la lecture, une saine curiosité qui guide ces lectrices et les porte à consacrer, dans le tourbillon du quotidien, une parenthèse conviviale et vivifiante de réflexion et d'enrichissement intellectuel. Une pratique qui plaît tant à certaines qu'elles envisagent de fonder également un club de lecture arabe. Qui a dit que les rencontres autour d'un café ne sont que vains papotages et futilités ?
commentaires (0)
Commenter